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Billet de blog 22 août 2025

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Au plus intime du plus intime

Dans notre société désenchantée, le concept de Dieu est devenu un épouvantail, une vieille lune, dont on ne sait plus trop quelle pourrait être la pertinence, tant l'expérience concrète s'en est perdue, comme une source enterrée dont seule une vague humidité pourrait encore témoigner de son existence passée.

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Aimer Dieu ou aimer son prochain, ce n'est quand même pas la même chose. Même la lettre de Jean qui dit que, celui qui prétend aimer Dieu qu'il ne voit pas et n'aime pas son prochain qu'il voit est un menteur, n'affirme pas par là qu'il suffirait d'aimer son prochain pour aimer Dieu. De même, dans ce passage de Matthieu, quand il est dit que le deuxième commandement (l'amour du prochain) est semblable au grand et premier commandement (l'amour de Dieu), même s'il n'est pas interdit de le prendre dans le sens que ces deux amours n'en feraient qu'un, il est quand même plus logique de comprendre que la similitude dont il est question porte sur leur rang ou importance : le deuxième est dit deuxième et le premier est dit premier et le plus grand, mais en réalité ils mériteraient d'être dits l'un et l'autre premiers ex æquo, et aussi grands l'un que l'autre...

Mais c'est bien sûr déjà une simple évidence que ces deux amours ne puissent pas être confondus. Aussi importants l'un que l'autre, il n'en reste pas moins que mon prochain n'est pas Dieu, n'incarne pas le tout de Dieu à lui seul, et inversement que Dieu ne se réduit pas, même pas, à l'ensemble des êtres humains, ni même à l'ensemble de tous les êtres qui peuplent l'univers (peut-être s'assimile-t-il à l'univers dans son entièreté et spatiale et temporelle, y compris donc au-delà de ses limites actuelles, mais c'est une autre question...). Il y a pourtant tout un discours religieux chrétien qui tend à survaloriser l'amour du prochain sur celui de Dieu, au point que le premier pourrait remplacer le second, à cause précisément de la lettre de Jean citée ci-dessus : c'est que Dieu, on ne sait pas trop (en fait on ne sait "plus" trop, car cela s'est perdu) ce que, ou qui, c'est, au-delà de définitions abstraites, ou de représentations à notre image, on n'en a plus l'expérience concrète...

Il fut un temps, pourtant, dont témoignent ceux qu'on appelle les "pères" de l'Église — mais aussi d'autres, de ci de là au cours des siècles, qu'on qualifie souvent de mystiques —, où Dieu pouvait être ressenti, éprouvé, expérimenté, comme le plus intime du plus intime de soi. Une expérience, un vécu, pas juste une formule ou une définition sans plus ; et une telle expérience ne signifie pas qu'on posséderait Dieu, qu'on pourrait faire de lui ce qu'on voudrait, mais bien l'inverse, non pas qu'on soit possédé par lui au sens strict, mais qu'en aucune façon le fait de le ressentir ainsi ne nous donne la moindre prise sur lui : c'est bien exactement ce que dit l'évangile de Jean au sujet de l'Esprit de la seconde naissance, on le perçoit mais on ne sait ni d'où il vient ni où il va, son origine est hors de nous et il nous entraîne — si on le veut bien — au-delà de soi, au-delà de mon horizon limité à mes seules perspectives, à mes seules capacités, à mes seules conceptions, à mes seules compréhensions, personnelles.

Si je m'exprime ici avec les termes de la tradition chrétienne, cela ne veut pas dire qu'elle soit la seule à pouvoir parler d'un tel cadre et d'un tel chemin : toutes les traditions spirituelles y invitent, même si, selon les cas, l'appel peut s'en trouver plus ou moins enfoui sous des strates de poussière, voire la source s'en être perdue, ne subsistant plus qu'une vague humidité. C'est sans doute ce qu'il se passe quand on en vient à ne plus parler que d'amour du prochain comme substitut de l'amour pour Dieu. Oh ! Dieu, on en parle encore, bien sûr, même trop : c'est qu'on l'a bien défini depuis le temps, on l'a bien enfermé dans des limites sublimes, Trinité (trois "personnes" d'une seule et même "nature" !), Incarnation (deux "natures" en une seule et même "personne" !), et allez-y, jonglez avec ces si beaux concepts (dont les termes de nature et de personne ne signifient d'ailleurs plus ce qu'ils signifiaient quand ils ont été choisis, mais on n'est plus à ça près...), amusez-y jusqu'à plus soif votre intelligence, ça vous occupera un bout de temps, mais ce n'est pas ça, la "connaissance" de Dieu, encore moins son amour, et ça ne nous en rapprochera pas d'un pet, au contraire...

Illustration 1

et les pharisiens ont entendu qu'il avait muselé les sadducéens
    et ils se rassemblèrent auprès de lui
et l'un d'eux un homme de la torah le questionna
    pour le tester
«  maître ! quel est le grand commandement dans la torah ? »
    et il lui disait

« "tu aimeras le Seigneur ton Dieu
    de tout ton cœur
    et de toute ton âme
    et de toute ton intelligence"
c'est le grand et premier commandement
    le deuxième est autant important
"tu aimeras ton prochain comme toi-même"
    de ces deux commandements
dépendent toute la loi et les prophètes »

(Matthieu 22, 34-40)

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