Qui croit en moi fera les mêmes actions que moi et il en fera même de plus grandes : voilà une affirmation bien embarrassante. Comment, Jésus ne serait pas à jamais indépassable ? on pourrait faire mieux que lui ? Que les évangélistes aient exagéré les capacités de Jésus, ou qu'ils les aient même inventées de toutes pièces, ils n'auraient alors jamais écrit quelque chose de ce genre. Qui croit en moi fera des actions plus grandes que les miennes : comment comprendre ça ?
Il faut peut-être commencer par mieux cerner ce que signifie ce mot "actions". Le plus souvent, il est traduit par "œuvres", mais peu importe, ce qui compte c'est qu'il vient souvent en complément et parallèle du mot "parole" : il y a les paroles que Jésus dit et il y a les actes qu'il accomplit. Alors, on pense évidemment en premier aux miracles, à ces actes hors du commun, mais ce serait réduire l'action de Jésus à cette seule catégorie d'actes. Au-delà de ceux-ci, les actions, les œuvres, dans la tradition biblique, c'est en premier la création du monde par Dieu, et l'œuvre pas excellence de Jésus, ce vers quoi est orientée toute son action, est de poursuivre cette création, dont il assure par ailleurs que, contrairement à une idée reçue dans le judaïsme de son époque, elle n'est pas finie, elle n'a jamais été finie : "mon Père jusqu'à présent agit et moi aussi j'agis" (Jean 5, 17).
L'essentiel de cette œuvre, de cette action, n'est donc pas dans les actes hors du commun, mais dans le faire advenir les personnes à leur être véritable et essentiel, et c'est sans doute là qu'on peut éventuellement faire une évaluation des actions de Jésus : combien de personnes a-t-il réellement touchées, converties, de son vivant ? il n'est pas sûr qu'il y ait eu grand monde, quoi qu'on en pense habituellement. Selon les Actes des apôtres (1, 15), après la mort de Jésus et avant la venue de l'Esprit à la Pentecôte, quand il s'est agi de choisir un remplaçant pour Judas, ils étaient environ cent dix. Quand on pense au nombre de chrétiens au long des siècles, il n'y a certainement aucune commune mesure.
Mais ces histoires de nombre ne sont pas l'essentiel, ce qu'il convient de prendre en compte, c'est le fond des dites conversions, jusqu'où mènent-elles à agir l'action de Dieu ? est-on dans un christianisme de morale et de bonnes intentions, ou est-ce l'Esprit qui agit par nous ? C'est là qu'il faut tenir compte aussi de la circonstancielle "parce que moi je vais vers le Père et que quoi que vous demanderez en mon nom je le ferai". S'il est possible à ceux qui croient en lui de faire des actions plus grandes que les siennes, c'est parce que, lui, y collaborera.
Il y a là, bien sûr, les prémices de ce qui deviendra la communion des saints, cette notion que les morts ne sont pas indifférents à ce qui continue de se passer sur terre après leur départ, une présence, autre, forcément autre, mais cependant réelle, bien réelle, et qui peut apporter son concours à cette action, à cette œuvre, de Dieu, y compris sur terre.
Agrandissement : Illustration 1
Jésus dit à Thomas
« moi je suis le chemin et la vérité et la vie
personne ne vient au Père si ce n'est par moi
si vous m'avez connu
vous avez connu aussi mon Père
dès à présent vous le connaissez et vous l'avez vu »
Philippe lui dit
« Seigneur montre-nous le Père !
et cela nous suffit »
Jésus lui dit
« depuis un si long temps je suis avec vous
et tu ne m'a pas connu Philippe ?
qui m'a vu a vu le Père
comment dis-tu "montre-nous le Père !" ?
tu ne sais pas que je suis dans le Père
et que le Père est en moi ?
les paroles que je vous parle
ce n'est pas de moi-même que je les dis
mais c'est le Père qui demeure en moi
qui fait ses actions
croyez-moi, je suis dans le Père
et le Père est en moi
mais sinon, à cause des actions croyez !
amen amen je vous dis
qui croit en moi
les actions que je fais lui aussi les fera
et même il en fera de plus grandes que celles-ci
parce que moi je vais vers le Père
et que quoi que vous demanderez en mon nom
je le ferai
afin que le Père soit glorifié dans le fils
si vous me demandez quelque chose en mon nom
je le ferai »
(Jean 14, 6-14)