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Billet de blog 18 septembre 2025

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Va en paix !

Une femme : Luc est l'évangéliste le plus attentif aux femmes, peut-être parce que le plus acculturé aux mœurs de l'empire. De fait, cette histoire aurait pu difficilement se passer avec un homme, mais sa signification vaut pour tous.

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Il y a dans cet épisode un "détail" difficile à démêler. Dans la petite parabole du créancier aux deux débiteurs, il est dit que celui des débiteurs qui manifestera le plus de gratitude à l'égard du créancier qui leur aura remis leurs dettes, c'est évidemment celui qui avait la dette la plus importante. C'est parfaitement logique. Puis il est question d'une femme qui montre beaucoup d'amour à l'égard de Jésus, et d'un pharisien qui n'a même pas fait preuve du minimum de politesse qu'il aurait dû lui manifester rien que du fait qu'il l'avait invité chez lui. Le lien avec la parabole devrait amener à conclure que, si la femme a donc donné tant de signes de reconnaissance, c'est parce que de nombreux péchés lui avaient été remis auparavant.

Le texte précis en grec n'est malheureusement pas si clair que ça, laissant entendre plutôt une causalité inverse, que ce serait parce que la femme a procédé à tous ces gestes attentionnés à son égard que Jésus lui aurait alors remis ses péchés. On retrouverait ainsi ce concept d'un Dieu comptable, prenant note de nos moindres actions et, en conséquence, soit nous en récompensant, soit nous en demandant des comptes et nous punissant pour nous en faire payer le prix. Alors comment nous en sortir ? Factuellement, on peut soupçonner que, quelque part dans la chaîne de transmission qui a abouti à l'évangile de Luc tel qu'il est désormais, une ou des personnes incapables de dépasser cette image d'un Dieu à notre image à nous les humains, n'ont pas pu faire autrement que de pervertir l'histoire originelle, tant elles étaient persuadées que c'était l'inverse, que c'était l'histoire telle qu'elles l'avaient reçue qui avait été falsifiée et qu'il fallait donc la rétablir pour qu'elle corresponde à leurs idées...

Concrètement aussi, concernant ce pardon reçu par cette femme et qui l'a entraînée à tous ces gestes de reconnaissance, on pourrait se demander comment cela s'est produit, a-t-elle été interpellée par Jésus comme pour l'épisode de la Samaritaine dans l'évangile de Jean : ils ont discuté, il lui a parlé de ses cinq maris passés et du sixième qui n'est même pas son mari, etc. ? En fait, ce n'est même pas nécessaire qu'il y ait eu d'échange aussi précis entre eux, il suffit qu'elle ait senti que, lui, ne la jugeait pas, donc éventuellement juste un regard, et c'est tout. Il y a des personnes qui sont ainsi, ce genre de bienveillance émane d'eux presque magnétiquement, on se sent tout de suite bien avec elles, et cela nous libère profondément.

Et au-delà même d'une telle rencontre avec une personne concrète, physique, une telle libération peut aussi se vivre par un événement "surnaturel", une illumination, une compréhension, une rencontre avec l'Autre, telles celles vécues dans les expériences de mort imminente, mais plus prosaïquement encore en méditant, en communiant avec la nature, et de nombreuses autres façons, et on comprend ainsi simplement que notre passé ne doit pas nous empêcher de vivre, la culpabilité est un fardeau que rien ne justifie, ce qui ne nous dispense évidemment pas pour autant d'assumer nos responsabilités, au contraire, mais avec bonheur, en ce cas.

Illustration 1

puis un des pharisiens l'avait invité à manger avec lui
    et il entra dans la maison du pharisien et s'attabla
et voici qu'une femme pécheresse qui était de la ville
    a appris qu'il s'est attablé dans la maison du pharisien
elle a amené un flacon d'albâtre plein de parfum
et elle se tient derrière lui à ses pieds en pleurant
    de ses larmes elle commença par mouiller ses pieds
    et des cheveux de sa tête elle les essuyait
    et elle baisait ses pieds et les oignait du parfum
et en voyant cela le pharisien qui l'avait invité s'est dit en lui-même
    « celui-ci s'il était prophète saurait
qui et ce qu'est la femme qui le touche ! une pécheresse ! »
    et répondant Jésus lui a dit

« Simon ! j'ai quelque chose à te dire — parle ! maître ! dit-il
    — un créancier avait deux débiteurs
    l'un devait cinq cents deniers et l'autre cinquante
n'ayant pas de quoi rendre il fit grâce aux deux
lequel donc d'entre eux l'aimera le plus ? »
    répondant Simon a dit
« je suppose que c'est celui auquel il a fait le plus grâce »
    et il lui a dit
« tu as bien jugé »
    puis s'étant tourné vers la femme il disait à Simon
« tu vois cette femme ? je suis entré dans ta maison
    tu ne m'as pas donné d'eau sur les pieds
elle a mouillé de larmes mes pieds et les a essuyés de ses cheveux
    tu ne m'as pas donné de baiser
elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds depuis que je suis entré
    tu n'as pas oint ma tête d'huile
elle a oint mes pieds de parfum
    sur quoi je te dis que ses nombreux péchés avaient été remis
aussi a-t-elle beaucoup aimé ! alors qu'à qui on remet peu il aime peu »
    et à elle il a dit
« tes péchés avaient été remis »

    alors les convives se mirent à se dire entre eux
« qui est-il celui-ci qui remet même les péchés ? »
    mais il a dit à la femme
« ta foi t'a sauvée ! va en paix ! »

(Luc 7, 36-50)

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