C'est la suite de ce shabbat : après être allé à la synagogue, le matin, où il a été apostrophé par l'homme qui avait "l'esprit d'un démon impur", chacun est rentré chez soi (c'est shabbat), et Jésus, lui, se rend dans la maison de Simon, simplement parce que c'est là qu'il habite depuis qu'il est revenu des bords du Jourdain où il était devenu disciple du Baptiste : il avait fait la connaissance là-bas notamment de Simon et de son frère André ; quand Jean a été arrêté par Hérode, ils ont décidé de rentrer chez eux, en Galilée, et Jésus s'est arrêté à Capharnaüm et y est resté. Ceci est ce qu'on peut raisonnablement déduire des informations que nous donnent tant l'évangile de Jean que les synoptiques.
La journée, dont nous avons vu le début à la synagogue hier et dont nous avons la suite aujourd'hui, a peu de chances d'avoir existé ainsi, elle est plutôt comme une sorte de manifeste, ou journée-type, de la première période du ministère : Jésus se rend à la synagogue du bourg qu'il traverse, il y enseigne, des guérisons se produisent, on lui offre l'hospitalité, on le retient plus ou moins longtemps sur place, puis il continue jusqu'au bourg suivant. Et dans ce modèle que nous avons ici, censé se dérouler à Capharnaüm, nous avons cette particularité de la belle-mère de Pierre. Cette anecdote-là a de fortes chances d'être authentique, du fait qu'on ne lui voit pas bien de portée spécifique. Le seul enseignement qu'on pourrait en déduire, c'est que grâce à cette guérison les hommes, les mâles, ne seront pas obligés de faire eux-mêmes le service du repas...! Malgré toute la misogynie de la culture et de l'époque, ce serait exagéré d'avoir inventé cette histoire juste pour en tirer une telle "morale".
Plus important est ce qui nous est décrit se passer le soir : c'est shabbat, les gens n'avaient pas le droit, dans la journée, de transporter leurs infirmes depuis leur domicile jusqu'à celui de Simon, mais dès le soleil couché, c'est à qui arrivera le premier. On a bien vu ce qui s'est passé le matin à la synagogue, ce possédé qui a été guéri, et on a patienté toute la journée pour en faire bénéficier le neveu, la mamie, ou tout autre membre de la famille qui en avait besoin : telle est donc l'idée à retenir pour la période galiléenne du ministère de Jésus, il enseigne et il guérit, c'est sa parole qui est pleine d'autorité qui fait cela. Il est vraisemblable qu'il y a aussi le bouche à oreille qui fonctionne — le téléphone arabe :)—, et que cela contribue au succès des guérisons. En tout cas c'est ce qui explique qu'on en finira par aboutir, un jour, à cette foule de cinq mille hommes, qui seront prêts à l'emmener de force à Jérusalem pour le faire reconnaître comme le messie, le chef qui chassera les romains, leur roi, à partir de quoi, comme il l'aura refusé catégoriquement, énergiquement même, ce sera le désamour entre ces foules et lui, comme le révèle Jean (6, 66) : "beaucoup de ses disciples repartirent en arrière et ne marchaient plus avec lui".
Concernant les démons qu'il expulse, et auxquels il interdit de dire qu'il serait le messie, il est alors évident que l'affirmation "parce qu'ils savaient qu'il était le messie" est un commentaire de l'évangéliste... Ce n'est pas Jésus qui l'a dit aux démons ("oui, vous avez raison, mais je ne veux pas que vous le disiez..."), et pas plus ne l'a-t-il dit aux disciples, qui étaient déjà bien trop persuadés qu'il l'était. Nulle part dans les évangiles synoptiques (et une seule fois dans l'évangile de Jean, mais quelle crédibilité accorder à une seule occurrence ?) Jésus n'affirme-t-il qu'il serait le messie, encore moins qu'il serait Dieu. Encore une fois, la seule affirmation qu'il ait faite à son propre sujet, le seul titre qu'il se soit jamais donné à lui-même, c'est celui de fils d'homme, ce qui signifie seulement qu'il se revendiquait d'être humain fils d'humains. Ce qui ne veut bien sûr pas dire qu'il ait été un humain quelconque, au contraire il a été tellement profondément humain dans le meilleur sens du terme qu'il en a manifesté au plus haut point notre nature divine commune à toute la création et particulièrement à toute l'humanité, nous invitant ainsi à en faire autant chacune et chacun à notre mesure.

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alors s'étant levé de la synagogue
il est entré dans la maison de Simon
et la belle-mère de Simon
était oppressée d'une grande fièvre
et ils l'ont sollicité pour elle
et s'étant tenu debout au-dessus d'elle
il a engueulé la fièvre
et elle l'a laissée
alors soudain s'étant levée elle les servait
puis au coucher du soleil
tous ceux qui avaient des malades de diverses maladies
les amenèrent devant lui
et lui les guérissait
en imposant les mains sur chacun d'entre eux
et de beaucoup sortaient aussi des démons
criant et disant
« toi ! tu es le fils de Dieu »
et en les engueulant il ne leur permettait pas de parler
parce qu'ils savaient qu'il était le messie
puis le jour s'étant levé il sortit
et s'en alla dans un lieu désert
et les foules le cherchaient
et elles vinrent jusqu'à lui
et elles le retenaient
qu'il n'aille pas loin d'eux
mais il leur a dit
« c'est aussi aux autres villes
que j'ai à annoncer la bonne nouvelle du royaume de Dieu
car c'est pour cela que j'ai été envoyé »
et il prêchait dans les synagogues de la Galilée
(Luc 4, 38-44)