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Billet de blog 15 juillet 2025

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Un si long chemin

C'est jour après jour, à travers de toutes petites choses quotidiennes, parfois il suffit d'une toute petite différence, que de grands changements peuvent pourtant finir par en résulter, dont on ne se rend compte que rétrospectivement.

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On peut se demander pourquoi ce sont ces trois bourgades-là, et elles seules, qui ont l'honneur d'une telle diatribe ; sauf erreur de ma part, il n'y a que Jérusalem qui aura droit aussi à une apostrophe "Jérusalem ! Jérusalem ! qui tue les prophètes et lapide ceux qui lui ont été envoyés...". Certains veulent voir dans Chorazin, Bethsaïde et Capharnaüm des symboles de la résistance du judaïsme à la nouveauté dont Jésus témoignait, en supposant qu'elles auraient été le siège d'écoles pharisiennes d'importance notable... ce dernier point semble cependant peu crédible. Ces trois agglomérations étaient en fait très proches les unes des autres (une dizaine de kilomètres), et comme le lieu de résidence principale de Jésus en Galilée était Capharnaüm, ce sont sans doute dans ces trois localités-là qu'il avait le plus souvent été sollicité pour tel ou tel malade...

C'est donc simplement la même constatation qui est ici faite par rapport à Chorazin, Bethsaïde et Capharnaüm, que par rapport à Nazareth : un prophète, c'est-à-dire une personne qui interroge et bouscule vraiment le train-train, le ronron, qu'il soit religieux ou même sociologique ou politique, est toujours rejeté. Si à Nazareth on n'a même pas voulu croire que des guérisons pouvaient se produire par son intermédiaire, là où elles se produisaient, et donc particulièrement à Chorazin, Bethsaïde et surtout Capharnaüm, si on s'en réjouissait, la déception n'en a été que plus grande à partir du moment où le fossé s'est creusé, où il a pris ses distances avec le rôle politico-militaire que l'ensemble de ses coreligionnaires voulait lui coller sur le dos, rejoignant alors ainsi Jérusalem, la ville où le divorce sera acté le plus radicalement qui soit possible, par sa mise à mort.

Les "villes" qui se sont converties, on doit pouvoir avancer sans grand risque qu'il n'y en a eu aucune ! cela ne veut pas dire qu'il n'y ait eu personne pour s'attacher à lui, y compris jusqu'à cette issue fatale, mais ils ont été vraisemblablement très peu nombreux ceux-là, tout juste une grosse centaine si on en croit le récit de Luc à propos du choix du remplaçant de Judas. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui ont été bénéficiaires ou même simplement témoins de guérisons, tous ceux qui ont cru qu'il était le messie tel qu'ils l'attendaient, tel qu'ils l'espéraient, soient restés définitivement bloqués dans cette seule optique. Il y a eu rejet massif, une fois qu'il fut compris qu'il ne chasserait pas les romains, et même la grosse centaine qui l'avaient suivi jusqu'à sa crucifixion n'étaient sans doute que ceux qui y croyaient encore : après la résurrection ne lui ont-ils pas dit "alors c'est maintenant que tu vas rétablir la souveraineté d'Israël..."

Mais c'est après seulement, encore après que fut mise une fin définitive à ce genre de perspective, que les cœurs ont pu peu à peu changer, qu'ils ont pu entrer progressivement dans le même état d'esprit dont il avait témoigné. Peu à peu, progressivement : je sais bien que les récits, notamment de Luc, nous présentent les choses comme soudaines ; soudainement à la pentecôte ils se sont tous trouvés remplis de l'Esprit, soudainement Paul a été jeté au bas de son cheval, etc., mais les conversions se passent rarement ainsi, c'est un regard rétrospectif qui les redessine comme ça, parce qu'il est vrai qu'on peut les dater précisément, d'un moment unique, décisif, dont on peut dire qu'il y a eu un avant et un après radicaux. Et cette radicalité, on sait sur le moment qu'elle est là, mais seulement en germe, indubitable, mais qui aura à se développer, croître, vers une maturité toujours plus grande.

Illustration 1

alors il s'est mis à invectiver violemment les villes
où se sont produits un très grand nombre de ses miracles
    parce qu'elles ne se sont pas converties


« honte à toi Chorazin !
    honte à toi Bethsaïde !
que si à Tyr et Sidon s'étaient produits
les miracles qui se sont produits chez vous
    alors depuis longtemps elles se seraient converties
    dans le sac et la cendre
aussi je vous dis que pour Tyr et Sidon
    ce sera plus supportable au jour du jugement
    que pour vous


et toi Capharnaüm !
    ce n'est pas jusqu'au ciel que tu seras exaltée
    mais jusqu'au shéol que tu seras précipitée
que si à Sodome s'étaient produits
les miracles qui se sont produits chez toi
    elle serait demeurée jusqu'à aujourd'hui
aussi je vous dis que pour la terre de Sodome
    ce sera plus supportable au jour du jugement
    que pour toi »

(Matthieu 11, 20-24)

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