Anne-Sarah Kertudo (avatar)

Anne-Sarah Kertudo

Directrice de l'association Droit Pluriel

Abonné·e de Mediapart

9 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 juin 2022

Anne-Sarah Kertudo (avatar)

Anne-Sarah Kertudo

Directrice de l'association Droit Pluriel

Abonné·e de Mediapart

Ces naissances imprévues

Je me souviens que lorsque j’étais enceinte, ma gynécologue m’a prescrit des examens pour vérifier que l’enfant à venir n’était atteint d’aucune pathologie particulière. J’ai souri lorsque le médecin, regardant l’échographie, a conclu : « Tout est normal ». J’étais heureuse de cette nouvelle. Amusée un peu aussi qu’il me dise cela à moi, sourde à 70 % et très malvoyante.

Anne-Sarah Kertudo (avatar)

Anne-Sarah Kertudo

Directrice de l'association Droit Pluriel

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je me souviens que lorsque j’étais enceinte, ma gynécologue m’a prescrit des examens pour vérifier que l’enfant à venir n’était atteint d’aucune pathologie particulière. J’ai souri lorsque le médecin, regardant l’échographie qu’il tenait en l’air, au bout de son bras tendu, a conclu : « Tout est normal ». J’étais heureuse de cette nouvelle. Amusée un peu aussi qu’il me dise cela à moi, sourde à 70 %, très malvoyante et alors que je pressentais déjà sans doute que quelques années plus tard, je deviendrai aveugle.

Mes enfants sont nés sans handicap et les photos de ces moments racontent l’émotion et la joie d’une famille débordant de bonheur.

La naissance est en général un évènement heureux et on sait combien les premiers moments comptent pour la construction de l’individu.

Mais, l’annonce du handicap transforme cet instant unique en épisode dramatique. L’enfant est accueilli dans les larmes, l’inquiétude, parfois la déception. Comment grandit-on quand on est cet enfant-là ? L’enfant dont ne voulait pas ? « Il va falloir faire le deuil de l’enfant dont vous avez rêvé », a dit le médecin à mon amie le jour de la naissance de son premier bébé. « Il faut que nous digérions, il nous faut un peu de temps pour renoncer à tout ce qu’on avait envisagé pour la vie de notre enfant » me racontait ce papa au lendemain de l’accouchement.

En tant que maman qui souhaitait que mes enfants voient, entendent, je ne dirai pas que le handicap est indifférent. Bien évidemment, les parents veulent le meilleur pour leurs enfants et éviter tout ce qui pourra compliquer leur existence. Mais ces enfants-là viennent au monde et comme les autres, ils méritent d’y être accueillis le mieux possible.

Une personne sur six est concernée par le handicap dans son corps et l'immense majorité des situations sont invisibles. Je me demande pourquoi nous ne sommes pas préparés à cela dès le départ.

Pourquoi plutôt que de renforcer le désir d’enfant « normal », on n’informe pas les parents que peut-être leur enfant ne verra pas, n’entendra pas, aura éventuellement des troubles cognitifs et ne sera pas la copie conforme de la photo sur les paquets de couches. On pourrait les informer que cette variation de fonctionnement pourra survenir à la naissance, ou plus tard et que ce n’est pas si grave. Ce n’est pas la promesse d’une vie de malheurs. C’est vivable, cela n'empêchera pas une vie heureuse et épanouie.

Cette information permettrait à des parents d’être préparés à la diversité du genre humain.

Les politiques d’inclusion arrivent tard : le fameux changement de regard qu’elles appellent de leurs vœux doit intervenir dès la naissance. Il faut former les gynécologues, médecins et sage-femmes à envisager le handicap comme un évènement de la vie normale.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.