Tout est dès lors en place pour le drame final. On fait dire aux disciples qu'il n'y a pas de problème, on est tout disposé à écouter Yeshoua sur ce qu'il a à dire, on jugera sans partialité de ses arguments, qu'il y a d'ailleurs dans l'assemblée des membres qui lui sont très favorables, bref, on leur dit ce qu'ils veulent entendre. Mais par contre, argumente-t-on, cette rencontre ne pourra avoir aucun caractère officiel à priori. Bien sûr, s'ils sont convaincus, alors ils le feront savoir publiquement, mais, si jamais ce n'est pas le cas, ils ne veulent pas qu'on puisse s'appuyer sur le fait que le sanhédrin a reçu Yeshoua en audience pour donner quelque crédit que ce soit à sa cause. Les disciples flairent évidemment le danger, mais la taille de l'enjeu leur fait passer outre les mesures de prudence élémentaires auxquelles ils auraient dû s'astreindre. Il est donc convenu que l'un d'entre eux guidera discrètement, de nuit, un petit comité délégué par l'assemblée, jusqu'à leur campement, sur la colline des oliviers. Yeshoua fera alors un exposé succinct de ses arguments à ce comité, qui les rapportera à l'ensemble du sanhédrin, lequel décidera alors de l'opportunité de poursuivre ou non les démarches.
Ainsi dit, ainsi font-ils. Un soir, l'un d'entre eux, Yehuda, se rend dans la ville et revient, accompagné du comité, comme convenu. Ce qu'il ne peut cependant remarquer, c'est que, dès qu'ils pénètrent dans le parc, un groupe d'hommes armés, composé pour partie de gardes du Temple et pour le reste de membres de la garde personnelle de Hanan, se glisse aussi discrètement dans leur sillage. Lorsqu'ils arrivent au campement des disciples, les hommes du comité se font indiquer lequel est Yeshoua et le font aussitôt arrêter par les sbires, dont, eux, n'ignoraient aucunement la présence. Les disciples comprennent qu'ils ont été bernés, mais ils n'ont pas le temps d'y réfléchir, les gardes n'ont pas l'intention de se contenter de Yeshoua. Ceux qui en ont sortent les armes qu'ils gardent toujours sur eux, ce à quoi les soudards ne s'étaient pas attendus. Les disciples sont survoltés par la trahison dont ils ont été les victimes. Ils ne peuvent espérer résister, mais au moins, avec relativement peu de dommages, parviennent-ils tous à s'échapper. Et Yeshoua, seul, est emmené. Ainsi commence son dernier jour.
Après leur fuite, les disciples se divisent. Une partie d'entre eux ne veut pas rester un moment de plus dans les parages. Ils sont persuadés que, dès qu'il fera jour, on les recherchera. Ils partent sur le champ pour se mettre hors de portée de leurs ennemis. Les autres sont conscients du danger, mais ne peuvent se résoudre à abandonner purement et simplement Yeshoua. Cependant, ils ne voient pas ce qu'ils pourraient faire. Ils pensent alors subitement au "disciple que Yeshoua aimait" : s'il y en a un qui peut les aider, c'est lui. Ils ont justement pris le repas du soir dans sa maison, ce jour-là. Mon Dieu ! dire que cela ne fait que quelques heures. Ils ont déjà l'impression que c'était à une autre époque, celle du temps d'avant leur incommensurable naïveté. Sera-t-il dit que ce repas aura été le dernier qu'ils aient pris avec lui ? des détails leur en reviennent, auxquels ils n'avaient pas vraiment prêté attention sur le moment : quand il leur a partagé le pain, quand il a fait circuler la coupe, se pourrait-il qu'il ait voulu leur transmettre un message à l'avance, comme s'il savait ce qui allait se passer ? Ce sont des impressions qui leur viennent, pendant qu'ils se dirigent vers le centre de la ville, vers la maison de leur hôte de la veille. Celui-ci, dès qu'il est mis au courant, sait qu'il n'y aura aucun moyen de peser sur les événements. Il connaît bien le sanhédrin, il est lui-même issu d'une de ces 'grandes' familles qui s'en disputent le leadership... Il invite les disciples à rester cachés chez lui, pendant qu'il ira se renseigner. Shimôn insiste pour venir avec lui. L'idée ne lui plaît pas trop, il a toujours fait attention à ne laisser aucun indice qui pourrait le compromettre aux yeux des siens, mais l'heure est trop grave, il ne peut pas s'y opposer.
