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Billet de blog 2 septembre 2025

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Quelle parole celle-ci !

Depuis quand la parole des démons devrait-elle être prise pour argent comptant ?

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Une parole toute d'autorité, d'abord dans le sens qu'elle détonne, qu'elle surprend, ce sont évidemment les mêmes mots que tout le monde utilise, mais c'est le sens des phrases qui est original, qui rompt avec les discours habituels des "scribes et pharisiens", avec les discours convenus, avec ce qu'on appelle parfois de nos jours la "langue de buis", ces phrases qui se contentent de répéter ce que les prédécesseurs disaient, lesquels se contentaient de répéter ce que les prédécesseurs..., etc. : il faut se représenter ce que pouvait être ce langage de Jésus pour ses coreligionnaires, non pas complètement hors sol, mais radicalement révolutionnaire quand même ; enraciné dans sa tradition, mais en débarrassant la lettre, en ressuscitant l'esprit, à un point certainement parfois choquant, comme on l'a vu hier.

Ce renouvellement peut être comparé à ce qu'il se passe dans une partie du christianisme qui tente, elle aussi, un retour aux intuitions essentielles de ses origines, notamment en remettant en cause toute la notion de péché originel telle que l'a inventée Augustin, alors qu'elle n'existe pas dans la Bible, et dont le judaïsme d'ailleurs ne comprend pas comment nous avons pu nous y laisser piéger à ce point, et comment de plus toute notre civilisation occidentale en est encore inconsciemment imprégnée, avec un pessimisme fondamental sur la nature humaine résolument débilitée. Il n'est que de voir les motivations principales qui valent l'athéisme de la plupart : une image de Dieu comme ennemi de l'humain, un tyran, au mieux un père fouettard, un père de famille régnant en premier par la menace, et l'image pervertie de Jésus qui en découle, de ce modèle du fils soit-disant se sacrifiant pour satisfaire le besoin de "justice" (vengeance en réalité) de son "Père" ! à dégueuler...

C'était donc déjà une révolution aussi importante que Jésus avait inaugurée ; non pas celle-ci dont je viens de parler qui affecte elle le christianisme, mais celle qui voulait faire sortir le judaïsme de son regard nombriliste, dépasser le Dieu tribal dont les projets se seraient limités à proposer Israël comme modèle pour le monde entier, et ce dépassement-là se basait sur sa relation personnelle à ce Dieu, relation qu'on pouvait bien qualifier de type prophétique, en ce sens que, comme tous les prophètes, il était l'hôte de l'Esprit, mais la nouveauté dont il témoignait était qu'une telle relation n'était plus réservée à seulement quelques uns mais destinée à tous, à chacune et chacun. C'est ce qui s'est effectivement passé pour les tout premiers chrétiens... et c'est ce qu'ils ont bien compris et vécu : plus de frontières, et bien entendu un Dieu qui n'est qu'amour, pleinement qu'amour et pleinement amour.

Alors quand ce "démon impur" veut proclamer qu'il est "le" saint de Dieu, Jésus ne peut pas le lui laisser dire ! Certes, sa proximité, son expérience, de Dieu, par rapport aux foules auxquelles il s'adresse le font sortir du lot ; certes il a donc un "message" original à faire passer, mais justement une des originalités de ce message est cet élargissement du prophétisme à tous, et tout ce qui tendrait à faire de lui un être fondamentalement différent des humains mènerait très exactement à l'échec de sa mission. Frère aîné, tel est sans doute le maximum qu'on puisse dire de lui : il n'y a qu'un ou une aîné.e dans une famille, mais cela ne lui donne pas une nature différente des autres membres de la fratrie, juste une prédécessence, une primauté, mais seulement dans le temps, dans l'ordre du temporel, pas du spirituel.

Est-ce alors simplement d'avoir ainsi coupé court à la tentative de ce démon de le faire mousser en lui passant de la pommade qui a suffi pour l'expulser, pour le faire retourner au néant, qui est la vraie nature de tout démon ? On note qu'il "jette" le possédé "au milieu", au centre de l'attention, c'est pour souligner l'importance de ce qui est en train de se passer, et puis c'est tout, il disparaît, l'homme ne subit aucun dommage de l'opération, on peut donc même dire qu'au contraire, ce n'est que tout bénef pour lui, il revit, il (re)devient un fils de Dieu lui aussi comme tous les fils des hommes, et comme celui qui n'utilisait comme seul titre pour se désigner lui-même, que celui de "fils d'homme", donc homme, humain : Jésus.

Illustration 1

et il descendit à Capharnaüm une ville de Galilée
et il les enseignait le jour de shabbat
    et ils étaient frappés par son enseignement
    car sa parole était toute d'autorité
et dans la synagogue il y avait un homme
ayant l'esprit d'un démon impur
    et il cria d'une voix forte
« aaah ! qu'y a-t-il entre nous et toi ?
    Jésus le Nazarène !
es-tu venu nous détruire ?
    je sais qui tu es
le saint de Dieu ! »

    et Jésus l'engueula en disant
« ferme-la et sors de lui ! »
    et le démon le jeta au milieu
    et sortit de lui en ne lui faisant aucun mal
et ce fut une stupeur sur tous
    et ils s’interpellaient l'un l'autre en disant
« quelle parole celle-ci !
    comme elle commande avec autorité et puissance
    aux esprits impurs
et ils sortent ! »
    et se répandait une rumeur à son sujet
    partout dans la région alentour

(Luc 4, 31-37)

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