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Billet de blog 7 mai 2014

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L'histoire (7)

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Tout s'est écroulé ! Alors, il s'est trompé ? depuis qu'ils sont arrivés en Galilée, que les signes ont commencé de se produire, qu'il a cru que le Royaume était arrivé, en tout cela il a fait fausse route ? Cela, au moins, lui semble certain : ce sont ces fameux signes qui ont tout faussé. Eux, les foules, ses 'disciples', ne les ont pris que comme manifestations de pouvoirs, ils en ont été aveuglés. Ce n'est que sur eux que s'est développé cet immense malentendu. Il n'est pas loin de les détester, maintenant, ces miracles que tous lui demandaient. En tout cas, il évitera soigneusement à l'avenir d'être pris pour le magicien de service ! Il ne comprend pas pourquoi ils se sont produits, alors, pourquoi YHWH les a permis, puisqu'ils sont tellement ambigüs, les gens s'y laissent si facilement piéger. Les voies de YHWH sont décidément impénétrables. C'est pourtant le même Dieu avec lequel il vit au plus profond de son être, depuis son expérience quand il était disciple de Yehohanan, le même qui l'emplit d'une paix, d'une confiance, sans limites, et ce sont cette paix et cette confiance qui ont permis que les signes se produisent. Mais il comprend qu'il s'est trompé, qu'il a mis la charrue devant les bœufs. Les signes ne sont que des signes, justement, ce qui est premier, c'est cette expérience qu'il vit. Les gens ont pu, momentanément, accéder à la confiance, en sa présence, et c'est ce qui a permis les signes, mais ils n'ont retenu que ceux-ci. Ce qu'il doit faire, désormais, c'est tout centrer sur la découverte personnelle, de chacun, du Dieu qui nous habite. C'est là qu'est en réalité le Royaume. C'est lorsque "ils n’auront plus besoin d'instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère, parce que tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands", comme l'avait prédit Yirmeyah.

Ces conclusions ne lui sont pas venues instantanément, ni même en quelques heures. Il lui a fallu plusieurs jours de combat contre lui-même. C'était là, pourtant, bien sûr, évident d'une certaine manière, mais cela remettait tellement en cause ce qu'il s'était imaginé jusqu'à présent. Il lui a fallu du temps pour y renoncer. Accepter que, si lui, sans doute, avait trouvé le Royaume, ce n'était pas le cas pour les autres. Cela remettait en cause cette notion telle qu'il se l'était représentée jusque là, telle qu'on la lui avait transmise, telle que les autres se la représentaient aussi, d'un événement collectif, situé dans le temps. Voilà un autre point sur lequel il lui faudrait être prudent, à l'avenir. Il en parlera encore, mais en prenant garde, pour qu'ils comprennent bien qu'ils ne doivent plus le voir de la même façon, ce fameux Royaume. Quant à la figure du Messie, ça, c'est terminé pour lui. C'est un rôle irrécupérable. S'il laisse les gens courir encore après un messie, jamais ils n'entreront dans une démarche personnelle, jamais ils n'iront chercher le Royaume en eux. Il sera obligé, une fois, de se fâcher terriblement avec Shimôn, sur ce sujet, au point de le traiter de Satan, pour cette seule raison qu'il s'obstinait encore à vouloir lui faire endosser le rôle. Mais n'anticipons pas. Pour l'instant, Yeshoua est donc resté plusieurs jours dans le désert à faire tout ce travail de conversion, à se dépouiller des oripeaux dont il s'était top facilement laissé affubler. Il s'est clarifié. Il n'en sait guère plus que ces quelques orientations auxquelles il essaiera de se tenir à l'avenir, mais il sait qu'il devrait maintenant rejoindre les 'disciples', avant qu'ils ne pensent qu'il les a laissé tomber.

De fait, si Yeshoua est tombé de haut, dans cette histoire, que dire des disciples ? Qu'il les ait chassés comme des malpropres, ils pourraient passer dessus, mais qu'il fasse s'écrouler tout leur rêve ! Ils ne comprennent pas : ils se seraient trompés, alors, et Yehohanan aussi : il n'est pas le Messie ? En fait, ils n'arriveront jamais à y renoncer tout-à-fait, jusqu'à sa mort. C'est un moment de grande solitude, pour eux aussi. Ils sont partis parce qu'il les y a obligés, mais ils n'arrivent plus à avancer dans leur vie, elle n'a plus de sens. Le moindre geste, la moindre action, leur demande des efforts surhumains, comme s'ils se battaient contre les élements. Ils rament, ils pédalent dans la semoule. Aussi, quand Yeshoua finit par les rejoindre, leur première réaction est-elle de le prendre pour un mirage, un fantôme. Mais cet instant est vite dissipé : oui, c'est bien moi, me voici de retour. A-t-il eu raison de revenir ? mais aussi, qu'aurait-il pu faire d'autre ? Il lui semble que oui, repartir de zéro avec d'autres n'aurait été qu'une fuite. Et eux, que font-ils encore avec lui ? Plus le temps va avancer, plus il va leur marteler qu'ils se trompent, que le Royaume n'est pas ce qu'ils imaginent, et qu'il ne sera jamais question, pour lui, de prétendre à un quelconque pouvoir terrestre. Alors, excusez, mais en matière de Messie, on ne voit vraiment pas qu'il puisse en résulter quoi que ce soit de bien sérieux ! Et, s'ils le suivront jusqu'à la fin, ce sera en partie par pure amitié pour lui.

Ils se sont donc réconciliés, même si rien ne sera jamais plus comme avant. Dire qu'ils savent où ils vont serait pur mensonge. Yeshoua sait surtout ce qu'il ne veut plus, quant aux disciples, ils passent leur temps à essayer de raccrocher les vieux wagons... C'est alors que Yeshoua a l'idée d'une campagne de prospective à l'étranger. Un des problèmes qu'il rencontre en Israël, ce sont ces attentes trop figées du Royaume et du Messie qui doit l'inaugurer. Les païens n'ont pas ces croyances, peut-être seront-ils plus réceptifs ? Et puis, ça va sortir les disciples de leurs ruminations en boucle... Et c'est parti, ils rejoignent le bord de la mer (la grande, pas le lac de Kinneroth) et suivent la côte vers le nord, à partir de quoi ils vont décrire un grand arc de cercle vers le sud-est en traversant les différentes contrées qui entourent leur Galilée, et retour enfin à Kfarnahum. Du point de vue diversion, ça a plutôt été une réussite. On s'intéressait aux paysages, aux petites curiosités, coutûmes et usages. C'était une parenthèse, une trève. On avait mis de côté les sujets qui fâchent et on faisait comme si rien n'avait changé. Sur le fond, ça a été une déception pour Yeshoua : Royaume ou pas Royaume, Messie ou pas Messie, ne changeaient rien à l'affaire. Dès qu'un signe se produisait – car il n'arrivait pas toujours à les empêcher, c'était plus fort que lui, chaque fois qu'il se laissait émouvoir par la détresse de son interlocuteur ou interlocutrice – c'était bien pareil : on le prenait pour un dieu descendu du ciel, ou un ange, ou quoi que ce soit qui s'accordait à leurs croyances. Non, l'étranger n'était pas une solution.

Source : dieu qui se cache (2) : L'histoire

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