Un "joug" : le mot est de la même racine indo-européenne que le "yoga", en français nous avons aussi le verbe "joindre" ou le nom "jonction" ; l'idée commune à tous ces mots est celle d'union. Le joug, avant tout, c'est ce qui unit deux bœufs ou autres animaux de trait, pour qu'ils avancent de concert, qu'ils marchent ensemble. Le joug constitue alors certainement une entrave à leur liberté, mais par ailleurs comme le dit le proverbe, l'union fait la force, s'ils n'étaient pas unis ils ne seraient pas capables d'accomplir le travail qu'on attend d'eux, par exemple la terre ne serait pas aussi bien préparée pour y faire pousser les céréales et les légumineuses, qui serviront entre autres à les nourrir eux aussi...
La torah est traditionnellement comparée à un joug ; l'ensemble des commandements, des préceptes, des règles qui régissent la vie des Juifs, en les unissant doit faire leur force, parmi tous les peuples. Comment Jésus peut-il alors prétendre que "son" joug soit bienfaisant, "sa" charge légère, alors que nous avons vu qu'il est bien plus exigeant que ne l'est la torah ! Rappelons-nous la série des "vous avez entendu qu'il a été dit... mais moi je vous dis...". Là où la torah dit de ne pas tuer, ne pas commettre d'adultère, de haïr ses ennemis, Jésus dit de ne même pas traiter d'idiot son frère, de ne même pas regarder une femme pour la désirer, d'aimer ses ennemis, et c'est ça qu'il ose qualifier de repos pour les âmes ?
A priori on regimbera, on se cabrera, peut-être : comment des exigences extrêmes pourraient-elles être dites plus légères que des exigences moindres ? Et pourtant, c'est une réalité qu'on peut constater, que de rester dans le ressentiment contre autrui ne nous permets pas d'être en paix, de même pour ce qui est du désir permanent d'avoir que ce soit de nouveaux partenaires ou d'autres biens de consommation. Tous ces motifs d'insatisfaction ne font que nous ronger de l'intérieur, gâchant nos vies jusqu'à notre santé, et tout ceci pour des mirages, car ce n'est pas vrai que nous ayons tous ces besoins, ni d'avoirs, ni de vindicte ; nous n'avons besoin que d'être, et d'être avec et non contre.
Difficile quand même ? sans doute oui, difficile de se défaire d'habitudes qu'on a prises depuis si longtemps, que ce soit individuellement mais aussi collectivement, dont on a hérité inconsciemment par la plupart de nos cultures, et particulièrement par notre culture occidentale, celle qui bien évidemment est devenue hégémonique, et qui nous emmène désormais droit dans le mur de l'extinction de toute notre espèce après avoir provoqué l'extinction des quand même nombreuses cultures qui savaient, elles, vivre selon cette sagesse dont elles n'avaient pourtant pas reçu la révélation formelle, explicite, seulement l'intuition. Qu'est-ce donc qui n'a pas marché dans l'héritage reçu de cet homme il y a deux mille ans ?

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venez à moi ! vous tous
qui êtes fatigués et surchargés
et moi je vous donnerai le repos
prenez mon joug sur vous et apprenez de moi !
parce que je suis doux et humble de cœur
et vous trouverez le repos pour vos âmes
car mon joug est bienfaisant
et ma charge légère
(Matthieu 11, 28-30)