De retour à la maison du disciple, Shimôn officialise ce que les femmes avaient constaté : le corps a bien été enlevé, on ne sait pas où il a pu passer ni qui a pu faire ça. C'est comme ça, il faudra faire avec. De toutes façons, dans leur situation, ils ne peuvent pas se permettre de mener une enquête, ni d'aller se plaindre auprès des autorités, qui, en plus, sont peut-être à l'origine de cette subtilisation... Puis, quelques jours encore plus tard, comme il ne semble pas qu'ils fassent l'objet de recherches actives, ils se risquent à sortir, et rentrent chez eux, en Galilée. Et chacun s'efforce de se retrouver une place dans la vie. Du côté des galiléens, il faut négocier le retour dans une famille qu'on a quittée depuis des mois, avec en même temps la honte de s'être trompé, d'avoir cru à ce qui s'est révélé n'être qu'un mirage. Devant les leurs, ils reconnaissent tout ce qu'on veut, qu'ils ont été naïfs, bêtes, lâches aussi pour avoir abandonné sans remords leurs responsabilités, mais en eux-mêmes, ce n'est pas si simple. Eux aussi tournent et retournent dans leurs têtes des idées obsessionnelles. Ça, c'est sûr que Yeshoua n'était pas le Messie, mais pourquoi il y a eu tous les signes, alors ? et puis même, sans ça, c'était quand même un mec super, et ils l'aimaient, vraiment. Ils découvrent ça : que ce n'était pas seulement qu'il les subjuguait, qu'il les faisait rêver, qu'ils l'ont pris pour la solution miracle à tous leurs problèmes, mais aussi, simplement, qu'ils l'aimaient. Mais c'est trop tard, il n'est plus là. Ils sont donc dans un travail de deuil, pas tellement d'ailleurs de deuil du vrai Yeshoua, mais bien de deuil de tous leurs fantasmes sur le Royaume, et le Messie, et tout ça, quoi...
Du côté judéen, le disciple ne peut rester longtemps sans s'ouvrir de ses interrogations devant les autres, Elazar, Martha, Maryam, Nakdimon, Yossef. Ils n'y trouvent pas d'explication satisfaisante, mais tous sont convaincus qu'il s'est passé quelque chose de hors du commun. Ils aimaient Yeshoua pour ce qu'il était, comme il était, eux. Ils n'avaient jamais bien courru derrière cette histoire de Messie qui chasserait les romains, non, ils avaient trop conscience de l'improbabilité d'un tel événement. Et guère plus cru à la possibilité de s'en prendre au sanhédrin... Non, ce qu'ils aimaient chez Yeshoua, c'était la finesse de sa pensée, son originalité, aussi. Ils étaient bien convaincus qu'il était en avance sur son temps, qu'il ouvrait un chemin d'avenir. Mais là, avec ça, ça devenait tout autre chose. Ce n'était plus seulement à un homme, qu'ils avaient donc eu affaire. Ils n'avaient pas connu la période des signes, eux, ou si peu, de loin. Là, maintenant, ils touchent de près au mystère. Ils se rendent compte qu'il y a bien plus que ce qu'ils avaient imaginé, que le ciel, ce n'est pas seulement des idées, qu'il peut avoir une réalité bien concrète qui vient bousculer notre ordre terrestre ordinaire.
Et peu à peu, en Galilée, quand ils arrivent au bout du processus de renoncement à leurs anciens rêves, à leurs anciennes conceptions, alors vient progressivement en eux la compréhension de ce que Yeshoua s'était efforcé en vain de leur faire découvrir. Oh ! ils ne le comprennent pas tous de la même façon, au même degré. Ils ne découvrent pas tous la présence en eux, et pour ceux qui le font, ce n'est pas forcément de la même façon que Yeshoua. Mais il se passe vraiment quelque chose, et pour plusieurs d'entre eux, à leur tour, les signes se mettent même à se produire, et ceux-là vont aussi se laisser prendre au même piège que leur rabbi. En Judée, on a compris, maintenant, qu'on avait peut-être jugé un peu vite de la naïveté des galiléens. Une chose est d'avoir entendu parler d'événements surnaturels, une autre chose d'en être témoins. Le disciple entreprend alors le voyage en province, pour retrouver ceux qu'il considère dorénavant pleinement comme ses frères spirituels. Les deux branches héritières se découvrent. Elles ont chacune fini par atteindre une réalité qu'elles n'avaient jamais soupçonnée de Yeshoua. Non, il n'est pas mort, c'est au contraire maintenant qu'il est le plus vivant dans leurs cœurs à tous.
Source : dieu qui se cache (2) : L'histoire