Quel contraste entre, d'une part cette invitation à chercher et l'assurance qu'on trouvera, et d'autre part cette porte étroite et le chemin resserré que si peu trouvent ! Serait-ce alors un mensonge qu'il suffise d'en faire la demande, et cette comparaison de Dieu avec un père qui ne s'amuserait certainement pas à donner comme nourriture à ses enfants affamés des pierres ou des serpents ? et sinon, quoi, comment expliquer ce qui semble bien une contradiction ?
Une première possibilité qui pourrait venir spontanément à l'esprit, c'est que simplement ils sont très peu nombreux à prendre au sérieux la première affirmation : il faut quand même faire une demande, avoir quelque chose à demander, être en recherche, toquer à une porte. Si on trouve que, tout compte fait, tout va bien pour nous, ou que du moins on saura bien se débrouiller tout seul, qu'on y arrivera par soi-même sans trop de difficultés... Or, s'il est certain qu'on ait quelque chose à y faire, qu'il nous faille y mettre du nôtre, cela pourtant ne sera pas suffisant, il s'agit aussi de savoir s'ouvrir à l'autre, de savoir recevoir, car rien n'est jamais possible seul, du moins rien qui ne soit plus grand que nous, rien qui ne nous dépasse, et c'est bien pourtant de cela que nous rêvons, à cela que nous aspirons, à aller au-delà de nos limites...
Mais est-ce bien sûr, justement, que nous souhaitions sortir de notre domaine de confort, sortir de ce que nous connaissons déjà et qui ainsi, tout en étant quand même ressenti comme une sorte de prison, nous rassure cependant. Est-ce que notre idéal, précisément, ne serait pas au contraire de pouvoir atteindre à ces contrées qui enflamment notre imagination mais en prenant pour cela un tour operator, que nous puissions quand même conserver nos bonnes vieilles habitudes, rester en bonne compagnie, entretenir les mêmes bonnes vieilles relations sociales entre pairs, dans le cadre des mêmes conventions qui ne visent à rien de plus que de préserver leur stabilité et le statu quo sur lequel elles sont fondées. Juste voir extérieurement de quoi il s'agit, à quoi ça ressemble, mais pas le vivre, pas faire le pas...
Et puis, si pourtant notre intérêt est réel, si notre aspiration est sincère et profonde, eh bien cela reste encore et quand même difficile. Pas impossible, cela non, mais quand même plus facile si on y est aidé, accompagné, par plus avancé que nous sur le chemin, d'où l'importance de cette règle d'or (faire pour les autres...), qui s'adresse plutôt à ces derniers, ceux qui sont déjà en route, tout comme d'ailleurs la prudence qui est suggérée aux mêmes : à la fois tendre une main aux chercheurs sincères, et à la fois faire attention, savoir discerner justement cette sincérité, sinon c'est du gaspillage et c'est même contre-productif.
On peut être étonné de telles recommandations qui font penser à des préceptes internes à une secte, le manuel du parfait petit guru, comment se comporter vis-à-vis d'éventuels postulants, de futurs adeptes, mais c'est que tels ont bien été les commencements du christianisme, les premiers chrétiens étant détenteurs d'une certaine forme de connaissance, qui pouvait prêter à trop de malentendus pour que tout puisse en être dit ouvertement sans que le résultat en soit pire que de n'avoir rien dit. Que signifie alors qu'il n'y ait désormais a priori plus rien de caché dans les enseignements ? ne serait-ce pas que ce qui en faisait l'âme se soit perdu en même temps que ledit "christianisme" (mais était-ce bien déjà encore le même ?) s'alliait au pouvoir politique en devenant la religion de l'empire romain ?

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ne donnez pas ce qui est saint aux chiens !
ne jetez pas vos perles devant les cochons !
qu'ils ne les piétinent de leurs pieds
et s'étant retournés vous mettent en pièces
demandez ! et il vous sera donné
cherchez ! et vous trouverez
toquez ! et il vous sera ouvert
car quiconque demande reçoit
et qui cherche trouve
et à qui toque il sera ouvert
ou quel homme parmi vous
auquel son fils demandera du pain
lui remettra-t-il plutôt une pierre ?
ou encore il demandera un poisson
lui remettra-t-il un serpent ?
si donc vous mauvais que vous êtes
vous savez donner de bons dons à vos enfants
combien plus votre père dans les cieux
en donnera-t-il de bons à ceux qui lui demandent
aussi tout ce que vous souhaitez
que vous fassent les hommes
ainsi vous aussi faites-le pour eux !
car c'est cela la torah et les prophètes
entrez par la porte étroite !
que large est la porte et vaste le chemin !
qui mènent à la perdition
et nombreux sont ceux qui y vont
qu'étroite est la porte et resserré le chemin !
qui mènent à la vie
et en petit nombre sont ceux qui les trouvent
(Matthieu 7, 6-14)