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Billet de blog 4 décembre 2014

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Sur le roc

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Billet original : Sur le roc

« Ce n'est pas tout homme qui me dit : “Seigneur ! Seigneur !” qui entrera au royaume des cieux, mais qui fait la volonté de mon père dans les cieux. 

« Beaucoup me diront en ce jour-là : “Seigneur ! Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons jeté dehors les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : “Jamais je ne vous ai connus. Séparez-vous de moi, vous qui œuvrez l'iniquité !” 

« Ainsi, tout entendeur de ces paroles miennes, qui les fait, ressemblera à un homme avisé qui a bâti sa maison sur la pierre. Descende la pluie, viennent les torrents, soufflent les vents et tombent sur cette maison, elle ne tombe pas, car elle est fondée sur la pierre. Et tout entendeur de ces paroles miennes, qui ne les fait pas, ressemblera à un homme fou qui a bâti sa maison sur le sable. Descende la pluie, viennent les torrents, soufflent les vents et heurtent cette maison : elle tombe, et sa tombée est grande. »

Matthieu 7, 21-27

C'est la conclusion du sermon sur la montagne de Matthieu. Dans ce sermon, qui s'étend quand même sur trois chapitres entiers, Matthieu a donc rapporté de nombreuses paroles de l'enseignement de Jésus. Dans un souci pédagogique, il a voulu clore par celles-ci, pour ramener les pieds sur terre de ceux qui seraient tentés de rester dans l'abstrait de ce beau discours. On peut effectivement admirer l'audace d'une affirmation comme la nécessité d'aimer jusqu'à ses ennemis ! ou faire ses délices du paradoxe des huit béatitudes qui ont ouvert le discours. Mais ça ne sert à rien tant qu'on ne vit pas cet enseignement, tant qu'on en reste au niveau des idées. Et Matthieu va loin ! Il est possible de "prophétiser, exorciser, faire des miracles" au nom de Jésus et que tout ceci ne soit pourtant qu'iniquité... Nous avons ici une théologie bien loin de celle de Jean, pour qui tout doit passer par Jésus. Chez Jean, nous aurions : "celui qui accomplit une action au nom de Jésus, c'est au nom du Père qu'il l'accomplit" ou quelque chose de ce genre. Matthieu pense donc le contraire, se réclamer de Jésus ne garantit rien, c'est au Père et au Père seul qu'il convient de se référer. Cette théologie est en fait partagée par Marc et Matthieu, pour lesquels Jésus n'est 'que' le Messie (le Christ), personnage certes essentiel pour aller au Père, mais, justement, pour aller jusqu'au Père, et non pas s'arrêter à Jésus.

Dans le christianisme qui s'est développé par la suite et que nous connaissons, il y a malheureusement une tendance certaine à mélanger ainsi les moyens et la fin, particulièrement dans le catholicisme. Qu'on pense par exemple à la dévotion mariale qui en arrive très vite, chez beaucoup, à faire de Marie une quasi parèdre du Père. Or, de même qu'on ne devrait s'intéresser à Marie que dans la mesure où elle peut être un modèle pour aller vers Jésus, de même on ne devrait s'intéresser à Jésus que dans la mesure où il peut nous amener au Père. Si Jésus demande ici de 'faire' ses paroles, ce n'est pas parce qu'elles constitueraient un système idéal — le véritable christianisme n'est pas une idéologie, ni une philosophie, ni même une religion — mais 'seulement' parce qu'elles sont le chemin qu'il a lui-même suivi pour aller au Père. Ces paroles sont à prendre comme un témoignage, bien plus qu'un 'enseignement', terme qui évoque un savoir à acquérir. Il n'y a pas de savoir qui puisse nous faire entrer dans le Royaume (au contraire il faut avoir rejeté toute prétention à savoir par soi-même), il n'y a qu'un 'faire' qui le puisse, c'est-à-dire une façon d'être dans ses paroles, dans ses actions, dans ses relations aux autres.

Tant que notre christianisme reste une croyance en une théologie, aussi élaborée, complexe, cohérente, éblouissante, qu'elle puisse être (et elle est effectivement tout ça), ou une admiration devant une morale aussi élevée soit-elle (et elle l'est aussi) mais dont on estime à priori qu'elle ne nous est pas accessible, nous sommes comme cet homme fou qui construit directement sur le sable. Ceci devrait être assez clair, maintenant. Ceci ne signifie pas pour autant que nous ayons encore trouvé le roc ! il nous faut d'abord creuser pour l'atteindre sous le sol meuble, mais nous avons du moins commencé de prendre les moyens qui s'imposent. À priori, personne ne sait jusqu'à quelle profondeur il lui faudra descendre pour le rencontrer. Cela peut aller très vite, parfois, certains ont même l'impression de n'avoir rien fait pour ça ! pour d'autres, ce peut être le travail de toute une vie (voire de plusieurs ?). Une seule chose est certaine : il est là, quelque part, et en continuant de creuser toujours plus profondément, on finira forcément par le trouver, sinon ce serait comme s'il pouvait exister une mer qui n'ait pas de fond. Quant à passer au travers sans s'en rendre compte ...non. Le jour où on arrive dessus, on le sait, c'est bien pour ça, d'ailleurs, qu'alors, et alors seulement, on peut commencer de construire une maison qui ne tombera pas. On a trouvé le Père, comme Jésus avant qu'il ne commence son ministère, on est entré dans le Royaume, il ne reste qu'à bâtir, à concourir à son expansion.

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