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Billet de blog 9 décembre 2014

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Pas un petit

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Billet original : Pas un petit

« Quel est votre avis ? Qu'un homme ait cent brebis, et que s'égare une seule d'entre elles, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf sur les montagnes pour aller chercher l'égarée ? Et s'il arrive qu'il la trouve, amen, je vous dis : il se réjouit sur elle plus que sur les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. 

« Ainsi est la volonté de votre père dans les cieux : que pas un de ces petits ne se perde. »

Matthieu 18, 12-14

Toujours dans le cadre d'une marche vers un Noël qui ne soit pas que la célébration d'un événement du passé, mais aussi la naissance, ou l'approfondissement, en nous d'une réalité spirituelle qui nous concerne personnellement, voici une belle occasion de méditer sur l'image que nous nous faisons de Dieu, ou de la réalité ultime, bref rien moins que de la finalité de l'univers, pourrait-on dire. Certains seront-ils étonnés si on dit que le Dieu des chrétiens est un Dieu personnel ? Il ne s'agit pas ici de réhabiliter l'image du vieillard vénérable avec sa longue barbe blanche, trônant dans les cieux sur les deux piliers de la miséricorde et d'une justice rigoureuse. Il convient effectivement de s'abstenir de toute représentation anthropomorphe, surtout au sujet du Père. Mais le fait est là, le Dieu révélé par Jésus se comporte comme une personne, et d'ailleurs beaucoup plus avec les attributs de la miséricorde que ceux du châtiment, mais c'est secondaire pour l'instant.

Pour le judaïsme, aussi, Dieu est un père, mais un père générique, en quelque sorte, le père du peuple juif, du peuple élu, qui récompense ce peuple, ou le punit, globalement, au travers des vicissitudes de son histoire. Parfois il devient père plus particulièrement de quelques personnes précises : certains prophètes, David, le Messie. C'est ainsi que, chez Marc et Matthieu, l'expression "le Messie, le fils de Dieu" ne parle pas du Fils unique de Dieu développé ultérieurement par les chrétiens, mais seulement de cette proximité plus grande de Dieu à certains représentants de son peuple. Car, au travers de cette paternité plus personnalisée, c'est bien plus leur fonction au sein de ce peuple élu qui est visée, que les personnes concrètes en elles-mêmes. Très différent est le Père dont parle Jésus, que nous voyons se dessiner dans les évangiles, comme par exemple dans ce texte. Nous avons bien affaire, ici, à un Dieu qui se soucie de chacun de manière absolument personnelle : "que pas un de ces petits ne se perde !" Le Père de Jésus se rend proche et accessible à chacun et à tous, et il semble peu probable que Jésus ait pensé que la relation qu'il avait, lui, avec ce Père, soit de nature différente de celle que nous pouvons, tous et chacun, avoir aussi avec ce même Père. C'est en ce sens que nous pouvons comprendre l'aphorisme d'Angelus Silesius "Quand le Christ serait né mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en toi, tu es perdu pour l’éternité." Il ne nous sert à rien de 'croire' seulement au Père dont Jésus a témoigné : c'est en nous aussi que cette relation doit naître et grandir, comme elle est née et a grandi en lui.

À côté de ces conceptions de Dieu du judaïsme et du christianisme, on trouve aussi des conceptions d'un Dieu absolument impersonnel, lesquelles, d'ailleurs, peuvent aussi, souvent, venir se mélanger en proportions variables avec l'un et l'autre. Ce Dieu est un être abstrait, extrêmement éloigné, inatteignable, un principe 'théorique' : le grand horloger, l'être suprême, le tao, la vacuité absolue... D'innombrables figurations nous orientent dans ce sens, basées elles-mêmes sur des conceptions diverses des principes et moteurs supérieurs de l'univers comme maya divine, lieu d'affrontement et conciliation de forces duales, échelle de degrés entre une matérialité pure et un 'esprit' pur, etc... Ce Dieu n'est pas nécessairement exclu de droit du christianisme, mais le Dieu du christianisme n'est pas non plus considéré comme réductible à cette seule figure. Pour le chrétien, Dieu n'est pas un des deux termes d'une alternative Dieu/matière, Dieu ne s'oppose pas à sa création, il est aussi dedans, intimement lié à elle jusqu'à, ou depuis, son niveau le plus 'bassement' matériel. Autrement dit, si Dieu est bien par au moins un de ses aspects la transcendance pure, il est aussi par un autre aspect l'immanence absolue. Dieu est présent en toute chose, de la particule ultime la plus fine à la base de sa manifestation jusqu'à la créature la plus complexe dont personne ne puisse contester l'existence au sein de cette création : nous, l'être humain, ou mieux, la personne.

Voici donc ce qui fonde la conception chrétienne de Dieu comme personne : nous pouvons nous poser de nombreuses questions sur ce qu'on appelle le mal, dans le monde. Et certes, en tant que personnes humaines, nous sommes susceptibles de participer grandement à l'accroissement de ce mal. Sans doute sommes-nous même les êtres qui ont les plus grandes possibilités dans ce domaine. Mais ceci remet-il en cause le principe même de personne comme étant intrinsèquement pervers ? Être des personnes humaines, "à l'image et ressemblance de Dieu", implique que nous ayons une liberté à la même mesure. Terrible responsabilité, devant laquelle nous pouvons reculer, être tentés de refuser de l'assumer, mais avons-nous le choix ? Nous sommes ainsi, et le fait que nous soyons ainsi ne peut pas être qualifié, en lui-même, de mal. Le mal, c'est ce que nous en faisons, éventuellement. Mais le principe de personne, lui, nous renvoie à ce qu'on peut considérer comme le troisième aspect de Dieu dans le christianisme. Le Dieu chrétien est : transcendance, immanence, et personne.

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