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Billet de blog 24 août 2016

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De l'odalisque à la femme de chambre

D'Edwy à Marie, merci d'avoir fait avancer ma pensée. Comment transformer sa colère et sa tristesse en pensée d'espérance ? Grâce à l'art. Qui nous sauvera de nous-même ?

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Illustration 1

Ce fut un été pourri, qui touche à sa fin. Rien à voir avec la météo, de ce côté là cela allait à peu près. Ereintée par un printemps de manifestations sans fin et de nuits debout où nous avons touillé la soupe, la saleté de loi travail !était finalement passée et l'espoir s'effilochait. Il ne nous restait que quelques brins de solidarité, de camaraderie enfin retrouvée au creux des mains, un peu bouffés aux mites. On s'était bien promis de se retrouver à la rentrée de septembre, mais... Y croyait-on vraiment ? L'espoir fait vivre.

Les affeux hommes politiques, ceux qu'on appelle impunément "l'élite" continuaient de dévider leur pelote de cochonneries, que l'on écoutait plus vraiment, tant c'était attendu et désespérant. Le 14 juillet l'autre a fait son discours, frétillant au milieu des légionnaires et de l'armement, discours que je n'ai même écouté. Puis le soir même, un dingue a écrasé quatre vingt cinq personnes que je ne connais pas, à Nice, en blessant encore plus. Je n'aurais jamais cru qu'on puisse faire tant de mal avec un seul camion. Les daeschois dont je ne sais où ils crèchent exactement, on récupéré le truc. Comme d'hab. Voilà c'était reparti pour un tour. Etat d'urgence prolongé encore une fois, paranoia aigue, flicage à tous les étages. Comme si ça allait changer l'état de folie du monde et de la France... Petites bougies chauffe-plats, qui commençaient vraiment à me courrir sur le haricot. Il y aurait tant à dire...

Le 28 du même mois, le maire UMP de Cannes, dont la plupart des français ignorait même le nom, a cru bon de faire son malin, en pondant un arrêté anti burkini. Comme l'identité du crétin, les français ignoraient ce qu'était ce machin, vu que le plus grand nombre n'en n'avaient jamais vu en vrai, ni même en photo. Le crétin non plus d'ailleurs, n'en avait pas vu sur ses plages, mais on lui en avait causé ! Quelle occasion magnifique de faire "le buzz" ! Comme ils disent, sur les réseaux sociaux... Pendant ce temps là, le 10 août, les incendies estivaux flambaient dans la guarrigue, comme chaque été. Le mien, qui a détruit ma cabane adorée, me revenait en mémoire et je pensais aux victimes, au traumatisme de voir sa vie partir en fumée...

C'est le 14 août, qu'Edwy Plenel, sur son blog perso, a écrit un rappel aux origines de la loi sur la laicité de 1905, sans doute dans le but de calmer un peu les esprit qui commençaient à s'échauffer un peu partout, comme un feu de brousse, à propos du fameux burkini. J'ai été une des première à commenter, sur le ton de l'humour, tout en approuvant totalement. Le pauvre Edwy se doutait-il qu'il allait avoir à faire à un ouragan ? Sans doute non, pas plus que moi quand j'ai commenté. 1300 et quelques commentaires et ça contine. On tient sans doute le record ! Et que d'horreurs (et je n'ai pas tout lu, je craque...)

Le même jour, une rixe en Corse, en rajoutait une couche. Le maire corse PS emboitait le pas de celui de Cannes. Pourquoi se priver de buzz. Puis ce fut une petite épidémie. Qui n'en veut du buzz ? D'autres maires tout aussi crétins lui emboitère le pas. Le 17 août, Valls a décidé d'attiser le feu, en approuvant et en soutenant l'équipe de crétins buzzoides. Pourquoi se priver aussi, profitons en pour faire diversion. Que les français se foutent sur la gueule, pendant ce temps là, ils ne s'occuperont pas du gouvernement et la rentrée, sera peut-être moins chaude pour nos fesses ! Aujourd'hui, dautres crétins, lui réclament une loi, à corps et cris. Il ne manquait plus que ça ! Bon courage...

Partout cela se déchaînait, l'islamophobie buzzique en folie. Personnellement, je ne prenais pas encore conscience de la température réelle et je me contentais de plaisanter avec quelques copines entre bikini et burkini, trouvant cette polémique ridicule, pensant personnellement que chacun pouvait bien s'habiller comme il le voulait pour se baquer. Puis j'ai remarqué que la folie montait d'un cran, les commentaires et les trolls disaient des choses totalement inacceptables de mon point de vue. J'ai trouvé ça horrible. Quelques personnes que j'estimais, m'ont sidérées. La vague des crétins m'affolais par son ampleur, mais surtout le silence mortel de la gauche, la vraie, enfin ce qui l'en reste, était et EST assourdissant !

