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Billet de blog 10 mai 2025

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Résumé de la situation

De quelque manière qu'on en comprenne les raisons, l'évangile de Jean souligne que la multiplication des pains a été un tournant dans le ministère de Jésus, il y a quelque chose de cassé entre lui et l'immense majorité de ses supporters, au moins des galiléens.

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Voilà un gars, il se produit de nombreuses guérisons sur son passage, et là, dernièrement, nous, une foule de cinq mille hommes, avons été rassasiés comme ça sans avoir rien à faire, une vraie nourriture mais qui ne venait de nulle part ! Et puis maintenant il nous dit que tout ça n'a aucune importance, ça ne compte pas, ça ne vaut rien, que ce qu'il faut c'est le manger lui, et pire encore, qu'il faut boire son sang ! Alors mettez-vous à notre place : nous qui travaillons dur pour arriver seulement à tout juste survivre, si c'est pour en arriver là, il délire grave le gars ! Il l'a bien dit, il considère comme tout-à-fait secondaire ce repas qu'il nous a servi, et les guérisons forcément aussi. Mais d'où il sort ? il n'est pourtant pas né avec une cuiller en argent dans la bouche, lui non plus, pas plus que nous !

Depuis cela, beaucoup de ses disciples font marche arrière, ils ne le suivent plus : est-ce étonnant ? évidemment non, à leur place nous aurions fait comme eux, c'est un discours absolument impossible à comprendre qui vient de leur être tenu. Et si on nous dit que les douze, par contre, choisissent de quand même continuer avec lui, on ne peut que s'interroger sur leur véritable état d'esprit et leurs motivations. Il n'est pas impossible qu'ils aient eu une sorte d'intuition très vague à ce sujet, ou un attachement sentimental pour lui avec lequel ils vivaient de manière très proche depuis maintenant des jours et des jours, ça a créé des liens, et ils auront voulu ne pas attacher trop d'importance à ce discours limite schizophrène, conservant par derrière eux leur conviction qu'il était quand même le messie qu'ils attendaient, spirituel mais aussi temporel, politique, et même militaire quand le moment en sera venu.

À part cela, on trouve dans ce passage, comme dans d'autres aussi de cet évangile, des expressions comme ici qui pourraient orienter vers ce qu'on appelle la doctrine de la prédestination, en clair le fait qu'il y aurait ceux qui sont destinés à être sauvés et ceux qui le sont à ne pas l'être, en sorte que tout serait de toutes façons joué à l'avance, quoi qu'on fasse. Le cas Judas est particulièrement exemplaire de cette tendance, puisque Jésus est censé avoir toujours su que ce serait lui qui serait responsable de sa perte, mais on voit encore qu'il aurait aussi toujours su quels sont ceux qui laisseraient tomber et ceux qui "persévéreraient" après ce discours décisif. Mais on ne voit là en fait qu'une conséquence d'une volonté de sur-diviniser Jésus, qui est une des tendances de cet évangile.

On pourrait alors inscrire comme concourant au même motif le "personne ne peut venir à moi si cela ne lui a été donné par le Père". Effectivement, on peut comprendre ceci comme signifiant exactement cela, que le Père aurait décidé que certains seraient sensibles à Jésus et engageraient leur vie à sa suite, et que d'autres non, et que ni les uns ni les autres ne pourraient rien y faire, rien y changer, à un tel état de fait. Mais ceci suppose une représentation de Dieu qui n'est justement pas compatible avec celle de ce nom que Jésus lui donnait, un père. Ce n'est pas un père, celui qui décide à la place de ses enfants de ce que sera leur destin, c'est un tyran. En sorte que cette phrase peut aussi être comprise à l'inverse, comme une invitation, car ce Dieu père souhaite, lui, que tous puissent venir à Jésus, puissent être sensibles à l'exemple qu'il a donné.

On peut alors comprendre cette phrase comme signifiant justement précisément ceci : suivre Jésus, c'est entrer comme lui dans cette même représentation qu'il se faisait de Dieu, et dans la même relation, avec un père (et mère aussi), et un père-mère qui n'est qu'amour.

Illustration 1

alors beaucoup de ses disciples qui avaient entendu
    ont dit
« cette parole est dure ! qui peut l'entendre ? »
    et sachant en lui-même
que ses disciples se récriaient à ce sujet
    Jésus leur a dit
« cela vous scandalise ?
alors si vous voyiez le fils de l'homme
    monter où il était auparavant ?
c'est l'esprit qui donne la vie
    la chair n'est d'aucun secours
les mots que moi je vous ai dits
    sont esprit et sont vie
mais il y en a parmi vous certains qui ne croient pas »
    — en effet Jésus avait su dès le commencement
qui étaient ceux qui ne croyaient pas
et qui était celui qui le livrerait —
    et il disait :
« c'est pourquoi je vous avais dit que
    personne ne peut venir à moi
    si cela ne lui a été donné par le Père »

    depuis cela beaucoup de ses disciples
repartirent en arrière
et ne marchaient plus avec lui
    alors Jésus a dit aux douze
« vous ne souhaitez pas vous aussi vous en aller ? »
    Simon-Pierre lui a répondu
« seigneur ! à qui irions-nous ?
    tu as des paroles de vie éternelle
et nous avons toujours cru et su nous
que toi tu es le saint de Dieu »
    Jésus leur a répondu
« ce n'est pas moi qui vous ai choisis vous les douze
et parmi vous il y a un démon »
    — il parlait de Judas fils de Simon l'Iscariote
en effet lui un des douze allait le livrer

(Jean 6, 60-71)

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