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Billet de blog 27 mars 2025

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C'est par le chef des démons...

Quel est le bien-fondé de cette notion de chef des démons, qui se rapproche dangereusement de celle de dieu du mal, à mettre au même rang que le dieu du bien, l'un et l'autre pouvant être considérés comme coexistants de toute éternité ?

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Béelzeboul : au départ, ce nom était simplement celui d'un dieu révéré par un ou plusieurs peuples voisins d'Israël, en quelque sorte un concurrent de YHWH. L'accusation de tenir ses pouvoirs de Béelzeboul peut alors s'entendre comme une accusation de ne pas être fidèle au dieu d'Israël, pour ne pas dire d'être un traître, un renégat, ou encore de se prostituer. Béelzeboul est vraisemblablement un des noms de Baal, un dieu présent un peu partout dans le proche orient, et auquel étaient sacrifiés des enfants, particulièrement les premiers-nés, en sorte que c'était à peu près certainement celui que révérait initialement Abraham, ce qui explique pourquoi il voulait sacrifier Isaac.

Tout ceci indique la gravité possible de l'accusation portée contre Jésus : il détiendrait ses pouvoirs de ce concurrent de YHWH, il serait donc en train de saper la foi d'Israël de l'intérieur, dans ces conditions et si cela pouvait s'avérer vrai, il n'y aurait même pas lieu de le déférer aux autorités romaines, il serait passible d'une lapidation immédiate en bonne et due forme. Cependant, la réponse qu'il donne suppose un sens différent de Béelzeboul, son nom symbolisant alors, non un des nombreux dieux voisins, mais le prince de tous ces dieux, en somme le prince du mal, comme alter ego et opposé de Dieu, car c'est dans ce cas seulement que peut prendre sens la rhétorique selon laquelle, en exorcisant des "démons" au nom de Béelzeboul, c'est Béelzeboul qui combat Béelzeboul, ce qui ne tient pas debout.

Étant donné que les adversaires de Jésus (des pharisiens, selon la version parallèle de Matthieu, ou des scribes chez Marc) semblent parler de Béelzeboul comme "chef" des démons, on a alors du mal à comprendre quel est vraiment leur raisonnement, puisque en ce cas il est sans fondement dès le départ ; c'est un boulevard qu'ils lui offrent ainsi royalement, d'autant que eux-mêmes ont dans leurs rangs (parmi leurs "fils", autrement dit leurs "disciples") des exorcistes, et qu'il est évident que c'est bien uniquement en invoquant le nom de YHWH qu'ils exercent leur ministère, et non pas au nom de Béelzeboul. L'accusation contre Jésus apparaît donc comme purement arbitraire, un a priori sans aucune base, une cabale dictée par la seule jalousie et le désir de défendre leur influence et leur pouvoir.

Reste la question du bien-fondé de cette notion de prince des démons, qui nous rapproche dangereusement de celle de dieu du mal, à mettre au même rang que le dieu du bien, l'un et l'autre pouvant être considérés comme coexistants de toute éternité, avec les mêmes propriétés, capacités, puissances, dans une lutte sans commencement ni fin, comme le pensaient initialement les mazdéens (et notion qui perdure toujours comme en sous-main dans toutes les religions, même si elles s'en défendent). Si, par exemple, on dote Dieu de la propriété d'être une personne, peut-on en dire autant de cet adversaire ? Personnellement je ne le crois pas : le mal ne me semble pas avoir de projet, de perspective, de sens ; il s'oppose seulement, met des obstacles, sabote, veut empêcher le bien de se réaliser, mais pas pour faire quoi que ce soit d'autre à la place.

En somme, le mal est simplement le néant d'où sort ce qui est ; le mal, c'est seulement ce fait que le bien ne se fait pas tout seul sans effort, c'est la résistance à la réalisation du monde et de l'univers, la résistance à l'évolution, c'est l'entropie vaincue par la vie, par les sentiments, par la conscience. Et nous avons le choix, apporter notre concours à ce mouvement de l'être, dans la mesure de nos capacités, ou non, baisser complètement les bras, laisser la mort faire son œuvre sans lui opposer la moindre résistance.

Illustration 1

et il expulsait un démon
    et celui-ci était muet
et il arriva que le démon étant sorti
    le muet parla
et les foules s'émerveillèrent
    mais certains d'entre eux dirent
« c'est par Béelzeboul le chef des démons
    qu'il expulse les démons »
(et d'autres pour l'éprouver
lui demandaient un signe du ciel)
    mais lui sachant leurs pensées leur a dit

« tout royaume divisé contre lui-même
    devient dévasté
    et maison sur maison tombe
aussi si le satan est divisé contre lui-même
    comment son royaume tiendra-t-il ?
puisque vous dites que c'est par Béelzeboul
    que j'expulse les démons...
et si moi c'est par Béelzeboul
    que j'expulse les démons
vos fils par qui
    les expulsent-ils ?
c'est pourquoi c'est eux qui seront vos juges

mais si c'est par le doigt de Dieu
    que moi j'expulse les démons
alors c'est qu'il est venu sur vous
    le royaume de Dieu
quand le fort bien armé garde sa demeure
    ses biens sont en paix
mais qu'un plus fort que lui étant survenu l'ait vaincu
    il lui enlève tout son armement en quoi il se confiait
    et il répartit son butin

qui n'est pas avec moi est contre moi
et qui ne rassemble pas avec moi disperse »

(Luc 11, 14, 23)

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