Il faut que les parents n'imposent pas leurs goûts, leur caractère, leurs idées, leur façon de voir et comprendre le monde et la vie, à leurs enfants, sous peine de les brimer, de les étouffer, de les empêcher de s'épanouir dans leur propre destin, dans leur propre vocation, dans ce qu'ils sont eux-mêmes ; les parents doivent savoir s'effacer pour que leurs enfants puissent à leur tour devenir parents, à leur manière à eux. Ceci est vrai aussi dans tous les domaines où certains en accompagnent d'autres vers leur épanouissement, éducateurs, professeurs, maîtres de thèses, psychothérapeutes, prêtres et autres "directeurs" de conscience, tous, s'ils remplissent leur rôle avec cœur, devront savoir se frustrer, pour le moins se retenir, mais pour une joie et une satisfaction beaucoup plus profonde, celle de l'enfantement, non plus physique, mais au moins psychique, et mieux encore spirituel.
Ô combien en va-t-il de même pour Jésus, il faut qu'il s'efface s'il veut que ses disciples entrent dans la même expérience que lui. Pour lui, cet effacement va même être radical, tellement ils se trompent sur qui il est, ce sera le seul moyen de tuer en eux l'idée qu'ils se faisaient de lui et qui les empêchait de seulement comprendre de quoi il parlait. C'est ainsi, ils étaient absolument incapables de sortir de leur attente de l'homme providentiel, du sauveur, du messie, de celui qui les commanderait et eux n'auraient qu'à le suivre, lui obéir. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont fait le temps qu'ils ont été avec lui de son vivant, le suivre, comme des petits chiens, et certainement une telle attitude est-elle nécessaire, au moins relativement, pour un temps ; mais relativement, et pour un temps, car il faudra bien que vienne un moment où les disciples prennent leur envol...
et voilà alors qu'apparaît le "défenseur", l'Esprit, c'est-à-dire Dieu lui-même, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, qu'ils entrent à leur tour dans cette même relation filiale au Père que celle dont leur "maître", désormais devenu leur frère ou leur ami, avait témoigné quand il était encore avec eux : "je ne vous appelle plus serviteurs (ou élèves, ou disciples), mais amis".
On notera qu'alors cet Esprit qu'on nomme "défenseur" — et le mot grec est plus précis encore : paraclet, avocat de la défense — devient un attaquant, c'est lui qui se met à "accuser" ce monde dont, grâce à lui, les disciples se seront enfin libérés (plus exactement : toujours "dans" le monde mais plus "du" monde). Effectivement, c'est à partir de ce moment où ils sont en relation existentielle avec Dieu qu'ils voient le plus clairement possible que c'est une "faute", une erreur de vivre dans ce monde sans savoir qu'il n'est pas le tout de ce qui est ; que le juste chemin, le seul qui soit droit, est celui-là qu'ils viennent de commencer et qui les tourne vers le Père ; et enfin que ce monde est définitivement jugé pour ce qu'il est, c'est-à-dire non pas mauvais en soi, mais mauvais s'il prétend se suffire à lui-même.
Agrandissement : Illustration 1
mais maintenant je pars vers celui qui m'a envoyé
et aucun de vous ne me demande
"où pars-tu ?"
mais parce que je vous ai dit cela
la tristesse a rempli vos cœurs
mais moi je vous dis la vérité
il est bénéfique pour vous que moi je parte
car si je ne partais pas
le défenseur ne viendrait sûrement pas à vous
alors que si je pars je vous l'enverrai
et étant venu celui-ci accusera le monde
à propos de faute et à propos de droiture et à propos de jugement
à propos de faute
en ce qu'ils ne croient pas en moi
et à propos de droiture
en ce que je pars vers le Père et que vous ne me verrez plus
et a propos de jugement
en ce que le chef de ce monde a été jugé
(Jean 16, 5-11)