Matthieu (12, 38-42) et Luc ici, donnent deux explications très différentes de ce que pourrait être le "signe de Jonas". Pour Matthieu, c'est une similitude entre le séjour de Jonas dans le ventre du monstre marin avant d'en être délivré et le séjour de Jésus dans le "ventre" de la mort avant d'en ressortir lui aussi. Mais Matthieu veut trop en faire en allant jusqu'à comparer les temps passés par l'un et l'autre chacun dans leur "ventre" respectif en parlant de trois journées dans les deux cas, ce qui est erroné. Jonas est resté effectivement trois journées complètes, soit précisément trois nuits et trois jours (bien que ces trois nuits et trois jours soient surtout symboliques), tandis que Jésus, même si on veut compter la fin du vendredi avant la nuit comme un jour, plus le samedi comme deuxième jour, et le début du dimanche après la nuit comme un troisième jour, on ne peut de toutes façons compter que deux nuits, en aucun cas trois !
La comparaison entre Jésus et Jonas que retient Matthieu n'est donc pas complètement sans fondement, séduisante même sans doute, mais à avoir trop voulu tirer par les cheveux sa justification, il en montre aussi la faiblesse. On note que les formules de profession de foi des chrétiens parlent toujours de la résurrection de Jésus "le troisième jour", ce qui n'est donc pas tout-à-fait faux à strictement parler, du moins si on estime que cette résurrection s'est produite le dimanche après la fin de la nuit, mais on n'en sait en fait rien : le tombeau a été constaté vide le dimanche matin, mais nul ne peut certifier qu'il ne l'ait été dès le début de la nuit de vendredi à samedi...
Pour Luc, ici, le signe de Jonas n'a rien à voir avec ces histoires de séjours dans des "ventres", mais est lié à la spécificité de Jonas par rapport à tous les autres prophètes que YHWH ait jamais suscités du sein d'Israël. Jonas est effectivement le seul dont la mission ait concerné des païens et exclusivement eux. Pourquoi YHWH avait-il eu cette drôle d'idée ? Qu'il veuille s'adresser à des païens, il aurait pu susciter des prophètes chez eux, qui se seraient adressés chacun à son propre peuple. Mais non, il a fallu qu'il aille chercher Jonas, du sein d'Israël, pour aller parler aux habitants de Ninive. Pourquoi donc une aussi drôle d'idée ?
Notons alors en premier que Dieu, que les Hébreux on découvert sous le nom de YHWH, n'a certainement pas attendu ces derniers pour s'adresser à tous les êtres humains de quelque époque et sous quelque latitude qu'ils soient ! et ceci, quel que soit le sens qu'on veuille donner à ce concept qu'on nomme "Dieu". Ce quelque chose qui nous dépasse, cette Présence qu'on peut ressentir à la fois au-delà de soi et à la fois comme étant soi-même au plus intime de soi-même, bien entendu qu'elle est présente en absolument chacune et chacun, que n'importe quel être humain peut la ressentir, et chacune et chacun la comprend, la reçoit, l'écoute, se la représente, avec plus ou moins de bonheur, en fonction de ses cadres de pensée reçus de son éducation, de sa culture, etc. Et c'est cela qui a donné YHWH chez les Hébreux, ou le grand Esprit chez les Sioux, ou Brahma en Inde, etc.
Jonas est donc le témoin dans le judaïsme du début d'une telle évolution dans sa conception de qui est son Dieu. Il ne s'intéresse pas qu'à eux ! Il s'intéresse à tous les êtres humains, qui tous, chacune et chacun, ont de l'importance à ses yeux. C'est déjà un grand progrès, par rapport aux ordres d'exterminer tous les Cananéens femmes et enfants compris...! Tout ceci, bien sûr, parlant surtout de l'évolution de leur pensée, de leur réflexion, à son sujet. Avec Jonas, ils n'en sont pas encore à comprendre que leur YHWH ne les a pas attendu pour s'intéresser à toute l'humanité, ils s'imaginent encore qu'il avait besoin d'un des leurs pour cela, ils n'en sont pas encore à s'intéresser aux "dieux" des autres, à ce qu'ils pourraient apprendre des révélations qu'ont reçues les autres et que eux n'ont pas su entendre.
Mais là-dessus, malheureusement, il n'y a pas de religion, pas de tradition, qui vaille mieux qu'une autre, pas plus le christianisme d'ailleurs, malgré ses prétentions à l'universalité, alors qu'il est encore à ce sujet d'un tel provincialisme aveugle ! Mais peut-il en être autrement, une religion peut-elle être autre chose qu'une réduction, une approximation, et partant une trahison dans la mesure même où elle prétend (ce qu'elle ne peut pas éviter) défendre ses spécificités, son approche personnelle, de ce qui sera toujours au-delà de nos compréhensions. Tout au plus faudrait-il qu'elle soit celle qui masque le moins ce dont elle se veut témoin, qualité dont je ne saurais personnellement juger d'aucune façon avec certitude...

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puis comme les foules se rassemblaient
il commença à dire
« cette génération est une génération mauvaise
elle cherche un signe
et de signe il ne lui en sera pas donné
sinon le signe de Jonas
en effet comme Jonas devint un signe
pour les gens de Ninive
de même sera le fils de l'homme
pour cette génération
la reine du midi sera éveillée au jugement
avec les hommes de cette génération
et elle les condamnera
parce qu'elle vint des confins de la terre
pour entendre la sagesse de Salomon
et voici qu'il y a du plus grand que Salomon ici
les hommes de Ninive se lèveront au jugement
avec cette génération
et ils la condamneront
parce qu'ils se convertirent
à la prédication de Jonas
et voici qu'il y a du plus grand que Jonas ici »
(Luc 11, 29-32)