Après la paix (je vous laisse la paix, je vous donne ma paix), voici que c'est maintenant au tour de la joie : que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ! Mais comment peut-il parler de sa joie en ce moment où il sait qu'il va être arrêté, remis aux romains, et mourir crucifié ? Oui, bien sûr, on peut dire que tant que ça ne s'est pas produit, rien n'est encore certain, mais quand même, il y a vraiment peu de chances qu'il en réchappe, d'autant qu'il sait que c'est le seul moyen qui lui reste pour produire un électrochoc chez ses disciples enfermés dans leur horizon d'un messie politique, incapables de dépasser cette attente, ce paradigme, de tout son peuple.
Alors, il est certain que le mot "joie" pourrait prêter à confusion, dans un tel contexte. Il ne s'agit sûrement pas de cette joie exubérante qui pousse à faire les fous, à faire la fête ou la teuf, à s'éclater. Non, il faut penser à quelque chose de beaucoup plus intérieur ; peut-être pourrait-on parler de contentement ou de satisfaction, se rapprochant ainsi de la paix dont il était déjà question peu de temps auparavant, mais en lui ajoutant une coloration heureuse : il ne s'agit pas d'une paix neutre, pouvant à la limite pencher du côté de l'indifférence sinon même de l'ennui, non ! mais cette paix étant en même temps heureuse, on pourrait donc éventuellement traduire cette joie par le mot "bonheur".
Quoi qu'il en soit, il reste qu'on est donc là sur des sentiments extrêmement profonds, qui touchent ce qu'il y a vraiment de plus intime en soi, à la racine même de son être propre, là où précisément on peut ressentir qu'il s'agit à la fois de soi et d'un autre dont on se reçoit, et c'est bien de là, et de là seul, que peut surgir en nous une telle assise indéracinable, la seule qui puisse nous assurer à un tel point, même et jusque dans de telles situations que celle face à laquelle se trouve Jésus à ce moment-là. Et s'il souhaite à ses disciples de la trouver eux aussi en eux, c'est parce que c'est bien là le plus beau trésor qu'il puisse leur léguer, l'espérance qui vaut à elle seule bien mieux que tous les messies du monde : que chacune et chacun soit le messie (l'oint.e, béni.e) de Dieu, chacune et chacun la fille ou le fils bien-aimé.e, et comme unique, aux yeux de Dieu.
Agrandissement : Illustration 1
de même que le Père m'a aimé
de même moi je vous ai aimés
demeurez dans mon amour
si vous gardez mes commandements
vous demeurerez dans mon amour
comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père
et je demeure dans son amour
je vous ai dit ces choses
afin que ma joie soit en vous
et que votre joie soit parfaite
(Jean 15, 9-11)