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Billet de blog 26 mai 2023

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Quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et tu marchais où tu voulais, mais quand tu sera âgé, tu tendras tes mains et un autre te ceindra et t'amènera où tu ne veux pas.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le chapitre 21 de l'évangile de Jean a été écrit et rajouté aux alentours du début du deuxième siècle, à une époque où une partie de la communauté johannique a décidé de se rallier à ce qui était en train de devenir l'Église unifiée, à savoir le courant pagano-chrétien héritier de la prédication de Paul. Comme ce courant paulinien avait déjà décidé que Pierre serait la figure représentative de l'autorité institutionnelle, ce chapitre 21 décrit donc comment ceux qui, jusqu'à présent, se réclamaient de leur fondateur (l'évangéliste, le "disciple que Jésus aimait"), comprennent le "leadership" de Pierre, auquel ils doivent bien désormais se soumettre.

On considère généralement que ce petit dialogue entre Jésus et Pierre, "Pierre m'aimes-tu ? Oui, je t'aime", répété à trois reprises, serait la manière par laquelle Jésus invite Pierre à se repentir de son triple reniement, et comme Pierre s'y prête sincèrement, Jésus lui confie donc la charge de pasteur de l'Église. Mais ce n'est pas si simple que ça...

Un premier point important à prendre en compte sont les verbes grecs utilisés et, malheureusement, la plupart du temps traduits par le même verbe français "aimer". Dans sa première question, Jésus demande à Pierre "m'aimes-tu" avec le verbe grec "agapao", qui, dans le "Nouveau Testament" désigne l'amour capable de donner sa vie pour l'autre (chez Jean), ou l'amour jusqu'aux ennemis (chez Matthieu et Luc), l'amour qui signifie vouloir du bien à l'autre. Et Jésus demande donc à Pierre s'il l'aime, lui Jésus, de ce genre d'amour, et "plus que ceux-ci", c'est-à-dire plus que les autres disciples.

Or, il est certain qu'en allant jusqu'à entrer dans la cour de chez Hanne, Pierre prenait un risque pour l'amour de Jésus, et bien plus que les autres disciples qui, eux, avaient tous fui (excepté évidemment le "disciple que Jésus aimait", mais lui ne prenait que peu de risque car il était de la famille de Hanne)... Comme le texte grec des évangiles ne comprend pas de signes de ponctuation, il est possible qu'en fait ce ne soit pas une question que Jésus lui pose, mais une constatation qu'il fait, une reconnaissance de l'amour que Pierre a manifesté pour lui en cette occasion, plus que les autres.

Quoi qu'il en soit, Pierre ne comprend pas de quoi Jésus lui parle, puisqu'il répond par l'autre verbe grec "phileo", qui, lui, désigne plus le simple amour d'attirance, ou l'amour d'inclination naturelle. Jésus insiste donc une seconde fois avec "agapao", mais Pierre ne comprend toujours pas. Alors, la troisième fois, Jésus utilise ce "phileo" duquel Pierre l'aime, pour le lui souligner : ce n'est vraiment que de cet amour-là que tu m'aimes ? Cette fois, Pierre dresse un peu l'oreille, Jésus n'a pas dit exactement la même chose, mais ça ne va pas plus loin en lui, et il renouvelle sa protestation d'amour d'affection...

Bien qu'étant celui qui avait pris le plus de risques lors de l'arrestation de Jésus, Pierre a donc encore bien du chemin à faire vers l'amour don de soi, et c'est sans doute dans ce sens-là qu'il faut comprendre cette responsabilité du troupeau qui lui est confiée, non pas comme une récompense, mais comme le moyen par lequel il va bien être obligé de faire l'apprentissage du dévouement aux autres ; c'est avant tout en cela qu'il est appelé à suivre Jésus, l'autre option étant qu'il attende sa vieillesse et la dépendance, pour renoncer à son amour-propre ?

Illustration 1

Après la résurrection et la pêche miraculeuse,
et après qu'ils eurent mangé,
    Jésus dit à Simon-Pierre :
« Simon, fils de Jean, tu m'aimes plus que ceux-ci...? »
    Il lui dit :
« Oui, Seigneur, tu sais que j'ai de l'affection pour toi ! »
    Il lui dit :
« Fais paître mon troupeau ! »

    Il lui dit de nouveau, une seconde fois :
« Simon, fils de Jean, tu m'aimes...? »
    Il lui dit :
« Oui, Seigneur, tu sais que j'ai de l'affection pour toi ! »
    Il lui dit :
« Fais paître mon troupeau ! »

    Il lui dit, la troisième fois :
« Simon, fils de Jean, tu as de l'affection pour moi...! »
Pierre a été perturbé, parce qu'il lui avait dit la troisième fois :
"tu as de l'affection pour moi...!"
    mais il lui a dit :
« Seigneur, tu sais tout,
tu connais que j'ai de l'affection pour toi ! »
    Jésus lui dit :
« Fais paître mon troupeau !

Amen, amen, je te dis :
quand tu étais plus jeune,
    tu te ceignais toi-même et tu marchais où tu voulais,
mais quand tu sera âgé,
    tu tendras tes mains
    et un autre te ceindra et t'amènera où tu ne veux pas. »
(Il dit cela pour signaler par quelle mort
il glorifierait Dieu.)

    Ceci dit, il lui dit :
« Suis-moi. »

(Jean 21, 15-19)

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