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Billet de blog 17 avril 2025

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Il les aima jusqu'à la perfection

Si moi je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres, car c'est un exemple que je vous ai donné pour que, comme moi je vous ai fait, vous fassiez vous aussi.

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Outre le fait que l'évangile de Jean ne raconte pas le partage du pain et du vin, au cours de ce dernier repas, il rapporte par contre quelque chose que les synoptiques ne semblent pas connaître : au tout début, avant même qu'ils ne commencent à manger, Jésus se met à laver les pieds des douze ! Mais pour comprendre ce geste, il faut d'abord le resituer dans le contexte culturel où il se faisait, avant d'évaluer son sens propre dans cette situation-là précise, de ce repas d'adieu d'un rabbi à ses disciples.

Quand Pierre se rebiffe, refusant que Jésus lui lave les pieds, puis passant d'un extrême à l'autre réclame au contraire de se faire laver aussi les mains et la tête... Jésus lui répond que : "qui s'est baigné n'a plus besoin de se laver (sinon les pieds)". Ce bain, que Pierre a pris, comme les onze autres, et comme Jésus aussi certainement, est un bain rituel avant le repas pascal, ce n'est pas juste une question d'hygiène, c'est aussi une sorte de rite de purification ; ce qui n'empêche que c'est quand même un véritable bain physique, ils se sont réellement lavés entièrement, mais comme ils ont ensuite marché au moins pour rejoindre cette maison dans laquelle ils font le repas, ils se sont forcément salis les pieds, et il convient — cette fois-ci pour des question de propreté et seulement de propreté — qu'ils se les lavent.

Cette dernière opération, quand elle se fait dans un contexte social aisé, est en principe effectuée par des esclaves, tout comme aussi se faire délier les courroies de ses sandales. On peut douter à ce sujet que, dans des milieux moins aisés, il n'y ait ni esclave ni serviteur, et vraisemblablement est-ce chacun qui procède à l'opération pour son propre compte, voire peut-être ne s'en préoccupe-t-on même pas ? Peu importe, car ce repas-là, ce dernier repas de Jésus avec les douze, se déroule très certainement dans un tel cadre social très élevé : la salle dans laquelle ils se trouvent est dite être aussi grande qu'une auberge (et à l'époque, une auberge, c'était en tout et pour tout une seule salle, une grande salle, où tous logeaient, mangeaient, dormaient, seuls les animaux ayant leur bâtiment à part), une salle où, après la mort de Jésus, ils seront dits se trouver à plus de cent hommes (sans compter femmes et enfants éventuels...), et tout ceci dans une maison qui comportait certainement, elle, contrairement aux auberges, d'autres pièces.

Cet aspect des choses n'est pas sans poser des questions : ce qu'on retient essentiellement de l'enseignement de Jésus, c'est "bienheureux vous les pauvres, malheureux vous les riches, il est plus facile à un câble de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume...", et voici qu'on découvre qu'il mange un jour avec tous ses disciples dans la famille de Béthanie où Marie l'oint d'un parfum qui vaut une année de salaire d'ouvrier, ou ici que son dernier repas se fait dans ce qu'on doit bien considérer comme étant quasiment un palais ! On dira que ces gens-là sont ouverts puisqu'ils offrent leur hospitalité à Jésus et ses disciples, mais pourquoi ne sont-ils pas allés plus loin, pourquoi n'ont-ils pas fait ce que Jésus avait recommandé au (jeune) homme riche : vends tous tes biens, donne aux pauvres, et suis-moi !?

Cependant, voilà donc quand même le sens de ce lavement des pieds : Jésus assume de faire lui-même ce travail qui, en principe, aurait dû être effectué par un esclave, et c'est ce qu'il explique ensuite : le summum qu'on puisse faire pour les autres, c'est de les servir, y compris le plus humblement qu'il soit possible. En somme, il s'agit de se donner, en toute humilité, et c'est exactement la même chose qu'il fait avec le pain et le vin dans les synoptiques : symboliquement il explique que sa mort, cette mort qu'il va accepter, son corps et son sang (son corps et son âme, son être tout entier) qu'il va sacrifier, c'est pour eux qu'il va le faire, c'est un don qu'il leur fait, parce que c'est le seul moyen qu'il ait à sa disposition pour les faire sortir de leurs attentes d'un messie qui les sauverait à leur place.

Et de fait, passé un premier temps de sidération une fois qu'il sera effectivement mort, passé un temps de rumination et de deuil, deuil de leur amitié, mais surtout deuil de leurs attitudes enfantines, ils s'ouvriront enfin à ce même amour dont lui vivait, cette même confiance en son Père, en la vie, en leur destin, qui leur permettra même d'aller eux aussi jusqu'à la mort pour le bien des autres, si nécessaire...

Illustration 1

et avant la fête de la Pâque
sachant que son heure est venue de partir de ce monde pour le Père
ayant aimé les siens qui sont dans le monde
    Jésus les aima jusqu'à la perfection
et au cours d'un repas
    le diable ayant déjà jeté dans le cœur de Judas fils de Simon Iscariote
    de le livrer
sachant que le Père lui a tout donné dans les mains
    et qu'il est venu de Dieu et qu'il va vers Dieu
Jésus se lève du repas et pose ses vêtements
et ayant pris une serviette il s'en ceignit
    puis il met de l'eau dans la bassine
et il commence à laver les pieds des disciples
    et il les essuie avec la serviette dont il s'était ceint
    
    il arrive alors à Simon-Pierre qui lui dit
« seigneur ! toi tu me laves les pieds ? »
    Jésus a répondu et lui a dit
« ce que je fais moi tu ne le sais pas toi maintenant
mais tu comprendras après »
    Pierre lui dit
« non ! jamais tu ne me laveras les pieds »
    Jésus lui répondit
« si je ne te lave pas tu n'auras pas part avec moi »
    Simon-Pierre lui dit
« seigneur ! pas seulement mes pieds mais aussi mes mains et ma tête »
    Jésus lui dit
« qui s'est baigné n'a plus besoin de se laver (sinon les pieds)
    mais il est entièrement pur et vous êtes purs vous — mais pas tous »
car il savait qui le livrait
c'est pourquoi il a dit "vous n'êtes pas tous purs"
    
puis quand il eut lavé leurs pieds et repris ses vêtements
    et qu'il se fut de nouveau attablé il leur a dit
« comprenez-vous ce que je vous ai fait ?
vous m'appelez le maître et le seigneur vous
    et vous dites bien car je le suis
si donc moi le seigneur et le maître je vous ai lavé les pieds
    vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres
car c'est un exemple que je vous ai donné
    pour que comme moi je vous ai fait vous fassiez vous aussi »

(Jean 13, 1-15)

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