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Billet de blog 10 août 2014

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Motifs d'exemption

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Billet original : Motifs d'exemption

Comme ils se retrouvent dans la Galilée, Jésus leur dit : « Le fils de l'homme va être livré à des mains d'hommes. Ils le tueront et, le troisième jour, il se réveillera. » Ils s'attristent fort. 

Ils reviennent à Capharnaüm. Les receveur du didrachme s'approchent de Pierre et disent : « Votre maître ne paie pas la taxe du didrachme ? »  Il dit : « Si ! » Comme il vient à la maison, Jésus le devance en disant : « Quel est ton avis, Simon ? Les rois de la terre, de qui prennent-ils taxes ou impôt ? De leurs fils, ou des autres ? » Il dit : « Des autres ! » Jésus lui dit : « Ainsi donc les fils en sont libres. Cependant, pour ne pas les choquer, va à la mer, jette l'hameçon. Le premier poisson qui monte, saisis-le ! Ouvre-lui la bouche, tu trouveras un statère. Prends-le, donne-leur, pour moi et toi. »

Matthieu 17, 22-27

Deux péricopes très différentes dans le texte du jour. D'abord la deuxième annonce de la Passion. On se souvient que la première était située juste après la profession de foi de Pierre. Il s'agissait de bien marquer que, si tant est que Jésus soit le Messie, comme y tenaient les foules et les disciples, c'est en tout état de cause un Messie bien spécial, très différent de celui qu'elles et ils s'imaginaient. Cette deuxième annonce a un peu le même rôle par rapport à la transfiguration. Pierre, Jacques et Jean sont censés avoir contemplé Jésus dans une théophanie qui n'a pu que les marquer. Ils auraient d'ailleurs bien pris de rester sur la montagne ! Il faut, là encore, les ramener les pieds sur terre. Tout ceci est en fait surtout la catéchèse destinée aux chrétiens ou aux néophytes, ceux qui voudraient rejoindre la communauté. On leur explique donc qu'on peut considérer Jésus comme le Messie, mais attention, rappel : un Messie qui est mort sur la croix. Puis on leur annonce par anticipation que cette mort ne sera pas la fin de Jésus mais son entrée définitive dans la gloire, c'est le sens de la transfiguration. Et, de nouveau, rappel : entrée dans la gloire, oui, mais qui nécessite pourtant qu'il passe par cette mort. La troisième annonce de la Passion aura aussi un rôle de dernier rappel, mais cette fois à l'avance, puisqu'elle se situe juste avant l'entrée 'triomphale' à Jérusalem. Les trois synoptiques ont ce schéma, qui fait certainement partie d'une très vieille structure de l'annonce orale de la foi, bien avant, donc, le stade écrit, et les évangiles.

Très différente est la seconde péricope d'aujourd'hui. C'est un épisode propre à Matthieu, ce qui ne nous surprend guère puisqu'il y est question, une fois de plus, de Pierre, mis en valeur de manière isolée par rapport au groupe des douze. Pour dire les choses tout net dès le début, pratiquement aucun chercheur ne croit à la réalité historique de cette anecdote. Elle fait, déjà pour commencer, partie de ces sept 'miracles' qu'on regroupe généralement sous la dénomination, fort mal appropriée, de "miracles sur la nature", ce qui signifie simplement qu'ils ne sont ni des exorcismes, ni des guérisons. Ici, en outre, c'est un miracle dont Jésus lui-même aurait été bénéficiaire. Quand on se rappelle la tentation dans le désert, et comme il a refusé, dans des conditions autrement extrêmes, de recourir à la moindre transgression des lois naturelles pour adoucir son épreuve, on comprend immédiatement le ridicule de cette histoire de poisson pour simplement s'acquitter d'une taxe dont il contesterait le bien-fondé le concernant lui, personnellement... Le but de cette histoire n'est donc absolument pas là, mais dans l'association étroite de Pierre à la mission de Jésus. Il s'agit même, plus précisément encore, de fournir une justification au futur rôle de Pierre comme continuateur de Jésus lorsque ce dernier ne sera plus là.

La taxe en question, dite "du didrachme", est un impôt annuel, en principe obligatoire, au profit de l'institution du Temple. L'ancêtre de notre denier du culte, chez les catholiques. Or, l'argument qui est mis dans la bouche de Jésus pour considérer qu'il n'en serait pas redevable, fait appel à l'idée que, normalement, les fils de roi ne paient pas les impôts levés par leur père. Dans cette comparaison, Dieu est donc assimilé au 'roi' dont le Temple est le palais, et Jésus, fils de ce roi, serait alors exempt de l'impôt levé au nom dudit roi. Mais surtout, en recourant au subterfuge du poisson pour payer quand même, sans vraiment payer, et ce à la fois pour Pierre et pour lui, Jésus serait en train d'élever Pierre au même rang que lui, Jésus : puisque Pierre peut échapper à l'impôt de la même façon que Jésus, c'est donc que Pierre est aussi fils du roi !

Alors, attention quand même ! fils du roi qu'est Dieu ne signifie pas automatiquement 'le' Fils unique de Dieu au sens que prendra l'expression plus tard dans le christianisme. Ce serait d'ailleurs contradictoire. La notion de filiation divine ici évoquée est plus à rapprocher du titre de fils de Dieu donné à David et certains prophètes, la même qui était attribuée encore au Messie selon les conceptions juives, et qui est le sens qu'a généralement l'expression chez Matthieu. On parle ici de fils de Dieu au sens de personnes particulièrement bénies de lui, ayant un rôle important et unique dans l'histoire du salut. Ce n'est qu'en ce sens que Matthieu attribue généreusement à Pierre aussi un tel rôle. Nous ne sommes pas encore sur le pape représentant du Christ sur terre ! mais cet épisode en prépare bien le terrain...

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