Il ne semble pas que Hérode ait joué un grand rôle dans l'histoire de Jésus, du moins pas directement, et en tout cas pas dans sa mort. Indirectement, c'est quand même en arrêtant Jean le Baptiste et en l'emprisonnant, qu'il a, sans le vouloir, fourni à Jésus l'opportunité de se lancer dans son propre ministère, et certainement que, plus la mayonnaise prenait, plus les foules s'enthousiasmaient, plus la probabilité que cela se finisse comme pour Jean grandissait. Si Hérode avait mis un arrêt définitif à sa prédication, ce n'était sans doute pas d'abord à cause de ses turpitudes avec Hérodiade, mais avant tout parce qu'il était responsable devant Rome de la paix sur le territoire qu'il administrait pour leur compte, et l'agitation messianique que provoquait le Baptiste avait donc tout pour insupporter les romains...
Alors quand son émule Jésus s'est mis à reprendre son flambeau, mais avec un impact et une ampleur encore plus grands à cause des guérisons qui se produisaient... Oui, de ce point de vue-là, Hérode a certainement représenté un risque non négligeable pour Jésus, tant qu'il opérait en Galilée. Bien que Luc (13, 31) soit alors le seul à nous en parler, on voit mal qu'il l'ait inventé : « certains pharisiens s'approchèrent lui disant : "va et pars d'ici ! car Hérode veut te tuer" ». Et on peut en conséquence se demander dans quelle mesure quel rôle à pu jouer cette menace que représentait Hérode dans sa décision de monter à Jérusalem pour le dernier acte de son ministère, la confrontation avec les instances supérieures du judaïsme, de sa religion. On notera cependant que ce sont des pharisiens qui l'avaient tuyauté sur les intentions d'Hérode, on aurait donc tort de croire qu'ils aient été ses ennemis principaux...
Cette mention, que nous voyons aujourd'hui, des interrogations d'Hérode au sujet de qui est Jésus nous est, quant à elle, rapportée par les trois évangiles synoptiques. Pour Marc et Matthieu, elle sert surtout de prétexte à introduire le récit grand-guignolesque de la mort du Baptiste, à laquelle Luc pour sa part ne trouve aucun intérêt, mais quoi qu'il en soit, elle permet aussi de nous indiquer une fois de plus quelles étaient les spéculations qui avaient cours sur le mystère du messie attendu par tous, ou en tout cas par la très grande majorité de la population : qui serait ce messie ? Non pas quelle personne concrète, contemporaine, se révélerait être le messie, mais quelle grande figure du passé habiterait cette personne, ou si on préfère : par l'esprit de quelle figure du passé cette personne serait-elle inspirée ? serait-ce justement de l'esprit du Baptiste tout juste décédé ? ou d'Élie, le plus grand des prophètes, après Moïse ? ou encore d'un autre des anciens prophètes ?
De telles spéculations sont toujours d'actualités pour certains, aujourd'hui encore, qui prennent ces questions de manière encore littérale, alors que même à l'époque déjà certains étaient devenus plus réalistes, comprenant qu'un si petit peuple au milieu d'empires beaucoup plus puissants, devait interpréter les promesses de son Dieu — fut-il au-dessus de tous les autres ou justement parce qu'il l'était — d'une manière totalement spirituelle, et non matérielle. Et dire que, de nos jours aussi, ce sont même des gens qui se réclament de Jésus qui seraient peut-être les plus acharnés à défendre une telle matérialité, à croire en un "royaume" de Dieu s'inaugurant sur terre et qui plus est sur cette petite terre qu'ils appellent Israël et avec sa capitale comme trône de leur Dieu !

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or Hérode le tétrarque entendit tout ce qui se passait
et il était perplexe à cause ce qui se disait
pour certains
« Jean a été réveillé d'entre les morts »
et pour d'autres
« Élie a paru »
et pour d'autres
« un des anciens prophètes s'est levé »
et Hérode a dit
« Jean ! moi je l'ai décapité...
alors qui est celui-ci
au sujet duquel j'entends de telles choses ? »
et il cherchait à le voir
(Luc 9, 7-9)