Cette semence, c'est donc la "parole". La comparaison fonctionne bien : la parole est une information, une graine aussi (bien qu'il y a deux mille ans personne ne connaissait rien à l'ADN...) La graine contient toute l'information nécessaire pour que puisse naître et grandir jusqu'à son plein épanouissement une plante, puis dans un second temps, comme dit précédemment, la plante produira aussi d'autres graines semblables à elle-même, et un nouveau cycle pourra recommencer.
La "parole", dans le cadre biblique, cela ne peut évidemment désigner que la parole ...de Dieu. Les prophètes, investis par l'Esprit, transmettent la parole de Dieu, l'information que Dieu veut faire parvenir aux hommes. En ce sens, c'est ce que Jésus fait aussi. L'évangile de Jean, en disant que Jésus est carrément une incarnation de cette parole de Dieu, veut peut-être dire qu'il est un peu plus qu'un prophète, ou un prophète pas comme les autres (et c'est d'ailleurs ce que fait chaque évangile, vouloir présenter Jésus comme un être exceptionnel, nouveau Moïse, nouveau David...), mais pour ce qui est de la fonction prophétique, cela n'en change pas la nature, la parole que donne Jésus n'est pas sa parole à lui mais celle de Dieu.
Des trois synoptiques, Matthieu seul précise : la parole "du royaume", mais cela ne signifie peut-être rien de particulier. Le royaume, ou le règne, de Dieu, c'est quand on reçoit sa parole et qu'on en vit ; c'est ce qu'ont fait nombre de Juifs tout du long de leur histoire, mais aussi des croyants de toutes religions, et c'est ce que nous pouvons tous faire, de tout temps et en tout lieu.
Maintenant, il est quand même important de prendre en compte ces étapes diverses par lesquelles passe la parole-semence. La graine ne donne pas immédiatement d'autres graines, et si le but de son développement n'était que celui-ci, on ne voit pas très bien quel en serait l'intérêt, que le même se contente de se reproduire tel qu'il s'est reçu... Toute l'histoire de l'évolution en témoigne : s'il ne s'agissait que de se multiplier à l'identique, le monde du vivant ne serait constitué que d'une et une seule espèce de bactérie ! C'est parce que les membres de chaque espèce, qu'elle soit végétale ou animale, s'efforcent de développer les capacités qu'ils ont reçues et d'en manifester toutes les possibilités, que de nouvelles espèces ont pu apparaître, ce qui veut dire d'ailleurs que le mécanisme n'en est pas purement physique comme le pensent les darwiniens (néos ou pas).
Ce qui vaut pour l'évolution des espèces vaut pour nous aussi, les humains, même si je doute qu'une nouvelle espèce animale doive jamais naître de la nôtre. Mais chez nous, dans notre espèce, et donc concernant cette question du royaume, du règne de Dieu, ce qu'on voit c'est qu'il y a autant de façons d'y vivre que de personnes, chaque "saint" a son genre de "sainteté" qui lui est propre, et c'est cela en premier que nous sommes appelés à entendre et vivre. La parole du semeur est avant tout un formidable appel à nous libérer de tous les formatages dans lesquels on voudrait nous enfermer. C'est cela, ces graines-là que nous sommes invités à répandre, mais comment le pourrions-nous, si nous ne nous sommes pas d'abord libérés nous-mêmes ?
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vous donc entendez la parabole du semeur !
pour quiconque entend la parole du royaume
et ne la comprend pas
vient le Mauvais
et il ravit ce qui a été semé dans son cœur
celui-ci est ce qui a été semé au bord du chemin
et qui a été semé sur les rocailles
c'est qui entend la parole
et qui la reçoit aussitôt avec joie
or il n'a pas de racine en lui-même
mais il est versatile
alors une affliction ou une persécution
étant survenue à cause de la parole
aussitôt il chute
et qui a été semé dans les épines
c'est qui entend la parole
et le souci de cette ère
et l'appât de la richesse
asphyxient la parole
et il devient sans fruit
et qui a été semé sur la belle terre
c'est qui entend la parole
et la comprend :
et il porte du fruit et produit
l'un cent
et l'autre soixante
et l'autre trente
(Matthieu 13, 18-23)