Qu'il est difficile pour certains de dépasser les notions de rétribution au mérite dont ils voudraient absolument obliger Dieu à s'y plier. Je parle ici autant des croyants en son existence que des croyants en son inexistence. Autant les uns que les autres sont incapables de comprendre un Dieu qui accueille avec autant d'amour chacune et chacun du saint jusqu'au pire bourreau, ce qui implique qu'il les laisse tous agir comme ils l'entendent sans intervenir, mais ne se réservant pas non plus pour se venger, de ceux qui se seraient mal conduits, une fois qu'ils auront quitté cette condition qui est la nôtre actuellement. Et de plus, s'il n'est pas question de punition ultérieure, il n'en sera pas non plus de récompense.
Le même salaire pour tous, qu'ils se soient bien comportés tout du long de leur vie ou seulement un tout petit moment (et qui, ne serait-ce que tout bébé, n'a pas suscité au moins un sourire de son entourage ?), la même "récompense" mais qui n'en est en fait pas une : juste de quoi vivre un jour de plus, juste accéder à cette autre condition qui nous attend lorsque nous ne serons plus contraints par les caractéristiques matérielles et énergétiques de l'espace-temps.
Ce que ce sera, vraisemblablement pas les images que nous en ont légué les traditions abrahamiques, lesquelles images mettent trop en avant la personne en tant qu'individu ayant une existence par lui-même, comme s'il y avait quoi que ce soit en moi qui viendrait de moi-même : je ne me suis pas fait moi-même, je ne me suis pas donné l'existence à moi-même, tout ce que je suis je l'ai reçu, rien de ce que je suis n'est à moi, ne m'appartient, et tout ce que je suis est donc destiné à être à son tour donné, voilà ce qu'il en est de mon passé comme de mon avenir au-delà de l'espace et du temps ; je viens du tout et je retournerai au tout, l'ayant nécessairement enrichi, lui, le tout, voilà ce qui m'importe seul, si je suis dans l'amour.
Sinon, c'est que je suis dans l'égotisme, ce qui peut se comprendre, mais plutôt de la part d'un animal, et encore...
Agrandissement : Illustration 1
car le royaume des cieux est semblable à
un homme maître de maison sortit le matin
embaucher des ouvriers pour sa vigne
et il s'entendit avec les ouvriers sur un denier le jour
et il les envoya dans sa vigne
puis il sortit vers la troisième heure et en vit d'autres
qui se tenaient sur la place publique désœuvrés
et il leur a dit
"allez vous aussi dans la vigne !
et je vous donnerai ce qui est juste"
et ils partirent
puis il sortit encore vers la sixième et la neuvième heure
et il fit pareil
puis vers la onzième il sortit et en trouva d'autres là
et il leur dit
"pourquoi vous êtes-vous tenus là le jour entier désœuvrés ?"
ils lui disent
"c'est que personne ne nous a embauchés"
il leur dit
"allez vous aussi dans la vigne !"
et le soir venu le seigneur de la vigne dit à son intendant
"appelle les ouvriers et rends le salaire
en commençant par les derniers jusqu'aux premiers"
et vinrent ceux de la onzième heure qui reçurent chacun un denier
et vinrent les premiers et ils pensèrent qu'ils recevraient plus
mais ils reçurent eux aussi un denier chacun et en recevant
ils récriminaient contre le maître de maison en disant
"ces derniers ont fait une heure et tu les a fait égaux à nous
qui avons porté le poids du jour et de la chaleur"
et répondant à l'un d'eux il a dit
"ami ! je ne te fais pas de tort
n'est-ce pas sur un denier que tu t'étais mis d'accord avec moi ?
prends le tien et va !
si je veux à ce dernier donner autant qu'à toi
ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est mien ?
ou ton œil est-il mauvais de ce que moi je suis bon ?"
ainsi seront les derniers premiers et les premiers derniers
(Matthieu 20, 1-16)