Pas un "i", pas un accent : la torah serait donc respectée littéralement par Jésus, toute la torah ; si l'hébreu avait eu des signes de ponctuation à cette époque, on aurait peut-être eu droit à l'expression "à la virgule près" ! Mais cette affirmation est à la fois vraie, d'un certain point de vue, et fausse d'un autre.
Elle est vraie pour ce qui est des exigences, et là Jésus les accomplit vraiment jusqu'au bout, en fait il est même plus exigeant que ne l'est la torah, comme le décrit la suite de ce texte qui énumère une série de six antithèses entre ce que commande la torah et ce que demande Jésus, et à chaque fois ce qu'il demande est bien plus difficile, en ce sens que, là où la torah définit des faits à ne pas commettre (exemple : ne pas tuer), Jésus va plus loin, pour lui il ne suffit pas de ne pas commettre ces mé-faits, mais il convient de plus de travailler à arracher du fond de son cœur ce qui nous inciterait à en arriver là : non seulement ne pas tuer, mais ne pas même agresser, ni physiquement ni verbalement, mais même ne pas entretenir en soi de ressentiment, et on en arrive ainsi au fameux "aimez vos ennemis".
C'est un exemple, mais il y a aussi, bien connue, la question des relations hommes-femmes, où Jésus ne se contente pas de réprouver le divorce, mais demande qu'on ne regarde pas même avec désir une personne de l'autre sexe ! ou encore la question des serments, qu'il interdit carrément, parce que prendre la peine de jurer pour assurer l'autre de sa sincérité sous-entend que, hors serments, on se permette de mentir effrontément, et Jésus exige donc que ce soit dans toutes nos paroles en toutes circonstances que nous soyons sincères.
Ceci, donc, pour ce qui est de l'accomplissement de la torah, et cela concerne donc nos comportements personnels, nos manières d'être et d'agir personnels. Par contre, il y a de nombreux commandements de la torah que Jésus, à l'inverse, refuse de respecter, l'exemple le plus frappant en étant sans doute celui de la femme surprise en flagrant délit d'adultère, et en fait, au-delà du cas de l'adultère, d'une manière générale, ce sont toutes les condamnations, nombreuses, prévues par la même torah, en cas de non respect de ses commandements, que Jésus semble bien se refuser absolument à mettre en pratique. Au fond, il se refuse à juger qui que ce soit. Concernant cette femme, il renvoie donc chacun à sa propre conscience : seul qui aurait la conscience parfaitement tranquille pourrait être apte à juger l'autre. Et même lui, qui est pourtant censé être sans péché, s'y refuse.
Telle est alors l'image de Dieu dont il témoigne et veut témoigner, un Dieu qui ne condamne jamais personne (et ne le fera non plus jamais, contrairement à tous les concepts de jugement dernier qui peuvent lui être prêtés, y compris dans les évangiles), et ce encore jusque sur la croix, quand il demande "Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font", où ce n'est pas tant qu'il doute de la capacité de pardon de ce père, mais plus qu'il veut attester que, lui-même en tout cas leur pardonne, et si lui en est capable, comment Dieu pourrait-il ne pas l'être aussi ?
Agrandissement : Illustration 1
ne pensez pas que je suis venu détruire
la torah ou les prophètes
je ne suis pas venu détruire
mais accomplir
amen ! en effet je vous dis
jusqu'à ce que soient passés
le ciel et la terre
pas un "i" ni un accent
de la torah ne passera
que tout ne soit arrivé
qui donc négligera
un de ces plus petits commandements
et enseignera cela aux hommes
sera appelé le plus petit
dans le royaume des cieux
mais qui fera et enseignera
celui-là sera appelé grand
dans le royaume des cieux
(Matthieu 5, 17-19)