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Billet de blog 1 octobre 2025

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Ils allaient en chemin

Que faisons-nous sur cette terre, dans cet univers, toutes ces vieilles questions que chacune et chacun se posent plus ou moins consciemment, plus ou moins crucialement aussi parfois ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ces trois petites sentences ont en commun de parler des conditions de celles et ceux qui se proposent de suivre Jésus, ce qu'on peut appeler aussi entrer dans la Voie, et ceci est en réalité indépendant des traditions religieuses ou spirituelles auxquelles on se rattache.

En premier, il est question de ne plus avoir "où reposer la tête", ce qui a deux significations principales. D'abord, si les renards ont leur tanière, les oiseaux leur nid, et d'une manière générale tous les animaux leur antre ou lieu de repli, cela implique aussi qu'ils ont un territoire, un espace géographique dans les limites duquel ils vivent, et qu'ils défendent de plus contre ceux qui voudraient envahir ce territoire. De la même façon, les humains ont aussi leur territoire, en fait plusieurs territoires de différentes échelles, et qui dit territoires dit frontières ; ils se sentent appartenir à une nation, une région, faire partie d'un peuple, d'une "race", toutes notions par lesquelles ils définissent aussi des "étrangers", des "autres". Sur la Voie, on cherche à dépasser de telles frontières, on cherche à atteindre l'humain universel en soi et en tous, on considère les différences comme des sources d'enrichissement et non comme des menaces pour notre identité.

Mais, "ne plus avoir où reposer la tête" a aussi une deuxième signification, laquelle rejoint les deux autres sentences : sur la Voie, on ne peut, on ne pourra jamais, se dire : ça y est, cette fois je suis arrivé au bout du chemin, je peux poser mes valises ici ...et commencer à me bâtir ma maison, définir mon territoire, etc., etc. Les deux, bien entendu, vont ensemble, sont liés, l'espace et le temps. C'est là toute la tradition des moines itinérants, que ce soit dans l'hindouisme ou le bouddhisme, moins dans les religions issues du monothéisme abrahamique, et pourtant c'est donc indiqué ici, dans ce passage de Luc, confirmé par Matthieu dans sa version parallèle. Certains prophètes d'Israël ont cependant beaucoup marché eux aussi. Jean-Baptiste, semble-t-il, se déplaçait de même, le long du Jourdain. Et cet idéal d'itinérance a encore existé dans les tout premiers temps du christianisme, mais, sans surprise, s'est à peu près perdu quand l'institution a pu s'allier au pouvoir politique...

Une telle itinérance, cependant, n'a pas nécessairement à être manifestée extérieurement, elle peut être comprise intérieurement, c'est de ne jamais s'imaginer avoir fait le tour de : Dieu (ou pas Dieu, selon le cas), mais quoi exactement ? Un positionnement sur ce sujet, nous l'avons reçu en premier lieu, de notre entourage familial, de notre environnement social, des autres d'une manière générale, mais vient un temps où il s'agit que ce soit moi, personnellement, qui me fasse ma propre opinion. Peu nombreux, en fait, celles et ceux qui déjà franchissent ce tout premier pas, car il implique un départ, un arrachement, et sans retour en arrière possible. C'est de cela que nous parlent les deux dernières sentences : il ne s'agit plus de se contenter de dépendre de ces parents, au sens métaphorique, il faut les considérer comme morts (pour nous, intérieurement), et aller de l'avant, comme nous le dit cette fois la dernière sentence : une fois cet acte initial, cet acte de seconde naissance, posé, une fois qu'on a "mis la main à la charrue", il faut alors persévérer sans s'arrêter, il ne s'agit pas de regarder sans cesse à l'arrière quel beau sillon on a déjà tracé, mais au contraire de continuer à avancer, à aérer, épurer, cette terre que nous sommes, que le plomb devienne de l'or...

Celui qui a été pour moi mon passeur, le témoin de mon entrée sur ce chemin, disait un jour : Dieu ou pas Dieu, peu importe, au bout du compte cela revient au même. Aller jusque là ! La science l'a déjà fait pour sa part depuis plus d'un siècle, en découvrant que dans le soubassement de l'univers physique n'existent ni l'espace ni le temps, qu'il n'y a donc bien réellement qu'un seul être éternel, dont nous, et tout ce qui constitue cet univers, ne sommes que des manifestations partielles et temporelles. La plupart des pionniers de cette aventure se sont alors tournés plutôt vers les philosophies extrême-orientales, notamment le bouddhisme ou le taoïsme, lesquelles déjà ne se prononçaient pas sur la question de la pertinence de la notion de Dieu. Mais peu importe la voie suivie, ce qui compte est de dépasser cette impasse qui consistait à affirmer que science et religion concerneraient, auraient affaire à, deux domaines séparés, comme si c'était une solution de vivre dans un monde schizophrène !

Illustration 1

et comme ils allaient en chemin
    quelqu'un lui a dit
« je te suivrai où que tu ailles »
    et Jésus lui a dit
« les renards ont des tanières
et les oiseaux du ciel des nids
    mais le fils de l'homme n'a pas
    où reposer la tête »
 
    et il a dit à un autre
« suis-moi ! »
    mais lui a dit
« seigneur ! autorise-moi
à d'abord aller enterrer mon père ! »
    mais il lui a dit
« laisse les morts enterrer leurs morts
et toi va annoncer le royaume de Dieu ! »
 
    et un autre encore a dit
« seigneur ! je te suivrai
mais autorise-moi
à d'abord dire adieu à ceux de ma maison ! »
    mais Jésus lui a dit
« personne qui ait mis la main à la charrue
et regarde en arrière
    n'est apte au royaume de Dieu »

(Luc 9, 57-62)

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