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Billet de blog 4 juillet 2025

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Qui ne risque jamais rien...

À force de vouloir se garantir contre tout et son contraire, on n'est plus capable de supporter la moindre contrariété, le moindre petit désagrément, et on finit enfermé, seul dans son île, au milieu de la mer de tous nos semblables.

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Les taxateurs : les collecteurs de l'impôt pour les romains, des collabos de l'occupant. On les rencontre un peu tout du long des évangiles, le plus souvent associés comme ici dans une même formule "les taxateurs et les pécheurs", mais on pense aussi bien sûr à Zachée dans l'évangile de Luc, Zachée qui était même "chef de taxateurs". Dans la plupart des traductions françaises, ils sont désignés sous le terme de "publicains", parce que c'était effectivement leur rôle précis dans l'empire romain, mais qui de nos jours connaît le sens de ce mot à cette époque ? C'étaient donc des collecteurs des impôts, mais travaillant sous contrat (pas des fonctionnaires), et avec comme seul impératif un objectif à honorer (un montant à faire rentrer), ce qui leur laissait toute latitude pour prélever au-delà de quoi s'enrichir personnellement...

Dans la version selon Luc de ce même épisode, c'est le taxateur qui offre chez lui un repas pour Jésus, mais ici chez Matthieu, comme chez Marc, la scène se passe en fait dans la maison de Pierre à Capharnaüm, cette maison où Jésus a élu domicile pendant toute la période galiléenne de son ministère. Il ne faut pas s'imaginer que ces "taxateurs et pécheurs" qui viennent se mettre à table aient été invités, à nouveau contrairement au repas chez Luc ; c'est simplement la coutume que n'importe qui puisse ainsi venir s'installer dans le cercle (on mange assis ou allongé par terre), pas nécessairement pour manger, mais au moins pour prendre part à la conversation, ou simplement l'écouter ; on peut penser ici encore à la "pécheresse" qui était ainsi venue à un repas offert par un pharisien à Jésus, et qui passa son temps à pleurer sur les pieds de ce dernier et de les lui essuyer avec ses cheveux.

La comparaison avec cet autre repas est intéressante, car là le pharisien qui l'avait invité ne comprenait pas que Jésus ne la chasse pas (et n'osait pas le faire lui-même pour ne pas lui déplaire), et supposait qu'il ne savait pas qu'elle était une pécheresse. C'est à peu près le même reproche que font ici les pharisiens (lesquels, comme les taxateurs et les pécheurs, se sont eux aussi invités d'eux-mêmes à ce repas...) auprès des disciples de Jésus : il devrait donc ici aussi chasser ces indésirables, tel est leur point de vue, car si la coutume veut que puisse venir qui veut, elle n'interdit pas non plus que le maître de maison refuse l'entrée à ceux qui ne lui plaisent pas. On est en plein dans ces questions de "pureté" légale, si importantes tant pour les pharisiens qu'aussi pour tous ceux qui exercent une fonction sacerdotale.

Et ils n'ont sans doute pas complètement tort ! Il est certain que vivre en permanence dans un environnement de faible moralité sinon de franche immoralité, peut vite s'avérer délétère, à moins d'être soi-même particulièrement ferme dans son caractère et assuré dans ses choix de vie. C'est exactement la même chose concernant la santé psychique que pour la santé physiologique, où à moins d'avoir une immunité particulièrement robuste, il vaut quand même mieux éviter de s'exposer en permanence à de fortes concentrations de microbes ou de virus...! Il n'y a donc pas nécessairement lieu de mépriser ces pharisiens, avec leur ligne de conduite générale de vouloir éviter toute promiscuité avec ceux qu'ils considèrent comme des pécheurs ; cela révèle simplement qu'ils sont en fait fragiles en eux-mêmes.

Ce qu'on peut par contre leur reprocher, c'est quand ils prétendent imposer un tel cordon sanitaire (apartheid religieux ?), d'une part à tous, et d'autre part pour toujours. À tous : alors qu'il n'y a pas de raison que ceux qui se sentent assez fort pour le faire ne fréquentent pas les "pécheurs", au contraire. Pour toujours : avec leurs principes, il est certain que les pharisiens ne deviendront jamais eux-mêmes robustes, ils resteront toujours de ces fragiles qui craignent le moindre courant d'air, tout comme des plantes restées toujours en serre ne seront jamais capables de survivre au grand air ! Les préconisations des pharisiens peuvent se justifier, comme il est justifié que des enfants soient protégés du monde des adultes tant qu'ils ne sont pas devenus eux-mêmes des adultes, mais personne n'est appelé à rester enfant toute sa vie !

Illustration 1

    et partant de là
Jésus vit un homme assis à la taxation
nommé Matthieu
    et il lui dit
« suis-moi ! »
    et s'étant levé il le suivit
or quand il fut à table à la maison
    voici que de nombreux taxateurs et pécheurs vinrent
et ils se mettaient à table avec Jésus et ses disciples
    et en le voyant les pharisiens dirent à ses disciples
« comment ? votre maître mange
avec des taxateurs et des pécheurs ! »
    alors ayant entendu il a dit
« ils n'ont pas besoin d'un médecin ceux qui sont robustes
    mais ceux qui sont malades
allez donc apprendre ce qu'est
    "c'est de la compassion que je veux et non des offrandes"
en effet ce ne sont pas des justes que je suis venu appeler
    mais des pécheurs »

(Matthieu 9, 9-13)

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