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Billet de blog 8 septembre 2014

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Sabbat, acte 2

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Billet original : Sabbat, acte 2

Or, un autre sabbat, il entre à la synagogue, il enseigne. Il y avait là un homme, et sa main, la droite, était sèche. Les scribes et les pharisiens l'épient : si, durant le sabbat, il guérit ? Cela pour trouver à l'accuser. 

Lui sait leurs réflexions. Il dit à l'homme à la main sèche : « Dresse-toi ! Et tiens-toi debout, au milieu ! » Il se lève et se tient debout.  Jésus leur dit : « Je vous interroge : s'il est permis, le sabbat, de bien faire, ou de mal faire, de sauver une vie, ou de la perdre ?» Il les regarde à la ronde, tous. Il lui dit : « Tends ta main. » Il le fait : sa main est rétablie. 

Eux sont remplis de fureur. Ils discutaient entre eux : que faire à Jésus ?

Luc 6, 6-11

Voilà, trois reproches ont été énumérés contre Jésus : il fréquente les pécheurs, il ne pratique pas d'exercices de piété réguliers, on ne sait même s'il croit en Dieu puisqu'il ne respecte pas son jour saint. Conclusion : ils discutent entre eux sur les mesures à prendre. 'Ils', sont ici des pharisiens et des scribes, c'est un trait partagé par les trois synoptiques, que d'attribuer l'opposition principale à Jésus, à des pharisiens. Ceci est dû essentiellement au contexte dans lequel ils ont été rédigés. C'était avec des pharisiens que les communautés juives se réclamant de Jésus comme Messie (ceux qui allaient devenir les 'chrétiens') se trouvaient en plus vive concurrence au sein du judaïsme. De plus, après la destruction de Jérusalem, et le schisme entre chrétiens et juifs, ces derniers sont même exclusivement des héritiers des pharisiens, les sadducéens ayant disparu de l'histoire en même temps que le Temple dont ils étaient dépendants. L'histoire du développement du christianisme est donc une histoire qui ne se passe pratiquement qu'entre chrétiens et pharisiens, raison principale pour laquelle ce sont ces derniers qui sont présentés comme les adversaires de Jésus de son vivant, alors que nous savons maintenant que ce sont en fait les sadducéens qui ont été ses ennemis les plus acharnés, que ce sont eux qui l'ont envoyé sur la croix...

Venons-en à la scène du jour. La question posée est un second volet de celle abordée samedi. Le repos du sabbat est censé permettre à l'homme d'approfondir sa relation à Dieu. Ceci dit, en partant de la constatation que ses disciples avaient faim, Jésus avait souligné que, pour que cette relation à deux pôles (comme dans toute relation) puisse s'établir, il fallait déjà que ces deux pôles soient présents, là, réellement en capacité d'établir une relation. Or, si on peut supposer que Dieu par nature est toujours disponible, concernant l'homme encore faut-il que son état le lui permette. Entre autres, être tenaillé par la faim ne semble pas forcément une condition idéale... Et aujourd'hui, second volet, l'autre pôle, Dieu. C'est au fond ce thème qui parcourt tous les évangiles : qui est Dieu, où le rencontre-t-on ? S'il ne s'agit certes pas pour Jésus de nier l'existence transcendante de celui avec lequel il vivait une communion intime, il s'agit quand même d'affirmer avec la plus extrême exigence que ce Dieu transcendant ne peut jamais venir s'interposer entre nous et notre prochain, ne peut jamais servir d'excuse pour négliger notre frère. C'est la question "est-il permis le sabbat de faire le bien ?" Ici, la question se pose uniquement sous le biais d'une autorisation, le développement ultérieur du message de Jésus l'amènera même à considérer que c'est une obligation. S'il avait laissé cet homme dans son état, alors qu'il pouvait faire quelque chose pour lui, sous le prétexte de se consacrer à Dieu seul, Jésus aurait été menteur dans sa prétention à aimer Dieu.

En attendant, nous ne pouvons que constater que l'histoire ne nous raconte même pas une guérison opérée par Jésus ce jour-là ! Nous n'avons aucun élément d'un récit de miracle : le handicap de l'homme, pas plus qu'une guérison, ne sont évoqués, ni par l'homme, qui n'a rien demandé à Jésus, ni par Jésus... Il n'y a d'ailleurs pas vraiment de communication entre eux, c'est Jésus qui l'utilise, lui, nous ne savons strictement rien de ce qu'il pensait avant, de ce qu'il pense pendant, ni de ce qu'il pensera ensuite. Il se trouve donc que, au moment où l'homme tend la main, comme Jésus le lui demande, cette dernière guérit. C'est une pure coïncidence ! Bien sûr, le hasard est trop gros, mais les pharisiens n'ont de fait rien de concret à reprocher à Jésus, et c'était le but. Leur fureur vient certainement de là, d'avoir été roulés, bien plus que si Jésus avait opéré un miracle "dans les règles". Il y avait des pharisiens pour défendre qu'il était permis, le jour du sabbat, de venir en aide à son prochain dans une situation de détresse. S'il ne s'était agi 'que' d'une guérison opérée par Jésus, elle serait entrée dans cette catégorie, c'est-à-dire qu'elle n'aurait été qu'un objet de discorde entre divers courants du judaïsme, pas de quoi provoquer de la fureur... Alors on peut dire que c'est Jésus qui cherche les ennuis, en se moquant de ses adversaires. En un sens, oui. Maintenant, que ceci suffise à justifier leur ressentiment, n'exagérons pas non plus. En somme, il leur a seulement prouvé que leur position était erronée, puisque ce n'est même pas lui qui a guéri un jour de sabbat, mais Dieu qui en a pris l'initiative. S'ils ne sont pas capables de l'accepter...

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