Cette Journée mondiale de la Santé est particulière. Elle célèbre ce 7 avril 2023 le 75e anniversaire de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), institution internationale à laquelle je rends hommage, qui conceptualisait dès les années 1970 la nécessité de mettre la « Santé dans toutes les politiques (HiAP) ».
Si le concept HiAP (Health in All policies) s’est répandu sur le territoire français au début des années 2000 grâce au réseau des Villes Santé, dont la Ville de Paris fut l’un des premiers membres, il peine à gagner auprès de nos institutions et gouvernants, par la loi comme dans les actes, la place véritablement régalienne qui lui revient.
À l’heure où le GIEC publie un sixième rapport qui ne laisse plus le moindre doute quant à la nécessité pour nos territoires de s’adapter pour faire face aux menaces sanitaires liées à la hausse attendue des températures, tandis que l’IPBES nous met en garde contre « l’ère des pandémies » qui s’annonce en raison de la destruction de la biodiversité et alors que trois maladies nouvelles sur cinq chaque année sont d'origine animale, tandis que l’excellence de notre hôpital et de son personnel soignant est mise à mal par des gouvernements successifs, déterminés à privatiser notre système de soin et que s’abat sur les professionnel·les de santé le poids d’une épidémie silencieuse de maladies chroniques causée en grande partie par un environnement devenu toxique, il est urgent de mettre la santé au pouvoir.
Nous devons créer le cadre juridique qui permettra de prendre en compte la santé et l’environnement dans toutes les politiques publiques. Plus que jamais, nous devons être en mesure d’adopter une approche des politiques publiques intersectorielles qui tiendra systématiquement compte des répercussions des décisions sur la santé. C’est la raison pour laquelle le concept de « santé dans toutes les politiques » est si pertinent.
Après la révolution hygiéniste du XIXe siècle, une nouvelle révolution sanitaire a eu lieu au cours des années 1970 : la prise en compte des facteurs environnementaux sur notre santé. Petit à petit, la santé environnementale est entrée dans le champ de la santé publique.
La recherche sur les origines développementales, la Dohad (Development origin of Health and Diseases) montrait le rôle délétère de l'exposition prénatale et périnatale – en particulier au cours des 1000 premiers jours d’existence - aux toxiques environnementaux.
L’impact des inégalités socio-économiques, territoriales, environnementales donnait lieu à la notion si importante de déterminant de santé et le concept d’exposome, introduit en 2005 par le chercheur Christopher Wild, ancien directeur du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), permettait de considérer l'environnement à travers son impact sur la santé de l’individu.
Le concept d’Une seule santé (One Health) a ensuite offert une approche de la santé intégrant la santé des animaux et des écosystèmes et la santé planétaire s’est intéressée aux liens entre les activités humaines et leurs conséquences sur la santé des humains et des écosystèmes.
Au regard des connaissances scientifiques de notre époque, une politique de santé publique ne peut plus aujourd’hui, ne s’intéresser qu’au soin et délaisser le champ de la recherche des interactions entre l’être humain et son environnement.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime aujourd’hui que les facteurs environnementaux sont responsables de 23 % des décès et 25 % des pathologies chroniques dans le monde. Deux tiers des dépenses du système de santé français sont consacrés aux maladies chroniques, dont une bonne part est d’origine environnementale.
La prise de conscience de l’influence de l’environnement sur notre santé s’est accompagnée du développement d’outils tels que l’UFS (l’Urbanisme Favorable à la Santé), la promotion de la santé, et de l’émergence dans le champ de la santé publique de l’idée selon laquelle il n’est pas possible d’atteindre un bon niveau de santé de la population par la seule prise en compte des soins médicaux.
Les questions de santé doivent être intégrées dès la conception des politiques publiques et tout au long de leur élaboration : alimentation, transports, énergie, éducation, vie sociale, consommation et services, etc. Elles doivent pouvoir être opposées à toute forme de répression par une loi inscrite dans un droit dur.
Or, en France, aucun cadre juridique n’a été mis en place pour intégrer la santé dans les autres politiques publiques. Aucune règle de droit ne prévoit de prendre en compte, de façon obligatoire ou non, la question de la santé lors de la mise en place des politiques d’autres secteurs. Et les outils émergeants sont sous-employés faute de dispositifs juridiques facilitant leur mise en œuvre.
Malgré un principe transversal d’intégration de la santé inscrit en droit de l’Union européenne, dans le Traité pour le fonctionnement de l’Union européenne, la France ne se donne ni les moyens financiers, ni les moyens opérationnels pour mettre en œuvre la « santé dans toutes les politiques » et le Comité interministériel pour la santé, qui existe depuis 2014 et qui est chargé de la mettre en œuvre, est totalement improductif.
Nous devons créer ce cadre pour :
- Mettre au premier plan la santé des plus vulnérables et leur offrir des conditions de vie dans un environnement sain, la capacité à s’alimenter sans se rendre malade et à adopter des comportements favorables au bien-être.
- Combattre sans relâche les pressions des lobbies de l’agrochimie, des industries pharmaceutiques, minières et extractives ;
- Améliorer l’aménagement des territoires, le choix et l’acheminement de l’énergie, la préservation des espaces naturels, la rénovation thermique des bâtiments ;
- Préserver la biodiversité et le bien-être animal ;
- Faire de la santé des femmes un enjeu majeur, en s’opposant à toute forme de prédation sur leur corps et leur esprit ; en adaptant le système de soins et de prévention à leur réalité physique et sociale ;
- Faire de la santé des enfants la priorité constante, en les préservant des expositions à risques ;
- Encourager le développement de l’activité sportive, en particulier dans ses pratiques quotidiennes, et favoriser l’aménagement de lieux dédiés au sport santé ;
- Faire de l'accès partagé aux pratiques culturelles la pierre angulaire de toute politique de santé : de l’enfance aux seniors ;
- Réduire les risques au lieu de réprimer, en reconnaissant par exemple le travail du sexe pour mieux protéger des violences les personnes concernées, ou en soutenant la légalisation du cannabis, afin d’en réguler le commerce et mieux en empêcher l’accès aux mineurs ;
- Œuvrer contre toutes les inégalités : sociales, économiques, culturelles, environnementales, de sexualité ou de genre.
Ma conviction est que nous devons faire de la « santé dans toutes les politiques » une priorité absolue, régalienne et exemplaire dans notre pays. C’est pourquoi, si je suis élue sénatrice de Paris, je porterai la Santé au Pouvoir.
#LaSanteAuPouvoir