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Billet de blog 13 juin 2025

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Désirer, désirer...

Vous avez entendu qu'il a été dit "tu ne commettras pas d'adultère !" ; mais moi je vous dis que, quiconque regarde une femme pour la désirer, a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur.

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On retrouve sur ces questions d'adultère la même démarche que pour les questions d'animosité vues hier : on nous invite à ne pas nous contenter de "l'interdit" — interdiction de tuer, interdiction de commettre un adultère —, mais d'aller jusqu'à la racine de telles extrémités, essayer de couper court le plus tôt possible à ce qui pourrait nous amener jusque là, et donc, concernant l'adultère, de ne même pas regarder une femme, autre que la sienne, avec désir (et on peut bien sûr de ce point de vue-là retenir l'équivalent pour une femme de ne même pas regarder un homme, autre que le sien, avec désir)...

On pensera sans doute que c'est très difficile voire impossible. Faut-il qu'on se mette à vivre les yeux fermés ? ou faut-il qu'on se mette tous, hommes comme femmes, à adopter la burqa ? le texte ne dit cependant pas exactement cela, il ne condamne pas le fait qu'on puisse être ému par la vision et la beauté d'une personne de l'autre sexe (ou du même sexe quand on est homosexuel.le), ceci ne pouvant pas vraiment se commander, effectivement, mais il est question ici de l'attitude intérieure qu'on prendra à partir de là : va-t-on se mettre à désirer cet autre, et va-t-on se complaire dans ce désir, ou non. Et cela, oui, on peut faire des efforts pour s'interdire de fantasmer, ou non.

Un peu plus complexe est la question de la répudiation (le divorce). Elle est abordée de manière beaucoup plus détaillée dans un autre passage (Matthieu 19, 1-12) qui explique plus en détail pourquoi Jésus annule purement et simplement l'autorisation de divorcer, qui fait pourtant partie de la torah. Cette dernière, de fait, permet le divorce si le partenaire est un motif de honte ; le terme est assez vague pour que certains rabbis acceptent le simple cas où on a croisé une personne qu'on trouve plus belle que son partenaire actuel ! Sans aller jusque là, il est certain que cette seule notion de honte donnait quand même une grande latitude à qui avait de toute façon décidé de se séparer de l'autre.

Dans son passage parallèle à celui-ci, Luc (16, 18) est encore plus rigoureux que Matthieu : selon lui, il n'y a absolument aucune dérogation possible, le divorce est strictement interdit. De même pour Marc (10, 1-12) dans son parallèle au passage plus détaillé de Matthieu. Ce dernier est donc le seul à affirmer qu'il y aurait quand même un cas recevable. Est-ce lui qui l'a inventé ? on voit mal que Marc comme Luc auraient voulu être encore plus stricts que ce que Jésus avait dit (on voit mal pourquoi ils auraient passé sous silence cette exception que Jésus aurait consentie), alors que les disciples eux-mêmes avaient été fortement choqués par cette instruction de leur maître, au point de s'exclamer que, si c'est comme ça, alors il vaudrait mieux ne pas se marier du tout !

Pourtant, ce motif que Matthieu est donc bien le seul à vouloir maintenir, semble relativement raisonnable. Le mot utilisé n'est peut-être pas simple à interpréter : porneïa. Peu utilisé dans les évangiles, il semble cependant se rapporter à la notion de prostitution ou ...d'adultère. On dira qu'il y a pourtant une différence non négligeable entre l'adultère et la prostitution, mais ces deux notions sont utilisées dans la torah pour qualifier les hébreux quand ils se détournaient de YHWH pour s'adonner au culte des idoles païennes : ils devenaient adultères à YHWH, ils se prostituaient avec ces faux dieux. Et on comprend donc la raison invoquée par Jésus pour prôner une telle rigueur dans l'indissolubilité du mariage, à cause de ce lien fait entre fidélité dans le mariage et fidélité à Dieu.

Pour en revenir au motif d'exception que défend Matthieu, on peut raisonnablement avancer que ce qu'il veut dire, c'est que si c'est notre partenaire lui-même qui va voir ailleurs, on peut alors estimer que le lien qui nous liait a été rompu de son fait et non du nôtre. Mais il ne dit pas pour autant que ce soit une obligation ! L'exemple d'Osée est là, qui voulait signifier que Dieu, lui, nous reste fidèle au-delà de toutes les infidélités que nous pouvons lui faire, et nous pouvons vouloir rester fidèle à notre partenaire même si lui ou elle ne l'est pas. À regarder quand même de plus près en ce cas, si c'est bien par amour, ou pour d'autres raisons éventuellement moins claires...

Illustration 1

    vous avez entendu qu'il a été dit
"tu ne commettras pas d'adultère"
    mais moi je vous dis que
quiconque regarde une femme pour la désirer
    a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur

alors si ton œil droit est pour toi occasion de chute
    arrache-le et jette-le loin de toi !
car il vaut mieux pour toi
que périsse un seul de tes membres
    et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne
et si ta main droite est pour toi occasion de chute
    coupe-la et jette-la loin de toi !
car il vaut mieux pour toi
que périsse un seul de tes membres
    et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne

    il a aussi été dit
"qui renvoie sa femme
qu'il lui donne un acte de répudiation"
    mais moi je vous dis que
quiconque renvoie sa femme
— sauf en cas de prostitution —
    la fait commettre un adultère
et qui se marie avec une femme renvoyée
    commet un adultère

(Matthieu 5, 27-32)

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