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Billet de blog 7 mai 2014

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L'histoire (3)

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Et le temps passe. Yeshoua s'est fait baptiser, comme tous les disciples de Yehohanan, et maintenant c'est lui qui baptise aussi, parfois. C'est que, quand il y a beaucoup de monde, le maître se fait aider, demandant à l'un ou l'autre de l'assister pour plonger dans l'eau les candidats. Le geste n'est pas vraiment compliqué, même s'il y faut un peu de jugement. Il s'agit de maintenir la personne sous l'eau juste assez pour qu'elle commence à ressentir le manque d'air, mais pas plus : on ne cherche pas à la noyer ! Par cette expérience, à la fois symbolique et réelle, elle meurt à ses péchés, et se rappellera jusqu'à la venue du Royaume qu'elle s'est engagée à changer de vie, à se préparer à cet événement avec application et avec tous les moyens dont elle dispose. Pour la plupart, il s'agit essentiellement de se comporter honnêtement dans sa vie de tous les jours, et de se montrer charitable envers tous ses proches et toute personne qu'on peut être amené à recontrer. Pour les disciples, le programme est plus pointu. Ce sont des gens qui en veulent, qui se sentent appelés à en faire plus, beaucoup plus pour certains. C'est le cas de Yeshoua, qui se lance régulièrement dans des jeûnes "longue durée", ou des "marathons" de prière, ne faisant d'ailleurs en cela que suivre l'exemple de son rabbi.

Ce n'est pourtant pas du tout au cours d'un de ces jeûnes de l'extrême qu'il va faire l'expérience qui changera toute sa vie, ainsi que la face du monde. Peut-être n'y ont-ils pas été pour rien, mais alors plutôt par contraste. Quand il y repensera, plus tard, il se dira souvent que, de ce point de vue, ce qu'il avait alors vécu a été similaire à l'histoire d'Eliyah. Eliyah aussi s'était réfugié dans le désert, comme eux, ici. Et Eliyah aussi s'était attendu à rencontrer Dieu dans une expérience spectaculaire, avec tonnerre et éclairs, comme lui, Yeshoua, l'avait cherché dans des conditions extrêmes. Et finalement Dieu s'était manifesté à Eliyah dans le simple murmure d'une brise légère, et c'est bien ainsi aussi que Yeshoua pourrait décrire ce qui lui était arrivé ce jour-là. Mais là, nous anticipons. Sur le moment, il ne pense à rien de tout cela, il vit simplement la rencontre. C'est comme si Dieu lui parlait, même s'il n'y pas de mots prononcés, ni même pensés. C'est une présence, qu'il ressent comme pleinement réelle, rien à voir avec une hallucination comme, justement, il a pu en avoir lors de ses jeûnes prolongés. Là, c'est du tangible, du ferme. Il sait qu'il a trouvé son fondement, sa racine, son origine.

Il n'ose pas, au début, penser que cette manifestation, c'est bien son Dieu, YHWH. C'est trop difficile pour sa culture. YHWH est un Dieu très-haut, très lointain, terrible parfois. Il a fait alliance avec son peuple à lui, Yeshoua, mais chaque fois qu'il s'est manifesté, c'était dans des signes impressionnants, sinon terrifiants. Il n'y a vraiment qu'Eliyah qui ait eu une expérience différente, dans la douceur, comme la tendresse d'une mère. Mais alors, il est prophète lui aussi, se demande-t-il ? Mais c'est qu'il n'imaginait pas ça comme ça. Il pensait qu'il aurait dû entendre une voix de l'extérieur, qui lui aurait dit ce qu'il devait annoncer. Il est partagé, sur cette expérience. Il y a sa réalité, le sentiment, la sensation, qu'elle a suscités en lui, et qui ne peuvent le tromper, mais il lui manque les catégories intellectuelles pour l'expliquer dans le cadre de la foi qu'il a eue jusque là, dans le cadre de la religion de son peuple.

C'est pour essayer de mieux comprendre ce qu'il a vécu, qu'il va en parler avec Yehohanan. Il lui décrit autant qu'il peut ce qui s'est passé, mais le maître ne voit pas exactement ce dont il s'agit, pour lui aussi c'est trop loin de ce qu'il peut imaginer. Sa propre vocation prophétique, elle lui vient d'une évidence qu'il a toujours eue en lui : aussi loin qu'il remonte dans son enfance, il a toujours su qu'il devrait faire ce qu'il fait maintenant, prêcher ce qu'il prêche, pour préparer le peuple à la venue du Royaume. Il ne comprend donc pas, mais il a l'intuition que ce que Yeshoua lui relate est vrai, qu'il lui est arrivé quelque chose d'authentique et d'important. Désormais, Yehohanan prête plus d'attentions à ce disciple singulier : et si c'était lui, ce Messie qui doit venir pour instaurer le Royaume ? Et la vie du campement continue son cours. Yeshoua est moins attiré, maintenant, par les exercices d'ascèse trop poussés. Il se contente des jeûnes et des prières ordinaires, même s'ils ne présentent plus la même nécessité, pour lui. Mais il ne le sait pas. En fait, la présence est là, en permanence, en lui, même si elle est plus discrète, même s'il ne s'en rend pas vraiment compte. Il y a un travail qui se fait en profondeur en lui, dont il ne perçoit que vaguement, parfois, des signes, aux frontières de sa conscience. C'est une période de maturation silencieuse, dans le secret.

Yehohanan, de son côté, ne peut empêcher ses disciples de noter qu'il y a quelque chose de spécial avec Yeshoua. Il est clair qu'il n'ose plus le bousculer, comme il le fait régulièrement avec les uns et les autres, pour entretenir l'ardeur des consciences. La chose devient trop patente, à la longue, on lui en fait des remarques, tant et si bien qu'il finit par devoir s'expliquer. Mais il n'est pas sûr de quoi que ce soit, non plus. Alors il laisse entendre, seulement. Il laisse entendre que Yeshoua a eu une expérience qui sortait de l'ordinaire, qu'il a certainement été choisi par YHWH pour jouer un rôle particulier dans la suite des événements. Il ne mentionne pas le terme de Messie, mais c'est ce que chacun peut imaginer aisément au regard de ces seules informations. Et on en est là, quand le 'tétrarque' de Galilée et de Pérée, sur le territoire duquel le campement du Baptiste s'était installé depuis quelques temps, au gré de ses migrations le long du Yordan, ce tétrarque, donc, Hérode, décide de faire procéder à l'arrestation de ce Yehohanan, pour troubles à l'ordre public. Ceci pour le motif officiel, et pas complètement faux, même si chacun savait que le prêcheur aurait peut-être mieux fait de s'abstenir, lorsqu'il avait cité le mariage du dit Hérode, avec la femme de son frère, comme exemple de la dissolution des mœurs en Israël... mais là n'est pas la question pour notre propos.

Source : dieu qui se cache (2) : L'histoire

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