Le rêve : dans un décor de science-fiction à la Paul Gillon, sur une planète quelque part dans l'univers, un homme, une femme et un enfant marchent dans une forêt. La femme prévient l'enfant qu'ils vont passer par un lieu qui recèle de très forts attraits, mais qu'il ne faut surtout jamais y céder. Aussitôt qu'elle a émis cette recommandation, elle s'écrie : "mais moi, c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher" et, laissant là l'homme et l'enfant, elle se précipite dans une clairière, que l'enfant découvre à ce moment en suivant sa mère des yeux. Au centre se dresse une formation vivante, à l'aspect d'une immense colonne évasée à la base, qui semble être une émanation du sol, un organe de la planète. On ne distingue pas bien son sommet, mais elle ne monte quand même pas aussi haut que les arbres qui entourent la clairière. Tout autour de la colonne, à une certaine distance de sa base, orientées vers elle, se trouvent des espèces de grosses limaces plus ou moins piriformes. Leur extrémité renflée repose sur le sol et elles relèvent l'autre extrémité en direction de la colonne. La femme, qui s'est affalée sur l'une de ces limaces, à plat ventre sur son dos, se frotte de toute son énergie sur elle dans une sorte de simulacre de l'acte amoureux, tant et si bien que la limace peut alors laisser jaillir un jet mi liquide mi vaporeux qui s'élève pour tenter d'atteindre le sommet de la colonne.
Je me suis réveillé, je ne savais pas où j'étais, ni qui j'étais. C'était moi, bien sûr, mais ce que je faisais là, et surtout, surtout, pourquoi est-ce que je me réveillais ? Normalement, je n'aurais pas dû, je devrais être en train de dormir, encore, et pour toujours. C'était ça qui était prévu, que j'avais voulu, et que j'avais fait. Mais là, je me réveillais...
C'était sans doute une chambre, puisque j'étais dans un lit, mais trop grande. Pas une vraie chambre, avec ces murs vert, avec cette fenêtre comme un soupirail, petite, enfoncée dans un mur épais, ne laissant que deviner un ciel gris. Et de l'autre côté de la pièce, cette cloison avec ce vitrage dépoli, de mi-hauteur jusqu'au plafond, qui luisait d'une luminosité jaunâtre. J'étais dans des locaux publics, sûrement. Il y avait un autre lit, vide, à l'autre bout de la 'chambre'. Ma mère était à mon chevet. Ça non plus, ce n'était pas du tout ce que j'avais prévu. Je n'avais rien prévu du tout, en fait, puisque j'aurais dû encore dormir, mais surtout pas ça.
J'avais essayé, pourtant, de vivre. J'avais essayé de jouer le jeu, de m'intéresser, de me passionner. De faire comme si c'était normal, la vie, cette vie, cette bagarre continuelle, contre les autres, contre moi. J'avais tout essayé, tout ce que j'avais pu imaginer, une petite amie, des drogues, prier. Et j'étais allé loin, tellement loin, au bout de tous les possibles, au bout de toutes mes forces, de tous mes désirs, qu'il n'y avait eu plus rien. Plus rien pour me faire lever, plus rien pour me faire marcher encore une fois. Je n'étais pas suicidaire, loin de là, mais il n'y avait plus rien que je puisse vouloir. Alors je m'étais endormi pour ne plus jamais me réveiller. C'est du moins ce que j'avais pensé, mais je m'étais trompé, visiblement.
Des souvenirs, alors, me sont revenus. J'étais emporté à l'hôpital, oui, c'est ça. On m'avait trouvé comme ça, dormant, refusant de me réveiller, on avait fait venir un médecin, qui avait décidé de me faire interner en H.P., placement d'office. Et d'autres souvenirs, encore. On m'emmenait passer des examens, radios, IRM. Je ne sais pas qui avait ces souvenirs. Était-ce moi ? mais je dormais. Et puis maintenant, un autre souvenir encore, le dernier. On m'a allongé sur un lit mobile, des infirmiers m'y ont maintenu fermement, on m'a mis dans la bouche, entre les dents, un genre de cylindre, spongieux mais ferme, on a frotté mes tempes avec de l'éther, et on y a appliqué deux disques métalliques. Oui, voilà, on m'a 'fait' des électrochocs. Ah ! c'est donc sans doute ça qui m'aura fait revenir.
Source : dieu qui se cache (1) : Éveil