Le petit enfant qui vient de naître n'a pas vraiment le choix : il doit faire confiance à ceux qui l'ont mis au monde, pour le prendre en charge, s'occuper de lui, assurer le minimum vital, physiologique, affectif aussi ; de toutes façons, il ne peut rien faire par lui-même, il faut donc souhaiter que ses parents seront à la hauteur, et sinon que la providence palliera à leurs défaillances éventuelles, et puis sinon encore malgré tout ça, il faut lui souhaiter d'être doté d'une bonne dose de cette fameuse résilience, mise un peu à toutes les sauces dans tous les domaines, mais lui, ce sera motivé, il en aura vraiment besoin.
Voilà pour ce qui est du temporel. Pour ce qui est du spirituel, les choses se passent en général à l'inverse : nous commençons plutôt encombrés d'un paquet de fausses certitudes, que nous soyons d'ailleurs croyants en l'existence de Dieu, ou à l'inverse croyants en son inexistence, c'est-à-dire faisant profession de foi d'athéisme. Dans les deux cas, nous sommes donc plutôt blindés d'opinions, sur qui est Dieu ou sur ce qu'il n'est pas, mais ces opinions ne sont en fait fondées sur aucune expérience ; on les a reçues et elles nous ont semblé plausibles et vraisemblables, ou à l'inverse invraisemblables voire scandaleuses, et nous nous sommes ainsi positionnés.
Ou encore, nous avons renoncé à prendre position ; parfois, on voudrait nous y forcer, soit-disant qu'il faudrait le faire, qu'on ne pourrait pas rester ainsi le cul entre deux chaises, mais nous on n'en a aucune envie, ça ne nous intéresse pas, on se dit alors sans opinion, ou mieux encore, que simplement on ne veut pas s'intéresser à cette question, elle ne nous concerne pas, on se contente de se laisser porter par la vie et de naviguer ainsi à vue, et pourquoi pas ? c'est vrai qu'il n'y a rien qui puisse y obliger. Il n'en reste pas moins que, même ce non-positionnement se fait par rapport, encore une fois, à des opinions, mais pas plus que dans les deux autres cas par rapport à une expérience personnelle.
Il est vrai qu'une expérience en cette matière ne peut être qu'une expérience de la présence de Dieu, en faire l'expérience très concrète, aussi concrète que celle de la réalité du monde et de l'univers, une expérience pouvant donc même aller jusqu'à affecter un ou plusieurs de nos sens (entendre, voir, sentir : odeur, goûter, ressentir : toucher). Alors qu'il n'est évidemment pas possible de faire une expérience du même ordre de la non existence de Dieu ; tout ce qu'on peut dire concernant sa supposée non-existence, c'est qu'on n'a jamais fait l'expérience de sa présence, voilà tout, comme Gagarine de retour sur Terre confirmant que le parti a raison : il n'y a pas de Dieu dans le ciel...
Redevenir comme des petits enfants : non pas faire un choix arbitraire, la foi du charbonnier comme on dit, celle qui sera capable de s'entêter contre vents et marées, une expression qui peut autant qualifier le croyant en l'existence qu'en l'inexistence de Dieu, aussi enfermés l'un comme l'autre dans leur option ! mais au contraire accepter de redevenir tout petit en ce domaine, accepter de reconnaître qu'on ne sait pas, que les idées, les opinions, les conceptions, sur cette question, avec lesquelles on a été en contact et qu'on a soit acceptées soit rejetées, n'étaient que cela, et que la réalité, éventuelle bien sûr, de Dieu est une autre question.
C'est uniquement ainsi qu'on pourra en avoir, peut-être, le cœur net. Redevenir d'abord comme une page blanche.

Agrandissement : Illustration 1

en ce temps-là
les disciples s'approchèrent de Jésus en disant
« qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? »
et ayant appelé à lui un petit enfant
il l'a mis debout au milieu d'eux et il a dit
« amen ! je vous dis
si vous ne redevenez pas comme les petits enfants
non vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux
qui donc se fera humble lui-même comme ce petit enfant
c'est lui le plus grand dans le royaume des cieux
et qui accueille un tel petit enfant en mon nom
c'est moi qu'il accueille
voyez à ne pas dédaigner un seul de ces petits
car je vous dis que leurs anges dans les cieux
regardent sans cesse la face de mon père des cieux
qu'en pensez-vous ?
si un homme a cent moutons et qu'une d'elles s'est égarée
ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf
sur les montagnes
et il va chercher l'égarée ?
et s'il la trouve
amen ! je vous dis qu'il se réjouit pour elle
plus que pour les quatre-vingt-dix-neuf
qui ne se sont pas égarées
de même la volonté de votre père dans les cieux
est que pas un de ces petits ne soit perdu »
(Matthieu 18, 1-5.10-14)