Encore une pub de Matthieu pour Pierre, encore un épisode destiné à la promotion de Pierre et que Matthieu est le seul à rapporter. Après ses supposés premiers pas sur l'eau, après ses censément félicitations reçues de Jésus pour avoir deviné qu'il était le messie, voici maintenant que Jésus aurait produit un miracle pour pouvoir s'acquitter d'une taxe, mais attention, uniquement la taxe due par Jésus et Pierre, les onze autres apôtres, les autres habitants de la maison de Capharnaüm, ils n'ont tous qu'à se débrouiller par leurs propres moyens, na ! bien fait pour leurs pieds.
On dira peut-être : quelle importance que Jésus ait fait une petite faveur à Pierre et pas aux autres ? Une petite faveur d'environ 100 euros, ce n'est quand même pas rien, c'est une belle faveur, c'est un peu comme s'il était le chouchou du maître, mais ce n'est pas là le fond de la question ; ce qui importe, c'est le raisonnement qui à mené à opérer un miracle pour acquérir cette somme. On se rappelle que questionné sur l'opportunité de payer ou non l'impôt à César, Jésus s'était prononcé en faveur du paiement : ne pas mélanger les questions terrestres aux questions spirituelles, rendre ses devoirs à Dieu ne dispense pas d'en faire autant vis-à-vis des autorités civiles, il convient de rendre à César ce qui est dû à César et à Dieu ce qui est dû à Dieu.
Oui, mais ici il ne s'agit pas d'un impôt dû aux romains via Hérode, il s'agit d'un impôt religieux, de la taxe annuelle due par tout Juif pour les frais de fonctionnement du Temple, et pourtant Jésus s'estime non-redevable de cette taxe, en prenant pour argument qu'étant fils de Dieu il n'a pas à payer un impôt en quelque sorte prélevé par ou pour Dieu. Notons que dans cette filiation dont il se réclame, Jésus ne fait évidemment pas allusion à la filiation de la deuxième personne de la Trinité qui ne sera élaborée que bien après sa mort. Cette filiation dont il est question ici, c'est celle dont lui a parlé la voix venant du ciel lors de son baptême avec les mots mêmes du psaume où il est question de David, une filiation d'adoption donc, semblable aussi à celle des prophètes.
On peut difficilement ne pas accorder à Jésus qu'il était effectivement fils de Dieu en ce sens, et qu'il s'estime pour cette raison exempté de la taxe pour les frais de fonctionnement du Temple peut se comprendre. Mais c'est là que la faveur qu'il fait à Pierre, selon cet épisode de Matthieu, prend toute sa valeur, puisqu'en l'associant à son exemption personnelle, on sous-entend que Pierre aussi, dès cette époque-là, du vivant de Jésus, était devenu un fils de Dieu, lui qui s'est fait traiter de Satan il y a quelques jours... Hum !
Non, ceci n'est pas très crédible. Déjà que les miracles ne se produisent, d'une manière générale, qu'en réponse à des situations de détresse ; ce n'est évidemment pas le cas ici. Alors qu'en plus un miracle de ce genre serve à sous-entendre quelque chose au sujet de Pierre qui n'a guère de vraisemblance, non, ça ne passe pas. L'état actuel de Pierre comme de tous les Douze, c'est d'être atterrés, de ne rien comprendre, à chaque fois que Jésus leur affirme qu'il mourra prochainement, c'est là quelque chose qu'ils ne peuvent pas envisager, qui ne peut pas avoir de sens, pour eux qui le prennent pour le messie à leur sauce, ce messie temporel, ce messie dont le royaume à venir est celui d'Israël sur "sa" terre. Bref...
Agrandissement : Illustration 1
et comme ils retournaient en Galilée
Jésus leur a dit
« le fils de l'homme
va être livré aux mains des hommes
et ils le feront mourir
et le troisième jour il sera réveillé »
et ils furent atterrés
puis étant venus à Capharnaüm
les percepteurs du didrachme s'approchèrent de Pierre
et dirent
« votre maître ne paie pas le didrachme... »
il dit
« si ! »
et il vint à la maison
et Jésus le devança en disant
« que penses-tu Simon ?
les rois de la terre
de qui perçoivent-ils taxes ou impôt ?
de leurs fils ou des autres ? »
et il a dit
« des autres ! »
et Jésus lui disait
« ainsi les fils sont exemptés
cependant afin ne pas les choquer
va à la mer !
et lance un hameçon !
et remonte le premier poisson qui mord !
et ouvre sa bouche !
et tu trouveras un statère
prends-le et donne-le leur !
pour moi et pour toi »
(Matthieu 17, 22-27)