La présence de l'Esprit, ressentir cette présence de Dieu, en avoir l'expérience, ce n'est pas le summum de la vie spirituelle, au contraire, ce n'en est que le premier pas. Je ne dis pas ça pour décourager qui que ce soit, ce n'est pas non plus pour dénigrer les efforts honnêtes et sincères de celles et ceux qui essaient contre vents et marées d'avoir simplement une vie droite et généreuse, de probité et de partage. Mais nous sommes ici dans l'évangile de Jean, lequel est un évangile écrit par des mystiques, lesquels ne peuvent aussi que témoigner de ce qu'ils vivent, et que vivaient de plus nombre de chrétiens dans les débuts du christianisme, mais certainement non plus pas tous.
Quand donc cet Esprit est venu, s'est révélé à une personne, comme présence de Dieu ressentie au plus intime d'elle-même, cette personne se ressentira alors aussi comme ayant indubitablement franchi une étape décisive, mais certainement pas non plus comme étant finale, même si on n'a alors aucune idée de ce que peut être la "suite". Comme dit dans l'entretien avec Nicodème, à partir de ce moment-là, on entend le vent, le souffle, l'Esprit, mais on ne sait ni d'où il vient (sinon qu'il vient du plus profond de soi, mais d'une profondeur qui nous est insondable, et donc comme d'un au-delà de soi-même), ni où il va, la seule certitude étant alors qu'il nous mène forcément vers "la vérité tout entière", une vérité que nous avons donc encore à découvrir, et une entièreté dont il n'est pas certain qu'elle nous sera jamais accessible, en sorte que le chemin s'ouvre vraisemblablement sur l'infini, un chemin sans fin.
Une des caractéristiques peut-être les moins compréhensibles de cette expérience est le fait qu'elle est en quelque sorte auto-assertive. Les sceptiques par profession de foi auront beau jeu d'affirmer qu'il n'y aurait là que pure imagination à dimension hallucinatoire, mais à ce compte ils devraient alors en dire autant de notions comme la couleur rouge ou le goût du thé ou la douceur de certains morceaux de musique, ce qu'on appelle aussi les qualia. Effectivement, personne ne peut savoir comment je vis personnellement, intérieurement, toutes ces perceptions des sens, et il en va de même pour l'expérience mystique : les mots que j'en donnerai pourront éventuellement être catalogués comme ressortant d'une subjectivité absolue, mais pourtant, au-delà de cette subjectivité, et des formes concrètes parfois extrêmement variées que peut prendre l'expérience pour les uns ou pour les autres, ce qu'elles ont en commun transparaît quand même, tout comme la couleur rouge reste du rouge pour tout le monde, sauf cas de pathologie oculaire...
On notera la précision d'importance sur les sources de cet Esprit : après que Jésus ai dit (ou qu'on lui ait fait dire) que l'Esprit parlerait et transmettrait ce qu'il reçoit de Jésus lui-même, on prend bien soin de corriger : attention, c'est uniquement parce qu'il y a unité entre Jésus et le Père qu'il est possible de faire une telle affirmation, en sorte qu'en réalité c'est bien du Père que l'Esprit tire son inspiration, il s'agit bien de l'Esprit du Père, de l'Esprit de Dieu, celui dont Jésus lui-même semble avoir commencé de faire l'expérience lors de son baptême par Jean, et dont il était tellement empli qu'effectivement, en le contemplant, c'est un peu comme si on contemplait le Père, comme si on contemplait Dieu.
Agrandissement : Illustration 1
j'ai encore beaucoup de choses à vous dire
mais vous ne pouvez les porter en ce moment
mais quand il viendra cet Esprit de la vérité
il vous amènera à la vérité tout entière
en effet il ne parlera pas de lui-même
mais tout ce qu'il entendra il le dira
et ce qui vient il vous l'annoncera
lui il me glorifiera
car il recevra du mien et vous l'annoncera
— tout ce qu'a le Père est mien
c'est pourquoi j'ai dit
qu'il recevra du mien et vous l'annoncera
(Jean 16, 12-15)