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Billet de blog 1 mars 2025

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Comme un enfant

S'agit-il vraiment de redevenir des irresponsables, des incapables, des charges pour notre entourage et la société, des parasites, des infirmes, des sangsues, des moutons, voire des inconscients ?

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En français, on ne sait pas trop à quoi se rapporte la comparaison "comme un enfant" : s'agit-il d'accueillir le royaume de Dieu de la manière dont on peut accueillir un enfant ? Mais il y a déjà peu de chances que tel soit le cas, car dans ce milieu culturel, si les enfants étaient considérés comme une bénédiction accordée par Dieu, on ne les traitait pas pour autant comme des personnes à part entière, un peu comme pour les femmes, voire pire encore que pour elles... Ce ne serait donc pas placer ce royaume bien haut, lui accorder une grande importance. Et de toutes façons, le grec étant une langue à déclinaisons, il n'y a pas d'ambiguïté, le mot "enfant" étant ici au nominatif, il s'agit donc d'accueillir le royaume de la même manière qu'un enfant le fait.

Je ne saurais dire si, enfant, tout petit enfant, à peine nouveau-né, ou même encore avant dans le sein de notre mère, nous vivions effectivement dans le royaume, si c'est cela que signifie ce "recevoir le royaume" comme un enfant le fait. C'est bien possible qu'il en soit ainsi. En tout cas ce qui est certain c'est que ensuite, pour la plupart, l'immense majorité, la quasi totalité, de nous tous, une telle capacité éventuelle se perd. Ce qu'on peut en retenir cependant, c'est que, concernant ce royaume, il s'agit donc de le recevoir, il n'est pas question de s'en emparer, de le conquérir, contrairement à ce que s'efforçaient de faire un certain nombre de contemporains, qui prônaient la lutte armée contre l'occupant (zélotes, sicaires, ou autres, cf. Matthieu 11, 12).

C'est qu'il y a une raison intrinsèque à cet état de fait, une impossibilité en soi à ce qu'il en soit autrement : le royaume est un don purement gratuit, un don de pur amour ; aussi, tant que nous pensons qu'il s'agit que nous le méritions, tant que nous l'envisageons comme une récompense pour nos mérites, ou une compensation pour toutes les injustices que nous pouvons subir, un bilan des comptes tenus par le ciel, un rétablissement voire une inversion des rôles, tant que nous restons dans une telle optique, nous nous empêchons en fait nous-mêmes d'y accéder, et cela nous semble alors une injustice que, par exemple, tel athée notoire ait pu bénéficier d'une expérience transcendantale ; une injustice, doublée d'ailleurs d'un gaspillage si en plus, après ça, il reste et demeure athée !

Et certains voudraient croire encore, après ça, à une royauté bien terrestre, à une royauté liée nécessairement à la seule terre d'Israël, à ce bout de terrain absolument quelconque en soi... mais basta ! Non, ce royaume n'a aucun rapport avec quelque lieu géographique que ce soit, pas plus qu'avec quelque culture, religion, "race", nation, sexe, âge. Et pour en trouver un peu plus sur le sujet (dans le cadre du christianisme, car il est certain qu'on peut chercher aussi dans de nombreuses autres traditions, le royaume étant la même chose que la moksha, le nirvana, etc.), ce n'est guère sur les évangiles synoptiques qu'il faut compter — alors que le thème y figure comme un leitmotiv quasiment obsédant —, mais plutôt sur l'évangile de Jean, alors que chez lui il n'y a qu'un seul passage où il en soit question : l'entretien avec Nicodème.

C'est peut-être surprenant, on n'y avait éventuellement jamais fait attention, mais Jean effectivement a comme banni ce concept du royaume (pourtant absolument central dans le judaïsme, tant de l'époque que même de toujours) de son évangile, le mentionnant uniquement lors de cet entretien portant sur la question d'une seconde naissance, la naissance à l'Esprit, la découverte de cette présence divine en nous, présence de tout temps, mais dont nous n'avions jamais pris conscience auparavant.

Illustration 1

et on lui présentait des enfants
    pour qu'il les touche
mais les disciples les engueulèrent
    alors l'ayant vu Jésus se mit en colère et leur dit

« laissez les enfants venir à moi !
    ne les empêchez pas !
car c'est à ceux comme eux
    qu'est le royaume de Dieu
amen ! je vous dis que
    qui ne reçoit pas comme un enfant le royaume de Dieu
il n'y entrera pas »

et les ayant pris dans ses bras
    il les bénissait
    en imposant les mains sur eux
    
(Marc 10, 13-16)

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