Il y a deux ou trois jour, je me suis vraiment mise en pétard. Trop, c'était trop ! La coupe débordait, les insanités me submergeaient, ils m'avaient eu ! J'en perdait le sens de l'humour et ça, c'est la limite. Surtout, ces Dupont Lajoie commençaient à me faire vraiment peur, pour mes amis français d'origine arabe, pour tous les émigés de fraîche ou de longue date, les réfugiés économiques ou de guerre, qui morflent déjà assez comme ça, que c'est une honte ! Pour nous tous, la barbarie et l'impensé. Allait-on arriver à des "ratonnades", des violences insupportables dans les actes ? Hier, j'ai lu le récit d'une mère de famille toulousaine, en vacances à Cannes, qui ne portait pas de burkini, qui ne se baignait même pas et qui s'est faite verbaliser par la police. Dans son récit, effroyable, ce sont les réactions de la foule haineuse qui m'ont tétanisé et noué les tripes.  Voilà, cette fois, c'est là !

Ce matin, j'ai lu le beau billet de Maie Cosnay, Dévoilée   qui m'a fait réfléchir, profondément et surtout chercher. Sur notre histoire (j'ai retrouvé Jacques Soustelle, dont je me rappellais le nom, l'OAS, mais plus du tout qui il était et quel avait été son rôle... politique ! http://www.alterinfo.net/De-Jacques-Soustelle-a-Jean-Pierre-Chevenement-Miseres-et-decadences-du-colonialisme-francais_a124684.html ) et sur la puissance de l'ART, réparateur de la folie des hommes. Je vous remercie Edwy et Marie et tant d'autres ici, qui m'aident à surnager dans ce torrent de boue, qui nous salit, tous.

A mon tour, je vous offre cette oeuvre de 2Fik en haut du billet, cet artiste français, d'origine marocaine. En hommage à Ingres revisité, peintre orientaliste. Odalisque, figure du colonialisme français idéalisé et totalement mythifié. Odalisque veut dire la femme de chambre (qui vous rappelera peut-être quelque chose). Le sexisme des uns, la libido des autres, aussi m'ont salie. Mais surtout, surtout, je vous invite à aller l'écouter, 2Fik, regarder son sourire éclatant et il a des choses importantes à vous dire, à tous ! là (vidéo, cliquez dessus) : https://www.facebook.com/2FikOrNot2Fik

Si vous voulez bien m'accordez un peu de temps pour lire, c'est là, suite à Marie : http://contre-attaques.org/magazine/article/le-devoilement

Et surtout, un monsieur, qui moi me fait du bien en ce moment, un philosophe (voir son dernier bouquin) qui parle très bien de ça (entre autres)  :

Un grand entretien avec Bernard Stiegler : « Le rôle de l’art ? Produire du discernement ! »

http://www.lejournaldesarts.fr/oeil/archives/docs_article/81262/un-grand-entretien-avec-bernard-stiegler----le-role-de-l-art%E2%80%94produire-du-discernement---.php

Un autre philosophe au délicieux accent (en ces temps sombres, ça ne peut pas faire de mal...) redécouvert grâce à Zane, une mediapartienne-amie et qui m'aide aussi, à tenter de comprendre où nous allons et pourquoi...

Ancien résistant guévariste, torturé et emprisonné quatre ans en Argentine, Miguel BENASAYAG, dans la mouvance alternative, est à l’origine du collectif « Malgré tout » et du Manifeste des Indiens sans terre du Brésil.

Psychiatre, mais dans la lignée de la contre psychiatrie, psychanalyste, Miguel BENASAYAG aime les liens, les liens avec les autres et soi... Chercheur de désir d’être et passeur de désirs et de vie, travaillant notamment dans le domaine de l’intelligence, de la vie artificielle et de la neurophysiologie, il aime avant toutes autres choses les subtiles perceptions oubliées, enfouies ou étouffées, les désirs et les singularités, trop souvent également écrasés.

https://www.youtube.com/watch?v=r17m3QDVHeA

Je ne répondrais pas, contrairement à mes habitudes, aux importuns, je suis fatiguée. J'ai hésité (vous dire où j'en suis !) à fermer ce billet aux commentaires. Mais je n'aime pas ça. Insultez-moi si vous voulez, si vous n'avez rien trouvé de mieux à faire et si c'est votre manière à vous de vous faire du bien, mais j'ouvre essentiellement ce billet et surtout les liens, avant tout au partage, aux amis, ceux d'aujourd'hui, ceux de demain.

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