Il y a peu de récits de "résurrection" d'un mort, dans tous les évangiles. "Résurrection" entre guillemets : le mot signifie "se relever", et convient bien sûr pour ce jeune homme ainsi que les quelques autres cas qui nous ont été rapportés, y compris pour la résurrection de Jésus ; dans tous ces événements, il s'agit de personnes qui ont été mortes, mais qui sont ensuite redevenues vivantes. On peut évidemment s'interroger : étaient-elles réellement mortes, ou seulement dans un état qui l'avait fait croire, à tort ? toujours est-il qu'elles sont ensuite sorties de cet état. Cependant, pour toutes ce n'est que partie remise, elles auront par la suite à repartir vers cette mort à laquelle elles ont ainsi échappé provisoirement ; toutes, sauf une, selon ce qui constitue l'événement central de la foi chrétienne : Jésus. Jésus, lui, est censé être revenu à la vie définitivement.
Les cas de ces retours à la vie dans les évangiles sont donc rares ; à part celui-ci chez Luc seul, il y a celui de la fille de Jaïre dans les trois synoptiques — mais c'est un cas limite, l'enfant, si tant est qu'elle est bien décédée, vient juste de le faire, contrairement à ici où le décès remonte en principe à la veille —, et enfin il y a, chez Jean seul, Lazare, dont il nous est dit qu'il était mort depuis quatre jours, au point que son cadavre émettait déjà l'odeur de la putréfaction. Dans ces deux cas, le fils de la veuve ici et Lazare, on note que c'est l'émotion de Jésus qui le décide à agir : il est ému aux entrailles pour cette veuve, et pour ce qui est de Lazare, voyant sa sœur Marie pleurer, il nous est dit frémir intérieurement et fondre lui-même en larmes, à partir de quoi il se dirige résolument vers le sépulcre, et y ordonne à Lazare d'en sortir, tout comme ici il ordonne au jeune homme qu'il soit "éveillé".
Être éveillé, se relever, ce sont les deux verbes qui seront aussi utilisés pour parler de la "résurrection" de Jésus, et il est bien évident qu'il y a un ordre entre les deux, on est réveillé avant de pouvoir se relever, mais de plus on note que le verbe grec qui parle de l'éveil est toujours à ce qu'on appelle la voix passive, ce qui signifie que ce n'est pas le futur "ressuscité" qui se réveille lui-même (le verbe serait alors à la voix dite moyenne), ce n'est pas lui qui en prend l'initiative. C'est bien lui par contre qui, une fois éveillé, se relève, pas de problème à partir de là, mais il faut d'abord qu'il ait été réveillé par quelqu'un d'autre. Ici, Jésus ne dit même pas au jeune homme "réveille-toi", auquel cas c'est lui Jésus qui serait l'acteur, mais bien précisément "sois éveillé", ce qui sous-entend que c'est à Dieu, son "Père", qu'il demande de le faire.
Concernant la résurrection de Jésus lui-même, il en va de même, chaque fois qu'il est mentionné qu'il a été réveillé, cela signifie que c'est Dieu qui l'a fait, pas que ce serait lui-même qui se serait réveillé lui-même. Cela est d'ailleurs parfois dit explicitement, notamment dans les Actes des Apôtres (3,15 ; 4,10 ; 5,30...) : "Dieu l'a réveillé d'entre les morts", "Dieu a réveillé Jésus"... Ce n'est pas Jésus qui s'est réveillé lui-même, lui était mort et bien mort, et c'est seulement après qu'il ait réellement connu la mort, comme tous nous la connaîtrons, qu'il a pu bénéficier de cet événement exceptionnel qu'on appelle sa résurrection, exceptionnel parce qu'il a peut-être été le premier à en bénéficier, ou le premier pour lequel cela se soit su, ou le premier au sujet duquel cela ait été avancé ? ceci en tout cas dans le cadre de la tradition juive.
Mais il faudrait à ce sujet bien comprendre autre chose qui différencie fondamentalement la "résurrection" de Jésus de celles de la fille de Jaïre, de ce jeune homme, ainsi que de Lazare. Nous avons déjà dit que ces derniers, s'ils sont revenus à la vie, ce n'était que pour un temps, après quoi ils mourront une seconde fois, et cette fois "pour de bon", contrairement à Jésus. Mais ce n'est pas là la différence la plus importante. Ce qui compte le plus, pour ce qui est de Jésus, c'est surtout que, dans sa résurrection à lui, ce n'est pas du tout à une vie de même nature que la nôtre et que celle qu'il avait eue auparavant qu'il serait revenu, c'est à une vie d'un tout autre ordre, à une vie pleinement spirituelle, et on peut dire : Dieu merci ! quel serait l'intérêt sinon ?
S'il est vrai que les textes parlent de ses manifestations sous une forme matérielle (on a pu le voir, l'entendre, le toucher même...), ce n'était que le temps d'assurer les disciples que la mort n'avait pas eu raison de lui, et là-dessus il n'est d'ailleurs pas le seul à qui cela soit arrivé, pas plus que pour de nombreuses autres manifestations surnaturelles qui lui ont été attribuées (guérisons, transfiguration, ...) ; de tout ceci, d'autres "mystiques", de diverses traditions spirituelles, ont donné, donnent, des témoignages similaires, notamment d'apparitions après leur mort. Mais heureusement pour eux tous, Jésus compris, ils ne sont plus obligés de rester soumis à ces lois de notre monde matériel tel que nous le connaissons, et subissons le plus souvent.

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et il arriva le jour suivant
qu'il alla dans une ville appelée Naïn
et ses disciples faisaient route avec lui
et une foule nombreuse
et quand il fut proche de la porte de la ville
voici qu'on en sortait un mort
fils unique de sa mère
et elle était veuve
et une foule importante de la ville était avec elle
et quand il l'a vue
le seigneur a été ému aux entrailles pour elle
et il lui a dit
« ne pleure pas ! »
et s'étant approché il a touché le brancard
alors les porteurs se sont arrêtés
et il a dit
« jeune homme ! je te dis
sois éveillé ! »
et le mort s'est redressé assis
et il a commencé à parler
et il l'a donné à sa mère
alors une terreur les a tous saisis
et ils glorifiaient Dieu en disant
« un grand prophète a été éveillé parmi nous »
et
« Dieu a visité son peuple »
et cette parole à son sujet sortit dans la Judée entière
et toute la région autour
(Luc 7, 11-17)