Et voici qu'apparaît dans ce discours, censé faire suite à la multiplication des pains, l'expression "le fils", que beaucoup de traductions feront figurer avec une majuscule (le "Fils"), orientant ainsi sur ce que le christianisme ultérieur appellera la deuxième personne de la Trinité (deuxième, la première étant le Père et la troisième le Saint Esprit), mais, d'une part ce concept de Trinité n'existait pas au moment où les évangiles ont été rédigés, et d'autre part, ce qui dans les évangiles se rapproche le plus de ce concept de deuxième personne de la Trinité se trouve dans cet évangile de Jean, mais c'est ce qu'il a appelé "le Verbe", et non "le Fils". Ici donc, dans ce passage de cet évangile-là, comme dans tout cet évangile, comme dans les quatre évangiles, et même comme dans tout le "Nouveau Testament", "le fils" signifie simplement Jésus en tant qu'homme ; en tant qu'homme habité par Dieu qu'il appelle son Père, mais en aucun cas en tant que Dieu lui-même.
Ainsi, croire au fils signifie croire qu'il est effectivement habité par Dieu, croire que par sa vie, ses actes, ses paroles, il témoigne de cette présence en lui, et en tout cela il nous invite, il nous incite, à faire nous aussi comme lui, découvrir cette même présence en nous (son Dieu, qu'il appelle son Père, est aussi notre Dieu, notre Père...), et en témoigner à notre tour.
Voilà tout l'essentiel qu'il y ait à dire sur ce passage, mais en fait aussi sur l'ensemble des évangiles, et même du Nouveau Testament, et de Jésus. C'était ce que comprenaient, et surtout vivaient, les tout premiers chrétiens, et qu'ils ont appelé la venue de l'Esprit (Luc surtout), ou la seconde naissance (Jean) : l'expérience de cette présence de Dieu en chacune et chacun de nous, et ceci n'a évidemment aucun rapport avec un baptême ou quelque autre rite, du moins la réalité de cette présence ; c'est là notre nature, de toute éternité, nous venons de Dieu, nous sommes de nature spirituelle, comme tout ce qui est d'ailleurs, que nous le sachions ou pas. La seconde naissance ou venue de l'Esprit, c'est de le découvrir, concrètement, d'en faire l'expérience, sensible, et là-dessus je ne peux guère en dire plus, car je ne peux justement pas faire cette expérience à la place de qui que ce soit...!
Voilà donc l'essentiel. Ensuite, mais c'est tout-à-fait accessoire et ne concerne que ceux que le développement ultérieur du christianisme intéresserait, et particulièrement la question de cette "Trinité" avec sa deuxième "personne" nommée le "Fils", on peut considérer que ce terme de "Fils" n'est pas tout-à-fait insensé, bien qu'il ait malheureusement joué un grand rôle pour attribuer à Jésus seul d'avoir cette nature divine innée en plus de sa nature humaine commune (encore que, puisque nous partageons tous cette "double" nature, on ne devrait peut-être pas la dire double, à strictement parler ?).
Dans ce cadre spécifique du christianisme, il faut alors pour commencer bien comprendre que ces trois "personnes" de la "Trinité" ne sont pas du tout ce que nous appelons nous de nos jours des personnes... Il s'agit de trois aspects différents sous lesquels nous apparaît cette notion qui nous dépasse (et que nous ne pourrons sans doute jamais comprendre parfaitement) et que nous appelons Dieu (ou le Grand Esprit dans l'animisme, ou de tout autre nom qu'on voudra...). Trois aspects donc d'une réalité qui, elle, est absolument unique. Trinité ne signifie donc absolument pas trois dieux, mais trois aspects du seul et même Dieu. Et, dans ce cadre-là, ce que le christianisme a pu appeler le "Fils" peut être compris comme désignant ce Dieu tel que j'expérimente sa présence en moi. Mais ceci dit, donc, spécifiquement à l'adresse de ceux qui se sentent concernés par cette théologie propre au seul christianisme, qui n'est ainsi pas forcément plus idiote qu'une autre, mais pas non plus forcément plus judicieuse, pas forcément plus en adéquation avec la réalité qu'elle cherche à décrire.
Agrandissement : Illustration 1
Jésus leur a dit
« moi je suis le pain de la vie
qui vient à moi n'aura plus faim
et qui croit en moi n'aura plus soif
jamais »
mais je vous l'ai dit
et vous m'aviez vu
et vous ne croyez pas
tous ceux que le Père me donne viendront à moi
et qui vient à moi je ne le jetterai pas dehors
car je suis descendu du ciel
non pour faire ma volonté
mais la volonté de qui m'a envoyé
et telle est la volonté de qui m'a envoyé
que de tous ceux qu'il m'a donnés
je n'en perde aucun
mais que je les relève au jour qui vient
car telle est la volonté de mon Père
que quiconque voit le fils et croit en lui
ait vie éternelle
et moi je le relèverai au jour qui vient »
(Jean 6, 35-40)