Anon (avatar)

Anon

alias Xavier Martin-Prével.

Abonné·e de Mediapart

1432 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 décembre 2014

Anon (avatar)

Anon

alias Xavier Martin-Prével.

Abonné·e de Mediapart

Bonne nouvelle !

Anon (avatar)

Anon

alias Xavier Martin-Prével.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Billet original : Bonne nouvelle !

Jésus parcourait toutes les villes et les villages, pour enseigner dans leurs synagogues, clamer la bonne nouvelle du royaume, guérir toute maladie et toute faiblesse. 

En voyant les foules, il est remué jusqu'aux entrailles pour elles, parce qu'elles sont fatiguées, prostrées, comme des brebis qui n'ont pas de berger.  Alors il dit à ses disciples : « Beaucoup de moisson et peu d'ouvriers !  Implorez donc le seigneur de la moisson qu'il fasse sortir des ouvriers pour sa moisson ! »  Il appelle à lui ses douze disciples : il leur donne autorité sur les esprits impurs pour les jeter dehors et pour guérir toute maladie et toute faiblesse. Des douze apôtres tels sont les noms : Premier : Simon dit Pierre ; et André son frère. Jacques (de Zébédée) ; et Jean son frère. Philippe et Bartholomée, Thomas, et Matthieu le taxateur. Jacques (de Halphée), et Thaddée, Simon le Cananéen et Judas l'Iscariote, celui-là même qui l'a livré. 

Ces douze-là, Jésus les envoie. Il leur enjoint et dit : « Dans un chemin de païens n'allez point. Dans une ville de Samaritains n'entrez point. Mais allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël.  En allant, clamez, dites : “Proche est le royaume des cieux !” Les infirmes, guérissez-les ! Les morts, réveillez-les ! Les lépreux, purifiez-les ! En pur don, vous avez reçu : en pur don, donnez ! »

Matthieu 9, 35 - 10, 8

Le thème que la liturgie veut illustrer aujourd'hui est le même qu'hier : Jésus guérit, mais élargi : il n'y a pas que Jésus qui guérisse, car il avait prévu, durant son ministère, de transmettre ce 'pouvoir' à d'autres. On voit l'idée, elle est compréhensible de la part d'une église qui se considère comme prolongatrice de l'action de Jésus. On peut quand même se demander si c'est bien le moment, quand on ne se prépare encore qu'à célébrer la naissance de l'intéressé, d'évoquer déjà l'au-delà de sa mort. Le fait est encore plus frappant pour l'institution des douze, qui vient se glisser subrepticement dans l'histoire, et qui, elle, n'a plus aucun rapport direct avec le sujet des guérisons. Bref, en guise de description du salut apporté par Jésus, nous avons en fait affaire ici à une description du salut apporté par l'Église...

C'est dommage. D'abord parce que l'historicité de ce fondement de l'Église sur l'institution d'un groupe de douze 'élus' est de moins en moins soutenable, de même que la réalité de pouvoirs de guérison qu'auraient eus quels que disciples de Jésus que ce soit, de son vivant. Dommage ensuite parce que la symbolique du groupe des douze, si tant est qu'il aurait quand même existé, se rapporte dans tous les cas à une conception du salut qui ne s'adresse qu'à Israël seul, tout comme le fait d'avoir choisi cette version de Matthieu de l'envoi en mission, la seule dans laquelle il est dit expressément que ces douze ne doivent s'adresser ni aux païens, ni aux Samaritains, ce qui signifie qu'ils ne doivent aller que vers les juifs. Dommage donc : tant qu'à vouloir affirmer tout de suite les fondements de l'Église comme missionnée pour continuer l'œuvre de Jésus, il aurait mieux valu le faire en s'appuyant sur des arguments moins sujets à caution, et surtout, si possible, qui mettent au moins en valeur l'universalité de cette mission.

Une autre particularité de l'envoi en mission par Matthieu, réside dans ce contenu explicite du message à proclamer : "Proche est le Royaume !" Cette formule fait référence au contenu du message proclamé par Jésus au début de son ministère, tant selon Marc (1, 15) que selon Matthieu (4, 17) : "Convertissez-vous ! Proche est le Royaume !", mais aussi au message attribué à Jean Baptiste, mot pour mot chez Matthieu (3, 2) : "Convertissez-vous ! Proche est le Royaume", et décrit de façon équivalente par Marc (1, 4) et Luc (3, 3), quand ils parlent de Jean qui "clame un baptême de conversion" en vue du Royaume. Ce qui est important, dans ces différentes formules, c'est la manière dont elles se situent elles-mêmes dans le temps par rapport à cette venue du Royaume. Il est normal que Jean parle d'un Royaume qui est à venir, dans la mesure où il ne se considérait pas lui-même comme le Messie. Il est compréhensible aussi que Jésus, dans les débuts de son ministère, ait conservé la même opinion que son maître, d'un Royaume qui s'approchait. Par contre, il est certain qu'à partir du moment où les guérisons ont commencé de se produire, Jésus a commencé aussi de penser que ce Royaume était cette fois arrivé, et non plus seulement 'proche'. C'est ce qui ressort de nombreux aspects des évangiles, en premier de la réponse faite à Jean Baptiste qui commençait de douter que Jésus soit bien le Messie, réponse qui se fonde précisément sur ces guérisons, considérées comme preuves de la venue de ce Royaume.

Il y a ainsi véritablement eu une histoire de la conception que s'est faite Jésus du Royaume et de son rôle propre dans sa venue. D'abord ignorant s'il pouvait être ou non le Messie, mais persuadé à la suite de Jean que le Royaume était proche. Puis pensant, au vu des guérisons qui se produisaient, que ce Royaume était désormais inauguré, ne demandant plus qu'à s'élargir, et que lui-même pouvait bien être le Messie. Mais ensuite réagissant, en constatant vers quelles dérives politiques tout ceci le menait sous la pression des foules, refusant alors explicitement d'être encore pris pour le Messie, et évoluant dans sa conception du Royaume, qu'il ne pouvait plus lier automatiquement à ces 'signes' qui s'étaient produits. Le Royaume ne pouvait plus être cet événement collectif attendu par son peuple, les signes devenaient des obstacles sur la découverte personnelle du Dieu Père, qui était le seul vrai Royaume dont il voulait encore témoigner. C'est donc à cette découverte, propre, personnelle, intime, de Dieu présent en nous comme un autre nous-même plus essentiel, ou à l'approfondissement de cette découverte, que nous nous préparons en ce temps d'Avent.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.