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Billet de blog 7 mai 2014

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L'histoire (6)

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Désormais, toutes les conditions sont réunies pour que puisse éclater la crise entre Yeshoua et ses admirateurs, bien que ni l'un ni les autres ne s'en doutent. Chacun est dans sa logique, mais elles ne sont pas compatibles, comme ils vont s'en apercevoir. Du côté du pool des 'organisateurs', on estime qu'on n'est pas loin d'avoir fait le plein de partisans, maintenant. Ils se sont rendus un peu partout en Galilée, deux par deux. Ils ont sillonné les villages et bourgades, tâtant la température, faisant ensuite venir Yeshoua là où on le demandait le plus, ou là où sa présence avait le plus de chance de faire basculer l'opinion. Ce faisant, ils ont aussi monté un réseau de ceux qui étaient les plus motivés, les plus décidés à agir le moment venu. Parmi les plus proches de Yeshoua, quelques uns, sympathisants de longue date des zélotes, Shimôn, les fils de Zébédée, ont assuré la liaison avec ces adeptes de l'action musclée. Et la décision est prise : il est temps de passer à l'étape suivante. Alors les zélotes mobilisent, les disciples activent leur réseau, le mot d'ordre est transmis à tous : rendez-vous à telle date dans le désert, avec 'armes et bagages'. Dans le désert : comme dans un lieu secret, pas au vu et au su de tous, comme des conspirateurs, qu'ils sont.

Et le mot d'ordre est suivi. Des hommes se mettent en route d'un peu partout en Galilée, et convergent vers le lieu convenu. Les premiers arrivent deux ou trois jours en avance (on dit que ce sont toujours ceux qui viennent du plus loin ?), on s'installe, on plante la tente, allume le feu pour le repas. Et le flot des arrivants continue, on voit bien qu'on va être nombreux, plusieurs milliers. Les organisateurs recensent plus précisément : au moins cinq mille ! c'est un succès, à ce nombre là, il n'y a pas de doute, l'affaire se présente vraiment sous de très bons auspices. Jusqu'à ce que Yeshoua arrive... Il se demandait bien pourquoi, pour cette tournée ci, les disciples l'emmenaient dans le désert : c'est une surprise, lui ont-ils répondu. Mais là, il comprend. Il voit le monde, il voit les armes, même pas dissimulées, il n'a pas besoin qu'on lui fasse un dessin : ils veulent l'emmener à Yerushalaim, à la tête de leur petite armée. Ils veulent le faire reconnaître par le sanhédrin comme étant le Messie. Ils ont largement les moyens de se défaire de la garde du Temple, si besoin, et, bien sûr, ils comptent aussi qu'il va produire quelques miracles à sa façon devant la noble assemblée, pour les convaincre de leurs prétentions. La méprise entre eux est totale. Ils raisonnent en termes de pouvoir, quand lui n'a qu'un Père aimant, certes puissant, mais puissant seulement d'amour, à leur proposer.

C'est la cassure. Yeshoua ne peut absolument pas continuer sur cette voie. Il a pitié d'eux, en même temps, pour le rêve qu'il va briser. Certains sont venus de très loin, perdu plusieurs jours de salaire, voire leur emploi. Ils ont tous consenti des efforts dans leur espoir d'instaurer définitivement le Royaume. Il est déchiré. Il y a de sa faute, dans ce qui arrive. Il s'est laissé porter par la vague, doux rêveur idéaliste, alors qu'il aurait dû garder les pieds sur terre, mieux comprendre la réalité telle que eux la percevaient. Ah ! si, si, si... mais c'est comme ça, il ne l'a pas vu venir, il faut qu'il fasse avec. Alors, il commence par leur parler longuement. Il essaie de leur expliquer pourquoi il ne peut pas adhérer à leur projet, qu'il n'est pas le maître des signes qui s'accomplissent par son intermédiaire, qu'il ne pense pas que le Royaume puisse se conquérir par la force. Ce n'est pas facile, il ne peut guère parler que par négations, il ne sait pas trop lui-même comment définir tout ça. C'est un travail auquel il se tiendra, désormais, jusqu'à la fin de sa vie, mais sans parvenir à un résultat quelque peu probant. En fait, les foules qui l'assaillaient jusque là, où qu'il se rende, vont devenir de plus en plus étiques. Ses disciples vont se mettre à traîner des pieds, restant en arrière sur le chemin, furieux qu'il leur ait fait rater une si belle occasion, et espérant jusqu'à son dernier souffle (et même après, mais c'est une autre histoire) que le nouveau gouvernement, dans lequel bien sûr ils auraient les premières places, pourra quand même s'instaurer.

C'est la cassure, et, après avoir essayé tant bien que mal de leur en expliquer les raisons, et de se les expliquer à lui-même en même temps, Yeshoua voit bien qu'il ne les a pas convaincus. Comment en serait-il autrement, puisqu'il ne sait pas vraiment lui non plus pourquoi ? Alors, il leur propose un symbole sur lequel ils peuvent se mettre d'accord : le Royaume est comme un festin partagé, un repas offert par Dieu. Comme pour ces miracles qui se sont produits depuis le début de l'aventure, c'est lui et lui seul qui donne. C'est à son initiative, personne ne peut les exiger ni l'y contraindre. Il faut se réjouir d'en avoir bénéficié, et lui faire confiance pour nous mener là où nous devons aller par les chemins qui conviennent à ses desseins. Cette fois, c'est un langage que tous peuvent entendre, et ils le mettent en pratique. Ils mangent tous ensemble, comme dans un moment de grâce collective, une parenthèse hors du temps et de l'espace. Oui, c'est un beau moment suspendu entre terre et ciel, qu'ils vivent là, tous ensemble. Et puis, une fois les ventre rassasiés, la digestion commence, quelques objections se remettent à pointer le bout de leur nez... c'est normal, les moments d'exception sont par définition exceptionnels et ne durent qu'un moment. La grogne enfle, on n'osera pas s'en prendre à Yeshoua, mais il est temps de mettre un terme au rassemblement. Il oblige d'abord les disciples à partir. Ils protestent avec énergie, mais il ne les écoute pas : ils sont quand même les premiers responsables de toute l'histoire ! Idem avec les chefs zélotes, et ensuite, progressivement, c'est tout le gros de la troupe qui est invité à regagner ses foyers. Quand les derniers sont partis, on est au soir, et Yeshoua reste seul sur place, à prier.

Source : dieu qui se cache (2) : L'histoire

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