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Billet de blog 8 mai 2025

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Donner sa vie

Certains s'imaginent qu'il importe peu que Jésus ait réellement existé ou que tout ce qui nous en est dit ne soit dans l'ensemble qu'un beau mythe, mais un mythe qui pourrait suffire à inspirer nos vies. Certains s'imaginent ça...

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Le pain qu'il donnera pour la vie du monde, c'est sa chair. Deux choses sont importantes dans cette phrase : d'une part le futur de "je donnerai", et d'autre part le mot "chair". L'importance de ces deux éléments provient de ce que jusqu'à présent dans ce discours, il n'en avait pas été question ; ce sont deux nouveautés. C'est une des difficultés de ces discours de l'évangile de Jean : les thèmes y sont repris et repris avec de légères variantes, variantes qui n'ont pas forcément de signification profonde, ce qui a tendance à nous endormir, à faire baisser le seuil de notre attention, et alors, quand une variante serait au contraire importante à noter, on risque bien de la laisser passer, et au final de manquer l'essentiel.

"Le pain que moi je donnerai" : jusqu'à présent, il avait bien été question de pain, mais il n'avait pas été question d'attendre un événement futur ; Jésus est le pain de vie et si on croit en lui, au présent, on a la vie éternelle, au présent aussi. Mais voici que s'introduit un futur, ce pain il le donnera, il va le donner, on ne sait pas encore quand, mais il va donc falloir finalement attendre cet événement à venir. On pourra dire à ce sujet que c'est du pinaillage, d'autant que la suite du discours reviendra au présent. Si on veut, effectivement, mais on peut aussi y déceler un indice de ce que ces textes de Jean, particulièrement ces grands et longs discours, sont plus des catéchèses composées par le ou les auteurs de l'évangile que ce que Jésus a pu réellement dire ; et dans ce cas, ce futur par contre est un signe de quelque chose qui vient effectivement de lui, notamment en tenant compte de la nature de ce don.

"Le pain que moi je donnerai, c'est ma chair" : autrement dit, s'il donne sa chair, c'est donc sa vie ; il ne peut pas donner sa chair sans mourir, surtout du fait justement de ce futur. Sans ce futur, effectivement, on pourrait invoquer le mythe de Prométhée, dont l'aigle se repaissait sans qu'il ne meure pour autant, ou encore penser à l'allaitement maternel, une forme aussi de dévoration du point de vue de l'enfant. Mais il y a ce futur, qui implique qu'il faille attendre que se produise un certain événement, et là on ne peut plus penser qu'à sa mort en tant que don fait à ses disciples. Nous en avons souvent parlé : ces derniers étaient absolument incapables de sortir de leurs conceptions de ce que devait être le messie, chef à la fois religieux mais aussi et tout autant chef politique et même chef militaire. Sa mort était le seul moyen de leur "casser la baraque", de casser leur rêve à son sujet, quitte même à ce que cela ne suffise pas, ou pas complètement...

C'est donc, je crois, ce que signifie ce futur qui détonne quelque peu ici : une annonce de sa mort, tout comme il y a dans les synoptiques (mais là beaucoup plus théâtralisé) les trois "annonces de la Passion". Attention cependant, sous prétexte qu'il parle de donner "sa chair", à ne pas voir là une allusion à ce qui deviendra dans la communauté chrétienne naissante, l'eucharistie. On sait d'une part que l'évangile de Jean ne parle pas de l'institution par Jésus d'un tel rite à pratiquer par la suite, avec du pain symbolisant sa chair et du vin symbolisant son sang. Ici, déjà, il n'est question que de sa chair, et d'une, mais même si l'ensemble du discours tourne autour de l'idée que Jésus soit un pain qui donne vie, il n'est pas (pas encore) fait mention d'avoir à le manger, ce pain, et donc manger Jésus lui-même. On peut évidemment y penser de manière aussi littérale, mais cela n'a pas encore été formulé explicitement.

Pas encore, car cela va venir demain, où cette fois il sera question et de la chair et du sang, à manger et à boire, et nous aborderons alors ce sujet. Pour l'instant, ici, dans ce "le pain que moi je donnerai c'est ma chair", il n'est question que de ce don qu'il fait de lui-même, la "chair" est à prendre dans le sens de tout son être (et chair et sang), autrement dit et corps et âme, autrement dit encore : toute sa nature humaine ; car son esprit, autrement dit sa nature divine, il n'est pas en son pouvoir de le donner ni d'en faire quoi que ce soit, et de plus, nous l'avons tous déjà en nous aussi, l'esprit, le même esprit, le seul et le même esprit !

Illustration 1

alors les Judéens se récriaient à son sujet
    parce qu'il avait dit
« moi je suis le pain descendu du ciel »
    et ils disaient
« celui-ci n'est-il pas Jésus le fils de Joseph
    dont nous connaissons nous le père et la mère ?
comment alors dit-il
    "du ciel je suis descendu" ? »

    Jésus a répondu et leur a dit
« ne vous récriez pas les uns aux autres !
personne ne peut venir à moi
    si le Père qui m'a envoyé ne l'attire
    — et moi je le relèverai au jour qui vient —
il a été écrit dans les Prophètes
    "et ils seront tous instruits par Dieu"
tout homme qui a entendu ce qui vient du Père
    et en a été instruit
vient à moi.
    car personne n'a vu le Père sinon qui est de Dieu
    celui-là a vu le Père

amen ! amen ! je vous dis
    qui croit a vie éternelle
moi je suis le pain de la vie
    vos pères ont mangé la manne dans le désert
    et ils sont morts
mais ceci est le pain descendant du ciel
pour que quiconque puisse en manger et ne pas mourir
    moi je suis le pain vivant qui est descendu du ciel
si quelqu'un mange de ce pain il vivra pour l'éternité
    et le pain que moi je donnerai c'est ma chair
    pour la vie du monde »

(Jean 6, 41-51)

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