Voici certainement une de ces nouveautés, qu'a apportées Jésus par rapport à la Torah, la plus difficile qui soit à entendre, non seulement par le judaïsme, mais en fait par n'importe qui : ne pas répliquer quand on est victime de violence, ne pas rendre les coups, ne pas se venger. Cela, ces rapports de force, ce genre de relations où chacun cherche à dominer l'autre, à lui imposer sa volonté, que ce soit d'ailleurs par la force physique ou par toute autre forme de contrainte, de ruse, de chantage, par quelque moyen que ce soit ; cela, c'est ce qui se passe dans le règne animal, c'est ce que font tous les animaux, et pour eux c'est normal, c'est naturel. Mais pour nous les humains ?
N'y a-t-il vraiment aucune différence entre eux et nous ? ne sommes-nous vraiment pas capables de dépasser ce stade ? là est la seule question qui vaille. Si nous pensons vraiment que nous ne sommes que des animaux, qu'il n'y a aucune différence entre eux et nous, alors ne nous compliquons pas plus la vie, allons-y franchement, usons et abusons chacune et chacun de nos atouts pour user et abuser des autres, pour réaliser nos seuls objectifs personnels sans nous préoccuper des conséquences qui peuvent en découler pour eux. Pour quelle raison effectivement devrions-nous nous restreindre, nous retenir, nous brider, nous brimer, au nom de quelle morale d'esclaves, de quelle sensibilité de fillettes, de quelles arguties de mauviettes ?
Moi ! "mon" conjoint ! "mes" enfants ! "mes" parents ! "mes" alliés ! "mes" comparses ! "mes" pairs ! "ma" classe sociale ! "ma" patrie ! "ma" culture ! "ma" religion ! le reste du monde : voilà, à peu près dans l'ordre, à qui je veux bien à la rigueur prêter plus ou moins attention, mais dans l'ordre ! pas question que je fasse passer les derniers avant les premiers, et surtout pas qui que ce soit avant moi, mon intérêt à moi, mes aises, mon plaisir, mon bien-être, ma satisfaction. Telle est bien la loi de la nature, la loi de la meute, la loi du troupeau ; c'est le plus fort ou le plus rusé qui impose sa loi.
Sinon : ne pas résister. Pas par masochisme, mais par soif de chercher l'humain en l'autre, car précisément son comportement, s'il nous agresse, n'est pas vraiment humain, il est encore animal, et qu'on aimerait tant, pour lui, pour son bien, qu'il se découvre lui-même capable de bien mieux que ça, libéré de ce besoin de dominer les autres qui ne peut que trahir ce qui est en fait sa faiblesse, son handicap, son incapacité à se suffire à lui-même par lui-même.
Agrandissement : Illustration 1
vous avez entendu qu'il a été dit
"œil pour œil et dent pour dent"
mais moi je vous dis
de ne pas résister au méchant
mais quiconque te gifle sur la joue droite
tourne vers lui l'autre aussi !
et qui veut te faire condamner et prendre ta tunique
laisse-lui aussi le manteau !
et qui te réquisitionne pour un mille
fais-en deux avec lui !
à qui te demande
donne !
et de qui veut t'emprunter
ne te détourne pas !
(Matthieu 5, 38-42)