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Billet de blog 9 octobre 2014

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N'ayez pas peur !

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Billet original : N'ayez pas peur !

Il leur dit : « Qui parmi vous a un ami, et va vers lui en milieu de nuit pour lui dire : "Ami, avance-moi trois pains. C'est qu'un ami à moi en chemin est arrivé chez moi, et je n'ai rien à lui servir." Et lui, du dedans, répond et dit : "Ne me tracasse pas : déjà la porte est fermée, et nous sommes au lit, mes enfants et moi. Je ne peux me lever pour te donner." Je vous dis : même s'il ne se lève pas pour lui donner du fait qu'il est son ami, eh bien ! du fait de son sans-gêne, il se dressera pour lui donner ce dont il a besoin. 

« Et moi je vous dis : Demandez, et il vous sera donné. Cherchez, et vous trouverez. Toquez, et il vous sera ouvert. Car tout demandeur reçoit. Qui cherche trouve. À qui toque il sera ouvert. 

« Quel père parmi vous, à qui son fils demandera un poisson, au lieu de poisson, lui remettra un serpent ? Ou encore, il demandera un œuf, est-ce qu'il lui remettra un scorpion ? Si donc vous – mauvais que vous êtes ! – vous savez donner des dons qui soient bons à vos enfants, combien plus le père, du ciel, donnera l'Esprit saint à ceux qui lui demandent ! »

Luc 11, 5-13

La parabole du premier paragraphe est propre à Luc. Elle commence curieusement par un "qui, parmi vous,..." dont on ne sait finalement pas quelle était la question qu'il était censé poser. Il y a de nombreux autres exemples dans les évangiles de ce genre de questions, mais où on sait de quoi il s'agit exactement, et qui, normalement, doivent amener l'auditeur à se dire que c'est bien sûr, que c'est bien comme ça que les choses se passent, ou ne se passent pas, dans la vie. Rien que dans le texte du jour, un peu plus loin : "Quel père donnera un serpent à son fils qui lui demande un poisson ?" Mais aussi : "Qui, s'il veut construire une tour, ne s'assure d'abord qu'il a de quoi le faire ?" (Luc 14, 28) Ou : "Qui, ayant cent brebis, s'il en perd une, ne se lance à sa recherche ?" (Luc 15, 4) Et : "Qui, s'il a un esclave, quand il rentre de son travail, lui dit de s'allonger et se reposer ?" (Luc 17, 7) Mais ici, on ne sait pas quelle est la question exactement. On va frapper chez le voisin, le voisin se fait tirer l'oreille, mais ensuite, que fait-on ou est-on censé faire ? il manque sans doute un petit morceau de l'histoire, où on insiste lourdement jusqu'à ce que l'autre ouvre. Ainsi s'expliquerait le "à cause de son sans-gêne" utilisé dans la conclusion de Jésus. On peut bien sûr imaginer de nombreuses variations pour cette insistance manquante dans l'histoire, mais peu importe, l'idée est là.

C'est à peu près le même thème qu'une autre parabole propre à Luc (18, 1-8), où il est question d'une veuve qui a affaire à un juge corrompu qui a enterré son dossier, sans doute pour complaire à un quelconque de ses amis. Mais la veuve insiste et insiste, tant et si bien que le juge finit par céder "pour qu'elle ne vienne plus l'assommer". C'est bien à peu près la même idée, qu'il ne faut pas se décourager, persévérer, "à temps et contre-temps" dirait Paul. Mais il y a une différence qui n'est pas une nuance, entre les deux paraboles. Dans celle de la veuve, son interlocuteur est malhonnête, et on comprend très bien qu'elle soit justifiée d'insister. Ici, qui blâmerait l'ami réveillé en pleine nuit de refuser d'accéder à notre demande ? Et pourtant c'est bien ce que nous dit la parabole : n'ayez pas peur d'importuner Dieu, même si votre demande devait s'avérer peu justifiée, même si votre comportement avait toutes les allures d'un sans-gêne. C'est un terrible déboulonnage de l'image qu'ont certains de Dieu comme un personnage sacré, à n'approcher qu'avec grande crainte et tremblements, vu l'immensité de sa majesté ! Mais en réalité, si Dieu est vraiment si haut et si loin, si surplombant notre misérable humanité, en quoi nos actions de moustiques, quelles qu'elles soient, pourraient-elles le moins du monde l'affecter ? Il y a une contradiction en soi, dans de telles attitudes, qu'on peut qualifier proprement d'orgueil. Cette façon de placer Dieu très haut n'est qu'une manière détournée de se donner à soi-même de l'importance, puisque nos actions seraient susceptibles de plaire, ou déplaire, à une telle sommité.

La suite du texte du jour se trouve presque mot pour mot aussi chez Mathieu (7, 7-12). La déclinaison sous trois formes différentes (demander, chercher, frapper) de la même recommandation de fond renforce encore l'idée que rien ne devrait nous décourager. C'est là une aspiration légitime, et même vitale, pour nous. Alors, que craignons-nous ? Comment se fait-il que nous ne soyons pas tous déjà dans le Royaume ? Est-ce que c'est vraiment ce qui nous tient le plus à cœur, où est-ce que notre cœur n'est justement pas partagé, que c'est plus pour nous de l'ordre du "vœu pieux de façade", de la velléité, parce que finalement il y a tant de tentations qui nous semblent aussi souhaitables ? Il y a ici une question que nous devrions tous nous poser : si nous sommes insatisfaits de notre spiritualité, de notre avancement sur le chemin, la faute ne vient certainement pas de Dieu, mais de nous, et nous avons pourtant tout en nous pour y répondre.

C'est ce que nous disent aussi les dernières mini-paraboles. Luc en a décliné deux formes : demander un poisson et recevoir un serpent, demander un œuf et recevoir un scorpion. Matthieu en a une autre : demander du pain et recevoir une pierre, mais n'a pas celle de l'œuf et du scorpion. Ces trois images, nous pouvons effectivement les comprendre dans le sens premier qu'elles semblent exposer, à savoir que Dieu ne saurait nous donner de mauvaises choses en réponses à nos demandes de bonnes choses. Mais ceci ne rend pas suffisamment justice à la conclusion qui en est tirée par Jésus : qu'à nos demandes, Dieu ne se contente pas de répondre en donnant seulement ce que nous demandons : il nous donne l'Esprit ! C'est Luc qui parle ici, Matthieu dit seulement que Dieu donne lui aussi de bonnes choses, comme nous savons le faire avec nos enfants. Mais Luc a bien évidemment raison, Dieu n'est pas un comptable avare qui se dirait : ah ! il ne m'a demandé que ça, donc pourquoi me décarcasserais-je pour lui donner mieux que ce qu'il attend ? Non, bien sûr, Dieu donne à foison, et n'ayons donc pas peur non plus de mal formuler nos demandes, et même de ne pas savoir exactement ce que nous devons demander. Demandons, il nous donnera, exactement ce qui nous convient et qui va bien plus loin que ce que nous pouvons imaginer. Cherchons, nous trouverons. Frappons, il a déjà ouvert...

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