Être sel, être lumière : il ne s'agit pas d'aller prêcher la bonne parole, quelle qu'elle soit ; il ne s'agit pas de devenir le champion des vrp de la bonne foi, de la bonne croyance, du bon credo, de la bonne théologie, du bon Dieu : ça, c'est ce qui se passera plus tard, tant certains semblent avoir besoin de se compliquer les choses, à moins que ce ne soit plutôt pour éviter d'avoir à devenir sel, devenir lumière ? En tout cas, pour l'instant, c'est tout ce dont il est question : être sel, être lumière ; c'est d'être qu'il s'agit, une façon d'être dans sa vie, car ce ne sont pas les grands discours qui convainquent qui que ce soit, c'est l'exemple concret donné, et ceci vaut déjà ou tout particulièrement pour l'éducation des enfants ; on pourra leur inculquer toutes les leçons de morale qu'on voudra, si on ne les vit pas soi-même on obtiendra l'effet inverse de celui souhaité.
De quelle façon de vivre s'agit-il donc ? simplement de ce qui vient d'être exposé juste avant et que nous avons vu hier, ce qu'on appelle les béatitudes. Vivre pauvrement, ou on pourra préférer dire : vivre "simplement", vivre dans la simplicité du simplement nécessaire. Savoir aussi s'émouvoir encore du malheur des autres, bien que les injustices, la loi du plus fort, les forfaitures, les ruses, le mépris, soient bien trop souvent la règle selon laquelle bien trop se conduisent ; ne pas s'être blindés contre ces malheurs du monde, encore et toujours s'en laisser toucher, émouvoir, révolter peut-être ; que notre compassion ne soit jamais mise sous le boisseau, ne mourons pas à cette capacité sans laquelle nous ne sommes plus vraiment des humains mais seulement à peine plus que des machines.
Simplicité aussi dans la confiance en la vie, foi en ce que malgré tout et toujours il y a un sens qui nous dépasse, que rien de ce qui nous arrive, rien de ce que nous vivons, ne se produit en vain, tout, même la vie la plus morne qu'il puisse nous sembler, n'est pas sans conséquence et porte des fruits, bien que nous ne soyons peut-être pas capables d'en prendre conscience. Il s'agit de ce qu'on appelle parfois la foi du charbonnier, dont on pourrait se moquer, mais non ; il ne s'agit pas d'être naïf, il ne s'agit pas de se laisser tondre, escroquer, berner, leurrer, tout en le sachant, et sans rien dire, sans se défendre, si cela nous est possible. Mais si cela ne l'est pas, si cela ne servirait à rien, au contraire... c'est alors qu'il faut quand même persévérer, rester confiant que, même si on ne sait pas lequel, notre vie a pourtant un sens.
C'est ainsi qu'on en arrive parfois à être ces pacifiants, celles et ceux qui apportent de la paix dans le monde, en payant de leur personne, et éventuellement jusqu'à donner leur vie. Mais ceci n'est pas un objectif en soi, pas un but à se donner, seulement jusqu'où on peut être amené, et cela se fait alors naturellement, on l'accepte simplement, et seulement si on en est capable. Il ne s'agit pas d'héroïsme, même si ça en est quand même : il ne s'agit pas de vouloir jouer au héros, cela ne peut que se recevoir, nous être donné.
Agrandissement : Illustration 1
vous êtes vous le sel de la terre
mais si le sel devient insipide
avec quoi sera-t-il salé ?
il ne sert plus a rien
sinon ayant été jeté dehors
à être piétiné par les hommes
vous êtes vous la lumière du monde
une ville placée sur une hauteur
ne peut être cachée
non plus n'allume-t-on une lampe
et la met-on sous le boisseau
mais sur le lampadaire
et elle brille pour tous ceux de la maison
que brille ainsi votre lumière
devant les hommes
en sorte qu'ils voient vos belles œuvres
et qu'ils glorifient votre père dans les cieux
(Matthieu 5, 13-16)