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Billet de blog 27 mai 2014

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Comparution immédiate

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Billet original : Comparution immédiate

« Or maintenant je vais vers celui qui m'a donné mission et aucun de vous ne me questionne : Où vas-tu ? Mais parce que je vous ai parlé ainsi, la tristesse remplit votre cœur. Mais je vous dis la vérité : il est de votre intérêt que moi je m'en aille. Car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous. Si je vais, je lui donnerai mission auprès de vous. 

« En venant, il confondra le monde à propos de péché, et de justice, et de jugement. À propos de péché, car ils ne croient pas en moi. À propos de justice, car vers le Père je vais et plus ne me voyez. À propos de jugement, car le chef de ce monde est jugé. »

Jean 16, 5-11

Jésus semble reprocher aux disciples de s'attrister de son départ, au point de ne même pas s'intéresser au lieu où il se rend. Pourtant, il y a quelques jours, Thomas avait bien exprimé son intérêt pour la question : "Nous ne savons même pas où tu vas, comment connaîtrions-nous le chemin ?" Certes, il n'avait pas demandé précisément où Jésus allait, mais c'est parce que Jésus lui-même avait orienté la question dans ce sens, en affirmant aux disciples qu'ils "connaissaient le chemin". Et d'ailleurs, la réponse de Jésus à Thomas, tout comme l'introduction de notre texte du jour, ne laisse guère planer d'ambiguïté : Jésus va vers le Père. Les disciples, nous-mêmes, aurions-nous besoin d'en savoir plus ? Il y a comme une petite bizarrerie dans ce "où vas-tu". Ce n'est pas essentiel, mais c'est un des nombreux indices qui parsèment l'évangile de Jean, qui révèlent au final à quel point il est le fruit d'écritures successives, de compositions, d'arrangements, de diverses mains. Il est vraisemblable que le passage que nous avons aujourd'hui ait été antérieur, dans la composition, à celui où Thomas intervenait, et que, lorsque le passage avec Thomas a été ajouté, il n'a pas été fait attention à l'effet produit sur le passage d'aujourd'hui, ou qu'on n'a pas su comment le corriger pour supprimer cet effet.

Petite curiosité, donc, sans signification fondamentale, suivie d'un thème déjà exposé : il est bon que Jésus s'en aille pour que l'Esprit puisse venir. Et puis arrive la nouveauté, l'essentiel du jour, dont il ne nous avait pas encore été parlé jusqu'ici : quel sera l'effet de l'Esprit sur le monde. Jusqu'à présent, et par la suite, l'Esprit a été et sera décrit uniquement dans son action sur les disciples. Nous avons ainsi déjà appris qu'il enseignerait les disciples et leur ferait comprendre tout ce que Jésus a dit de son vivant (Jean 14, 26), qu'il attesterait pour eux que Jésus vient bien du Père (Jean 15, 26). Dans le même ordre d'idées, nous allons avoir, juste à la suite de ce passage, qu'il les guidera jusqu'à la Vérité tout entière (Jean 16, 13). En tout ceci, qui sont plutôt différentes manières d'exprimer la même chose, nous voyons donc quelle est l'action de l'Esprit sur les disciples, ce qui est tout de même un peu limité. Une conception de l'Esprit qui ne concernerait que les disciples — transposé aujourd'hui : qui ne concernerait que l'Église — comprend certes des éléments intéressants à étudier, mais enfin, fait-on Église juste pour être bien entre nous ? c'était de fait la tendance de la communauté johannique...

Et, enfin, nous disons-nous, voici que l'Esprit de Jean va dépasser un peu tout ça et nous ouvrir de plus larges horizons. Disons-le tout de suite : faux espoirs. La tripartition, qui nous parle de péché, de justice, et de jugement, est peut-être intéressante à étudier en soi, mais se contente grosso modo de condamner globalement le monde, considéré comme l'antithèse de l'Église. Péché : 'ils' ne croient pas en moi. Jugement : le chef du monde est jugé. Quant à la justice, en étant mise en lien avec le départ de Jésus, elle semble signifier que les choses sont désormais figées, qu'il y a d'un côté ceux qui ont cru en lui de son vivant, et de l'autre ceux qui n'ont pas cru, et qu'il ne sera plus possible de revenir là dessus ! Cette impression est renforcée par la mention ensuite du jugement du "chef de ce monde" : nous sommes dans le jugement dernier. Nous sommes dans une perspective eschatologique, mais que nous ne pouvons pas reporter à une date ultérieure et indéfinie, à cause de cette mention du départ de Jésus.

Bien sûr, dans une lecture actuelle et "politiquement correcte" de ce passage, nous allons moduler le sens du passage de manière à ce qu'il corresponde à une théologie plus ouverte. Je n'entrerai pas dans le détail, je pense qu'il y a plusieurs façons différentes d'effectuer cette opération, l'essentiel étant d'en venir à ce que les hommes et les femmes des générations qui se suivent depuis deux mille ans aient eu et aient encore la possibilité de choisir d'adhérer ou non au Fils de Dieu. Mais ce n'est clairement pas ce que disait le texte. Joint à la petite remarque que nous avions faite sur le début du passage, nous avons l'indice de ce que nous nous trouvons vraisemblablement dans une couche relativement ancienne, de la première génération, où tant les membres de la communauté que "le monde" avaient pu connaître Jésus de son vivant, et où toutes les attentes étaient tournées vers une fin des temps imminente.

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