Et les voilà en maraude de nuit, tous deux, dans les ruelles de Yerushalaim. Ils se rendent en premier à la maison de Hanan. D'après la description des disciples, le fils du sérail a compris qu'il y avait des membres de la garde personnelle du grand prêtre, ce qui signifie que c'est le vieux qui tire les ficelles, dans cette affaire. Il ne se trompe pas, c'est bien là qu'a été ammené Yeshoua. Il est bien connu des serviteurs qui le laissent entrer sans problème dans la cour. Pour Shimôn, ils sont un peu plus surpris, ils voient bien que c'est un galiléen, mais comme il est avec l'autre, ils ne disent rien. Et l'attente commence. Il ne fait pas très chaud, ils se tiennent avec les gardes autour du feu qui a été allumé au milieu de la cour. Ceux-ci aussi manifestent leur surprise de voir Shimôn en ces lieux, mais les choses ne vont pas plus loin, eux non plus ne tiennent pas à mécontenter un fils de grande famille. Au petit jour, finalement, Yeshoua ressort, entravé et sous escorte. Ils traversent la cour et prennent la direction de la résidence du gouverneur romain. En passant, Yeshoua a regardé longuement ses amis, sans un mot, pour ne pas les trahir. Cette fois, c'est vraiment fini, il n'y a plus rien qui puisse le sauver.
Plus tard, le "disciple que Yeshoua aimait" se renseignera sur le déroulement de cette comparution de son rabbi devant Hanan. Il apprendra donc que, comme il l'avait pensé, il ne s'était pas défendu. Il savait que son sort était décidé d'avance. Il s'était contenté de supporter patiemment le pseudo-interrogatoire qu'on lui faisait subir, et avec le plus de vaillance possible les mauvais traitements. Quand on lui demanda s'il était le Messie, il ne le réfuta pas, mais il n'y donna pas non plus son assentiment. Cette question ne le concernait pas. C'était ce que tous voulaient qu'il soit ou qu'il dise, les premiers pour s'en faire leur nouveau veau d'or, les seconds pour pouvoir le condamner. Lui, n'avait rien à dire sur le sujet, il était trop loin de ces préoccupations. Ce qu'il était, ce qu'il vivait, ces gens étaient à jamais incapables de le comprendre. Ce qui intéressera plus le "disciple que Yeshoua aimait" sera d'apprendre pourquoi les conspirateurs l'avaient déféré à l'autorité romaine, plutôt que de l'exécuter eux-mêmes, comme ils en avaient la possibilité en prétendant qu'il avait blasphémé. Lui pensait que c'était justement parce qu'ils n'avaient pas pu prendre Yeshoua en défaut, qu'ils avaient été obligés de recourir à cette manœuvre. Mais ce n'était pas le cas. Ils n'avaient effectivement pas réussi à le piéger, mais c'était de toutes façons une décision qu'ils avaient déjà arrêtée à l'avance, principalement pour deux raisons. D'abord, en procédant ainsi, ils n'étaient pas directement responsables de sa mort, ce n'étaient pas eux qui prenaient la décision finale. Une subtilité qui ne tromperait personne, sauf leur conscience, peut-être ? Et ensuite, en ne se prononçant pas sur le volet religieux, ils coupaient court à toutes les protestations de leur décision qui n'auraient pas manqué de se manifester, ce qui aurait eu automatiquement pour effet de regonfler l'audience en perte de vitesse de ce Yeshoua.
Source : dieu qui se cache (2) : L'histoire