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Billet de blog 21 août 2025

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Un homme a fait des noces...

...et il a envoyé ses serviteurs appeler les appelés aux noces, mais eux n'en tinrent pas compte et s'en allèrent, un à son champ et un à son commerce, et les autres se saisirent de ses serviteurs et les insultèrent et les tuèrent...

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Dans sa version parallèle à cette histoire, Luc diverge sur un nombre assez important de points ; il s'agit dans les deux cas d'un repas offert à de nombreux convives et dont les invités prévus initialement se désistent tous, mais ensuite, chez Luc, l'hôte n'insiste pas, il envoie aussitôt chercher d'autre convives qui n'avaient pas été invités initialement, ce qu'il souligne littéralement en conclusion de son récit : aucun des invités prévus au départ ne goûtera au repas, ce qui signifie, puisque ce repas est une allégorie du festin dans le royaume de Dieu, qu'aucun Juif n'y sera admis. On sait que Paul, dont Luc était disciple, fut le champion de l'ouverture du christianisme aux non-Juifs, aux "païens", mais Paul n'était pas allé jusque là, à exclure ses anciens coreligionnaires du salut, au contraire, bien qu'ils se désolât qu'ils soient si peu à adhérer à la messianité de Jésus, ils n'avait jamais désespéré qu'ils finissent par se convertir globalement.

Luc avait-il alors franchi la ligne jaune ? ce n'est pas sûr pour autant, car ce serait contraire à son état d'esprit général, non qu'il se soit particulièrement soucié au même point que Paul de la conversion des Juifs, mais son optique globale qui visait bien à l'universel n'entendait donc pas en exclure qui que ce soit ; il est ainsi possible que cette pétition de principe qu'aucun des invités prévus initialement ne serait admis au repas n'ait été alléguée volontairement que pour faire réagir, et il n'est pas impossible de plus que ce soit Jésus lui-même qui l'ait sortie le premier. On ne peut en effet pas exclure, c'est même assez probable, que ce dernier ait lui-même raconté la même histoire sous des formes différentes en fonction des  différents publics auxquels il pouvait s'adresser mais aussi selon les différentes périodes de son ministère...

Ici donc, chez Matthieu, l'hôte, qui est un roi, insiste, il donne plusieurs chances aux invités, ce qui fait évidemment penser aux nombreux prophètes, envoyés par YHWH auprès du peuple élu, et assez systématiquement mal accueillis, jusqu'au meurtre pour certains. La réaction du roi qui fait alors incendier leur ville peut être prise pour une allusion à la destruction de Jérusalem en 70, ce qui implique soit une anticipation prophétique de ce qui allait se passer quelques années plus tard, ou aussi que le récit ait été composé après cet événement, mais peut-être encore ni l'un ni l'autre : l'incendie d'une ville est un thème qu'on trouve assez couramment dans la Bible (et d'une manière générale dans les littératures de l'époque) pour que celui-ci ait été invoqué sans signification aussi précise.

Et puis ensuite le roi envoie donc encore une fois chercher des convives, mais malgré sa remarque que les invités n'étaient pas dignes, sa consigne n'en est pas moins cette fois de ramener "tous ceux que vous trouverez", donc sans distinction de qui avait pu être prévu initialement ou pas, et de fait les serviteurs ramenèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, "mauvais et bons". Le récit de Matthieu peut ainsi être compris comme ne parlant que du peuple juif, les invités initiaux symbolisant plutôt les "pharisiens" et tous ceux qui s'imaginaient faire partie de l'élite spirituelle, et qui s'en prennent d'une manière générale plein la gueule dans les évangiles, et qui pourraient bien se retrouver finalement quand même dans le royaume, bien que "mauvais"...

...mais il n'en reste pas moins cette dernière grande différence entre ce récit de Matthieu et celui de Luc : l'histoire du vêtement de noces, qui vient rappeler que, malgré la capacité de Dieu à tout pardonner et sa générosité tous azimuts, il respecte cependant la liberté de chacun ; ces convives n'ont pas été forcés de venir au repas, la moindre des choses de leur part, s'ils voulaient y participer, était de faire un effort, aussi minime soit-il, à leur mesure, pour manifester qu'ils se rendaient compte qu'on leur faisait honneur en les y invitant, ne serait-ce qu'un coup de peigne dans les cheveux ? se passer un peu d'eau sur le visage et les mains ? juste ouvrir un tout petit peu son cœur !

Même quand le roi s'adresse à lui, s'il avait simplement daigné lui répondre quelque chose, accepté d'entrer en relation, lui reconnaître un droit à l'existence.

Illustration 1

et répondant Jésus leur a parlé encore en paraboles
    en disant
« le royaume des cieux est semblable à

    un homme roi a fait des noces pour son fils
et il a envoyé ses serviteurs appeler les appelés aux noces
mais ils ne voulaient pas venir
    de nouveau il a envoyé d'autres serviteurs en disant
"dites aux appelés
    voici que j'ai préparé mon repas
    mes taureaux et les animaux gras ont été sacrifiés
et tout est prêt venez aux noces !"
    mais eux n'en tinrent pas compte et s'en allèrent
un à son champ et un à son commerce
et les autres se saisirent de ses serviteurs
    et les insultèrent et les tuèrent
et le roi fut en colère et envoya ses troupes
et perdit ces meurtriers et incendia leur ville
    alors il dit à ses serviteurs
"la noce est prête mais les appelés n'étaient pas dignes
    allez donc aux bouts des chemins
    et tous ceux que vous trouverez appelez-les aux noces !"
et ces serviteurs sortirent sur les chemins
et rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent mauvais et bons
    et la noce fut pleine de convives

alors le roi entra passer en revue les convives
et il remarqua là un homme non vêtu d'un vêtement de noce
    et il lui dit
"ami ! comment es-tu entré ici sans avoir un vêtement de noce ?"
mais lui se musela
    alors le roi a dit aux serviteurs
"liez-le pieds et mains ! et rejetez-le dans la ténèbre dehors !
    là sera le pleur et le grincement des dents"

car beaucoup sont appelés mais peu sont élus »

(Matthieu 22, 1-14)

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