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Billet de blog 19 juin 2025

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Sortir de sa coquille

D'un certain point de vue, la prière du Notre Père semble avoir été conçue pour nous dire, implicitement, que concernant la misère du monde, c'est à nous de nous débrouiller, nous, les humains, ce n'est pas du domaine de compétences de Dieu...

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Notre père sait : n'est-ce pas une évidence ? prier ne sert pas à lui apprendre quoi que ce soit, le prier n'a aucune utilité pour lui, mais pour nous. Aussi, cette prière dite du "Notre Père", commence-t-elle par nous faire nous décentrer de nous-même, nous orienter sur lui, sortir de notre point de vue étriqué, de notre "moi je", de cette sorte de prison que nous transportons partout avec nous tout au long de notre vie pire que sa coquille pour l'escargot : par trois courtes formules successives nous sommes invités à devenir ses hôtes, à nous mettre un tant soit peu à sa place (qui, quoi qu'on en pense, n'est pas facile du tout, bien au contraire) : que soit sanctifié ton nom ! que vienne ton règne ! que soit faite ta volonté !

Et donc pour commencer que son "nom" soit "sanctifié". Son nom, il en a d'innombrables selon les différentes religions, ce n'est donc pas de savoir s'il faut l'appeler de telle ou telle autre façon dont il est question, mais c'est plutôt de sa réalité, et ce qu'on l'appelle même Dieu ou la nature ou la vie ou... c'est donc déjà de savoir si on se conçoit soi-même comme sa propre origine et son seul maître en toute chose, ou si on se reçoit soi-même d'un "autre", des autres, d'un ailleurs, d'une altérité, qui nous est indispensable pour nous construire : seul.e, je ne peux rien, je ne suis rien. Voilà son nom : l'altérité, et que ce "nom", cette réalité, soit pour moi "sanctifiée", qu'elle soit en moi comme un sanctuaire à jamais inviolable, et à ce moment-là son "règne" a commencé sur moi.

Bien sûr j'aurai à y revenir, toujours, et approfondir, jusqu'à ce que ma volonté se fonde entièrement dans la sienne, mais aussi cela se fera certainement, et c'est justement l'objet de la seconde partie de la prière, demander ce dont nous avons besoin pour faire grandir en nous ce germe du royaume qui vient s'y être semé.

Notre pain du "jour à venir" donne-le nous aujourd'hui : l'expression grecque utilisée ici concernant ce pain du lendemain est celle qui désignait la nourriture que recevaient les légionnaires le soir, et qui devait les sustenter jusqu'au soir suivant. Bien sûr on pourrait prendre cette demande d'un point de vue très concret et matériel, mais ce ne serait pas cohérent avec tout le reste de la prière, son sens est donc à prendre d'un point de vue spirituel, comme étant la demande de recevoir tout ce qui va nous nourrir justement pour faire grandir ce royaume en nous, pour nous y accorder de plus en plus. Et plus nous grandirons dans le royaume, plus nous serons aussi ouverts aux autres, capables de les aimer au-delà de tout (pas de leur passer tout et n'importe quoi, mais de les aimer quand même malgré cela, c'est-à-dire de leur rester ouverts s'ils le souhaitent), et cela aussi nous fait encore plus grandir dans l'amour de "Dieu", dans son amour pour nous, car c'est cela le Royaume.

Je ne sais pas trop ce qu'il faut penser ensuite du "ne nous mets pas à l'épreuve". C'est un thème biblique traditionnel, quand on rencontre des épreuves, d'y voir comme un test de la part de Dieu, ce serait pour s'assurer que nous lui restions fidèles. À mon sens, il s'agit là d'une tentative de compréhension du pourquoi le mal dans le monde (d'où le "délivre-nous du Mal" qui suit), mais tentative qui échoue, puisqu'elle mène à dire finalement que Dieu nous causerait volontairement du mal, ce que je ne crois pas plus judicieux que de dire que le mal serait entré dans le monde par notre faute à nous les hommes. Si on excepte donc cette double demande finale, on a alors une prière cohérente qui nous amène à nous positionner très exactement de la bonne manière par rapport à cet "Autre" qui est notre être même au-delà de nous-même.

Illustration 1

et en priant ne rabâchez pas comme les non-juifs
    qui pensent être entendus par l'abondance de leurs mots
ne soyez donc pas comme eux
    car votre père sait de quoi vous avez besoin
    avant que vous ne lui demandiez
vous donc priez ainsi !

notre père dans les cieux
    que soit sanctifié ton nom !
    que vienne ton règne !
    que soit faite ta volonté !
comme au ciel
    aussi sur la terre
notre pain du jour à venir
    donne-le nous aujourd'hui !
et remets-nous nos dettes !
    comme nous aussi remettons à nos débiteurs
et ne nous mets pas à l'épreuve !
mais libère-nous du Mal !
 
en effet si vous remettez aux hommes leurs fautes
    il vous remettra aussi votre père du ciel
mais si vous ne remettez pas aux hommes
    votre père non plus ne remettra pas vos fautes

(Matthieu 6, 7-15)

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