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Billet de blog 11 juillet 2025

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Questions de fond

Si je laisse "qui suis-je ? d'où vins-je ? où vais-je ?" aux autres, c'est-à-dire à personne en fait, que me reste-t-il comme philosophie sinon la seule loi du marché et le matérialisme mou auquel la science nous convie ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

S'il nous restait encore quelque doute, il est désormais évident que ce discours ne peut pas avoir été adressé par Jésus aux Douze lorsqu'ils étaient en train de parcourir villes et villages de Galilée ! Il n'était alors aucunement question de persécutions, d'être "livrés aux sanhédrins", fouettés "dans leurs synagogues", arrêtés et comparaître "devant gouverneurs et rois"... Tout ceci se produira, mais ce sera pour bien après la mort de leur rabbi. Certains, qui tiennent à une certaine littéralité des évangiles, soutiendront que si, Jésus en tant que prophète devait savoir ce qu'il se produirait après sa mort ; mais même si tel pouvait être le cas, cela n'avait alors aucun sens d'en parler dans un contexte où il n'en était pas question : ça ne tient pas debout !

Ce discours adressé aux Douze est censé se situer dans une période où Jésus ne rencontre pas encore vraiment d'adversité, une période où les foules le soutiennent, où l'enthousiasme grandit, mais on n'en est pas encore non plus au point que cela inquiète les autorités, cela même sera pour plus tard. Pour l'instant, l'avenir est radieux, il n'est même pas sûr que Jésus ait commencé de prendre conscience du problème que finira par poser son identification par les foules au messie, et de ce grand fossé entre leurs attentes politico-militaires et la seule chose qu'il ait lui à leur proposer, une révolution avant tout spirituelle ! Pour l'instant, le quiproquo est encore complet de part et d'autre. Ceci cependant si on se réfère au contexte dans lequel se situe le début de ce même discours chez Marc et Luc...

Car il est certain que Matthieu nous ayant déjà montré sa capacité à rassembler du matériau par grands thèmes (trois chapitres d'enseignements non-stop, deux chapitres de miracles d'affilée...), il n'est alors pas surprenant qu'il en ait fait de même ici, à l'intérieur même de ce seul discours pourtant de dimensions beaucoup plus modestes que le "sermon sur la montagne", et effectivement on retrouve cette même perspective de persécutions dans ce qu'on appelle le discours eschatologique, que Marc, Luc, et même Matthieu lui-même, situent vers la fin du ministère, quand l'issue est déjà proche. À ce moment-là, il est déjà un peu plus plausible qu'ait été anticipé un tel contexte d'antagonisme pour les héritiers de celui qui allait se faire exécuter le premier.

Des enseignements qui s'enchaînent sur trois chapitres, on se doute assez facilement que c'est un procédé littéraire, on imagine bien que des foules d'origines sociales modestes ne pouvaient pas se payer une telle macédoine parfaitement indigeste telle quelle (bien que de nombreux chrétiens soient certainement encore persuadés que si, cela s'est bien passé ainsi...). De même pour l'enfilade de miracles, et puis à la rigueur peu importe, dans ces deux cas-là cela ne tire pas vraiment à conséquences. Dans le cas de ce discours actuel, d'envoi en mission, cela devient plus problématique, et on en arrive à se demander jusqu'où de tels procédés ont pu aller, et comment on pourra, si jamais cela sera même possible, démêler ces écheveaux pour atteindre à un soubassement historique plausible.

Entre les fondamentalistes qui prennent tout au pied de la lettre et ceux qui pensent qu'on peut se contenter de la "morale chrétienne" et de sa théologie, et peu importe si même Jésus n'a jamais existé, il est certain que beaucoup choisiront comme troisième voie l'athéisme ou l'agnosticisme, ou plutôt cette sorte de matérialisme mou auquel la science, promue nouvel arbitre de nos esprits, nous convie : je ne sais pas, c'est trop compliqué, je me désintéresse donc de la question, je me contente comme horizon de ma petite famille, mon métier, mes loisirs, et je laisse tomber "qui suis-je ? d'où vins-je ? où vais-je ?" aux autres, c'est-à-dire à personne en fait, et c'est ainsi que notre société du vingt et unième siècle n'a plus comme philosophie ultime que la seule loi du marché.

Illustration 1

voici que moi je vous envoie
comme du petit bétail au milieu de loups
    devenez donc rusés comme les serpents
    et simples comme les colombes
oui méfiez-vous des hommes
    car ils vous livreront aux sanhédrins
    et ils vous fouetteront dans leurs synagogues
    et même vous serez amenés devant gouverneurs et rois
à cause de moi
en témoignage pour eux et pour les nations

quand alors ils vous livreront
    ne vous inquiétez pas
    de comment ou quoi dire
car quoi dire vous sera donné à cette heure-là
car ce n'est pas vous qui parlerez
    mais l'Esprit de votre père qui parlera en vous

et le frère livrera le frère à la mort
et le père l'enfant
    et les enfants se lèveront contre les parents
    et les feront mourir
et vous serez haïs de tous à cause de mon nom
    mais qui aura persévéré jusqu'à la fin
    celui-là sera sauvé
aussi quand ils vous persécuteront dans cette ville-ci
    fuyez dans une autre !
car amen ! je vous dis
    vous n'en aurez pas fini avec les villes d'Israël
    que le fils de l'homme ne sera venu

(Matthieu 10, 16-23)

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